La logique voudrait qu'il ne puisse plus siéger au sein de l'UMP

François Hollande



Entretien avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans le quotidien Le Monde daté du 6 octobre 2004
Propos recueillis par Isabelle Mandraud
 

En n'empêchant pas le député (UMP) Didier Julia de s'entremettre, dans des conditions confuses, pour la libération des otages français en Irak, le gouvernement a-t-il commis une faute ?
Je n'ai aucune preuve d'une autorisation donnée par l'Etat à cette opération douteuse. Je n'imagine pas qu'elle ait pu se faire avec le concours, voire en contact avec les autorités françaises au plus haut niveau. Si c'était le cas, ce serait très grave : une tentative malheureuse, lamentable et injustifiable, mais aussi un manquement inacceptable à l'esprit qui a été le nôtre. Car le PS a été et reste entièrement solidaire de toutes les initiatives de la diplomatie française et des services dûment mandatés pour permettre la libération de Christian Chesnot, de Georges Malbrunot et de leur chauffeur syrien. Nous n'avons jamais demandé une transparence absolue, impossible dans ces moments, ni même vérifié au quotidien l'action du gouvernement car, en ces matières, la confiance doit être de mise et, encore aujourd'hui, je suis à l'unisson des préoccupations des familles des otages en souhaitant la responsabilité et la discrétion de chacun.

Le PS demande tout de même des explications...
Oui. Si une preuve était établie et si, d'une manière ou d'une autre, M. Julia avait pu être autorisé à agir, même dans l'implicite, alors, au lendemain de la libération des otages, des conclusions devraient être tirées. Nous n'en sommes pas là. L'objectif demeure de tout faire pour retrouver nos compatriotes dans le respect de nos règles et sous le contrôle des autorités françaises.

En interpellant M. Raffarin à l'Assemblée, mardi, ne rompez-vous pas avec l'union nationale qui avait jusqu'ici prévalu ?
Nous ne changeons pas de ligne. C'est celle d'une solidarité sans faille de la France pour la libération des otages. Et, s'il y a des commentaires - il y en aura -, nous les ferons une fois atteint cet objectif. Mais nous avons le devoir de demander au gouvernement de condamner clairement cette initiative, son auteur, ses mensonges, ses méthodes, ses réseaux, et à l'UMP de sanctionner ce député et de savoir comment et par qui a été financé son déplacement douteux. Dès lors que les proclamations de sa propre famille politique consistent à se désolidariser de cette expédition, la logique voudrait qu'il ne puisse plus siéger au sein de l'UMP. L'Assemblée pourrait elle-même montrer le désaveu qu'elle adresse à M. Julia.

Estimez-vous que l'opposition a été suffisamment informée par le gouvernement ?
Nous avons été informés début septembre et je m'en suis félicité. Le PS s'est rendu à deux réunions à Matignon et j'ai eu deux conversations au téléphone avec le premier ministre ; puis le silence s'est établi et, depuis quinze jours, nous n'avons aucun contact. Nous ne pouvons l'admettre. Je pense qu'il serait bon, si, hélas, la prise d'otages devait durer, d'avoir une réunion chaque semaine avec les principaux groupes parlementaires. Je demande cette procédure, qui est la condition de la responsabilité et de la discrétion de tous pour marquer la volonté entière de notre pays d'obtenir, enfin, la libération des otages.

Jugez-vous, comme Ségolène Royal, que la diplomatie française a été " humiliée " ?
Il est établi que la diplomatie et l'action des services ont été gênées par l'opération ridicule mais dangereuse de M. Julia. C'est pourquoi le gouvernement, conscient de ce risque, aurait dû, dès le départ, mettre un terme fermement et publiquement à cette confusion et à cette intrusion.

Une opposition est-elle possible sur un tel sujet ?
On doit tenir un rôle utile et l'opposition peut l'être en faisant confiance à tous ceux qui agissent au nom de la France et en ne recourant, de son côté, à aucune diplomatie parallèle. Dans ce domaine, où l'essentiel est en cause, il n'y a qu'une France et une seule.

© Copyright Le Monde


Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]