Le départ de Raffarin s'impose

François Hollande

Entretien avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans Le Parisien daté du 15 juin 2004.
Propos recueillis par Frédéric Gerschel
 

La victoire du PS n'est-elle pas atténuée par le taux d'abstention record ?
Cette abstention a été délibérément encouragée par le gouvernement qui craignait ce vote. Mais le résultat, lui, est parfaitement clair. Il ne peut pas donner lieu à plusieurs interprétations. D'abord, il y a le succès des socialistes, large, historique même par son ampleur. Ensuite, il y a l'écart entre le PS et l'UMP, plus de 12 points. Pour le parti du président qui détient tous les leviers du pouvoir, c'est un nouveau camouflet.

Le remords du 21 avril 2002 a-t-il encore joué chez les électeurs de gauche ?
Incontestablement. La crainte de la dispersion opère... Depuis la présidentielle de 2002, les Français qui veulent voter à gauche choisissent prioritairement le Parti socialiste. Ce phénomène durera. Il est structurel maintenant. Le PS est perçu comme pouvant permettre la victoire de la gauche. Nous représentons 30 % des voix. Mais seul, il ne peut l'emporter. L'union est nécessaire et je ferai prochainement de nouvelles propositions à nos partenaires pour favoriser l'indispensable rassemblement.

Dimanche, l'extrême gauche s'est effondrée...
Elle a payé son refus, au moment des régionales et des cantonales, d'apporter son soutien à la gauche au deuxième tour. Au fond, l'alliance LO-LCR a démontré que voter pour elle ne servait à rien. Ses électeurs en ont tiré judicieusement les conséquences.

Visiblement, Jacques Chirac n'a pas l'intention de se séparer de Jean-Pierre Raffarin...
D'abord, j'ai été extrêmement choqué par l'absence de toute réaction du Premier ministre le soir des élections. Qu'il ait préféré commenter le résultat de l'équipe de France de football plutôt que celui de l'UMP est tout simplement incroyable dans une démocratie digne de ce nom. Je souhaitais déjà au lendemain des régionales que le président tire tous les enseignements de ce scrutin. Désormais, le départ de Raffarin s'impose et, au-delà de sa personne, c'est un changement de politique qui est attendu. Jacques Chirac ne peut pas indéfiniment ignorer la volonté des électeurs.

Selon vous, quels projets la droite doit-elle suspendre en priorité ?
D'abord, elle doit reconsidérer les prélèvements injustes imposés aux assurés sociaux dans le cadre de la fausse réforme de l'assurance maladie. Ensuite, le gouvernement doit renoncer à toute privatisation d'EDF-GDF. Enfin, la droite doit assurer la compensation intégrale des charges transférées aux collectivités locales. Sur ces trois sujets, nous interpellerons inlassablement le pouvoir.

Comment comptez-vous gérer le choc des ambitions présidentielles au PS ?
Tout simplement en rappelant clairement le calendrier. Jusqu'à la fin 2005, nous devons tous nous mobiliser pour élaborer le projet des socialistes qui constituera une étape essentielle de la reconquête. Une commission sera bientôt mise sur pied. Toutes les personnalités et les sensibilités y seront associées. Chacun doit avoir le souci du collectif et de la maîtrise du temps. Les militants socialistes jugeraient sévèrement les comportements de ceux qui s'écarteraient de cette ligne de conduite. N'oublions pas que ce sont les militants qui désigneront notre candidat en 2006.

C'est une mise en garde ?
Juste un rappel à la règle commune

A la tête du PS, vous venez de remporter les régionales et maintenant les européennes. Certains se disent finalement pourquoi pas vous ?
Je ne peux pas ne pas m'appliquer à moi-même les principes que je fixe pour tous. Je suis le premier secrétaire, je dois veiller à ce que la préparation des propositions que nous présenterons aux Français soit notre nouvelle échéance. Je ne suis pas dans une posture personnelle, je suis dans l'animation d'un collectif. La meilleure façon de servir son destin, c'est de défendre l'intérêt général.

C'est-à-dire ?
A partir d'aujourd'hui, les socialistes doivent remporter une victoire, non plus sur l'UMP ou sur la droite mais sur eux-mêmes. Démontrons, avec le projet, que nous sommes capables d'avancer des idées nouvelles, de mobiliser l'ensemble des forces vives et de donner du sens à la politique. Il ne suffit pas d'attendre passivement 2007 pour accéder de nouveau aux responsabilités. Nous devrons être choisis sur un projet et pas seulement être les bénéficiaires du rejet des autres. .

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