Dire non, ça veut dire quoi ?

Jean-Paul Huchon
Entretien avec Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France, paru dans Le Parisien daté du 11 octobre 2004.
Propos recueillis par Nathalie Segaunes
 

Comment vivez-vous le débat interne sur l'Europe qui bouscule le PS ?
Positivement. Sur une question aussi fondamentale, ce n'est pas anormal qu'il y ait un débat exigeant. Peu de partis se donnent ce mal. En même temps, je sens bien une radicalisation des positions et de la dureté dans les rapports humains : cela n'augure pas bien du futur débat sur le choix de notre candidat en 2007.

On voit resurgir, au sein du PS, le vieux clivage entre la mouvance social-démocrate et une frange radicale...
C'est vrai. Mais ce qui me choque, c'est que cette frange radicale semble avoir reçu le renfort de franges qui l'étaient moins...

Vous visez Laurent Fabius ?
Je ne veux pas mettre en cause la sincérité des partisans du non. Mais quand on sait le danger que court aujourd'hui la construction européenne, j'aurais souhaité que ceux qui ont exercé les plus hautes responsabilités restent fidèles à leurs choix.

Le camp du non affirme que sa victoire permettrait de tout remettre à plat...
Je ne vois pas bien les bases de refondation d'une hypothétique nouvelle Europe : comment se mettraient demain d'accord les Villiers, Le Pen, Krivine, Laguiller, Chevènement et nos amis Fabius, Emmanuelli, Montebourg, Mélenchon ? Ça, c'est pire que le pâté d'alouettes : c'est totalement indigeste ! La vérité, c'est qu'ils n'offrent aucune solution alternative.

On vous sent furieux...
L'Europe est, pour nous socialistes, un projet essentiel, un élément constitutif de notre identité. L'actuel débat met en cause toute la politique que nous avons conduite depuis plus de vingt ans. Dire non, ça veut dire quoi ? Qu'on s'est tous trompés ? Que François Mitterrand s'est trompé ? Que Pierre Mauroy s'est trompé ? Que Laurent Fabius s'est trompé ? Que Michel Rocard s'est trompé ? Que Pierre Bérégovoy s'est trompé ?

Lionel Jospin juge pourtant naturel le « droit d'inventaire »...
Bien sûr, mais ça portait sur l'éthique, sur certains comportements en politique. Sur les fondamentaux européens, il n'y a pas de droit d'inventaire, car il n'y a aucune raison qu'il y en ait.

Tout de même, cette Constitution n'est-elle pas trop libérale ?
Je suis de formation marxiste, même si je me suis soigné depuis. Marx était très réaliste : il pensait que le droit est représentatif de l'état des rapports de force dans une société. Ce traité, c'est le reflet du rapport actuel des forces dans la société européenne. L'important, ce sont les points d'appui démocratiques qui permettent de rebondir.

Si le non l'emporte, le PS risque-t-il l'explosion ?
Si le débat était excessif et virulent et si, à l'arrivée, le non l'emportait, ce serait très difficile à gérer. Mais je ne vois pas pourquoi les socialistes, qui ont gagné quatre élections depuis le début de l'année, qui sont au cœur de la société française, qui en sont même une bonne expression, seraient moins européens que les Français. Le oui l'emportera.

Et si ce n'est pas le cas, feriez-vous campagne pour le non ?
J'ai 58 ans, j'ai des convictions fortes. On ne va pas me demander de faire le contraire de ce que je pense depuis quarante ans. Si j'ai adhéré au PS, c'était d'abord parce que j'étais européen et internationaliste.

Si le non l'emporte, le PS perdra-t-il la présidentielle de 2007 ?
En tout cas, il ne se donnerait pas les meilleures chances de gagner.

L'atmosphère ressemble-t-elle à celle du congrès de Rennes en 1990 ?
Ce ne sont pas les mêmes enjeux. A Rennes, il ne s'agissait que de pouvoir et d'hommes. Aujourd'hui, il s'agit du choix d'une orientation majeure pour notre continent : c'est un choix comparable à celui de la Constitution américaine. Et, sans elle, il n'y aurait pas eu d'Etats-Unis. Mais je suis confiant. Le parti a beaucoup changé depuis Rennes : il est désormais capable de s'arrêter au bord du gouffre. Il sait se ressaisir dans les grands moments : espérons que nous vivons un « grand moment » !

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