Présider autrement |
Mesdames, Messieurs, Chers amis, Chers camarades, Je veux d’abord vous dire mon plaisir de me retrouver ce soir en meeting, ce soir en campagne. J’ai travaillé pendant cinq ans à la tête du gouvernement. Je me suis efforcé de servir sérieusement, honorablement mon pays. J’ai dû parfois taire ce que j’avais dans la pensée et dans le cœur et cette campagne de l’élection présidentielle est pour moi façon de libérer ma pensée et de vous dire mes espoirs. La campagne est un moment de liberté et un moment de vérité. C’est l’occasion de nouer un dialogue en profondeur avec le peuple de notre pays. C’est l’occasion de faire des choix puis de les proposer en toute clarté à nos concitoyens. C’est le moment d’offrir des perspectives à la France pour qu’elle joue pleinement son rôle au cœur de l’Europe et sur la scène du monde. C’est un moment de vie démocratique exceptionnel où la parole est rendue au peuple souverain et où il va rendre tranquillement, lucidement son arrêt. C’est pour moi bien sûr un plaisir particulier que d’être à Lille, grande métropole française, mais aussi Lille au cœur de l’Europe dans cette région où bat si fortement le cœur de l’histoire ouvrière de ce pays. C’est un plaisir que de retrouver des amis : Elio Di Rupo que je remercie pour la chaleur de son message tout à l’heure, accompagné de nos amis wallons belges ; Pierre Mauroy, le Premier ministre de François Mitterrand lors de la victoire historique de 1981 ; Martine Aubry dont je ne soulignerai jamais assez le rôle précieux qu’elle a joué dans mon gouvernement avant, malheureusement pour moi, de se consacrer aux Lilloises et aux Lillois. Martine Aubry qui, après avoir porté certains des dossiers les plus importants du gouvernement après 1997 - les grands projets sociaux, le redressement de la sécurité sociale, les 35 heures, les emplois jeunes - a participé directement, retrouvant sa fonction militante avec le Premier secrétaire du Parti, François Hollande, à l’élaboration du projet des socialistes dans la perspective de la présidentielle et des législatives ; François Hollande, que je salue parce que depuis près de cinq ans qu’il est devenu Premier secrétaire du Parti socialiste après moi, librement, souverainement, comme un parti démocratique respecté par le pouvoir, mais en même temps solidairement avec le gouvernement, il a animé la communauté des socialistes avec le talent que désormais on lui reconnaît ; Daniel Percheron, le Président de la Région Nord - Pas-de-Calais, qui sait être éloquent en trois minutes ; Bernard Derosier et Roland Huguet, les Présidents des deux Conseils généraux de cette région ; Jean Le Garrec, fidèle, solide, compétent Président de la Commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale et qui a noué constamment avec Martine d’abord, avec Elisabeth Guigou ensuite, le dialogue entre la majorité plurielle et le groupe socialiste et le gouvernement - sans lui, nous n’aurions pas avancé comme nous l’avons fait - ; Bernard Roman, Président de la Commission des lois à l’Assemblée nationale et qui lui aussi a eu à maîtriser des textes difficiles ; enfin, Marc Dolez et Serge Janquin, les deux Premiers secrétaires fédéraux de la fédération du Nord et de la fédération du Pas-de-Calais qui représentent ici l’ensemble des militants socialistes du Nord et du Pas-de-Calais que je salue et que je remercie. Je suis heureux, bien sûr, de voir à vos côtés et devant moi, les femmes et les hommes qui travaillent au gouvernement avec moi et que j’évoquerai sans doute encore tout à l’heure. Au-delà de ceux que j’ai nommés, à travers tous les visages que je connais dans cette région où je suis venu si souvent et où j’ai une partie de mes racines, à travers ceux que j’ai croisés trop vite, touchés furtivement ou qui m’ont étreint ou poussé vers la tribune par leur énergie collective, je salue tous les hommes et femmes du Nord et du Pas-de-Calais qui se trouvent représentés à travers vous ce soir. Mes chers amis, c’est le premier grand meeting de la campagne présidentielle de 2002 et je veux vous dire que j’ai déjà ressenti ce soir, dans ce qui est pourtant le tout début de la campagne populaire, la fièvre, l’enthousiasme, la volonté de gagner qui généralement accompagnent les derniers meetings de campagne. En 1997, pour les élections législatives, c’était le dernier meeting que nous avions tenu à Lille. Je vous avais fait, d’ailleurs, longuement attendre, je m’en souviens, parce que le tirage au sort m’avait attribué TF1 ce soir-là à Paris, et Pierre Mauroy n’avait pas boudé son plaisir de faire un discours sensiblement plus long que celui qu’il a fait ce soir pour essayer de faire patienter les citoyennes et les citoyens rassemblés. C’était déjà aussi une ambiance indescriptible. Je vous avais dit, souvenez-vous de ce moment que la victoire était possible et nous avons gagné effectivement les élections législatives. Aujourd’hui, nous renouons le fil de ce meeting à cet autre meeting, et à nouveau, je vous dis : la victoire est possible. A moi, à nous tous de tout faire pour gagner. J’éprouve pourtant, et je ne peux vous le cacher au risque de vous attrister, une petite déception : je pensais que ce meeting, ce soir, était secret. Vous êtes loin, mes chers amis, encore des performances du RPR ! Des supporters convoqués sur invitation ! Des journalistes tenus soigneusement à l’écart ! D’un accès tranquille à la tribune - et il est vrai qu’il m’a fallu un quart d’heure avec Martine, François, Pierre et quelques autres pour rejoindre les premiers rangs - ! Un exercice de démocratie très contrôlé. Alors, c’est vrai, vous avez une excuse : il était relativement difficile de tenir secret un meeting où se pressent paraît-il près de 15 000 personnes et puis décidément vous, les socialistes, vous êtes « naïfs ». Vous croyez que les meetings sont faits pour être ouverts à l’ensemble des citoyens quelque soit en leurs convictions pour participer à la démocratie. Vous pensez que la presse a libre accès aux réunions qu’on organise pendant les campagnes. Vous estimez que le candidat doit avancer au milieu du peuple, sans barrière, et quand il est à la tribune s’exprimer à partir de quelques notes sans prompteur. C’est vrai que, ayant comme simple citoyen été dans la campagne présidentielle de 1965, comme jeune responsable du parti socialiste pris ma part de la campagne de 1974, comme premier secrétaire du parti socialiste pris toute ma place dans la bataille victorieuse de François Mitterrand en 1981 puis ayant porté à nouveau cette responsabilité en 1988, d’avoir enfin moi-même été votre candidat au premier tour de l’élection présidentielle de 1995 et le candidat de la gauche au deuxième tour, je dois dire que les meetings secrets et un candidat à la présidence de la république s’exprimant en lisant un prompteur qui se déroule comme un présentateur de télévision, je ne l’avais jamais vu dans une grande démocratie comme la France. Vous êtes naïfs mes chers amis mais étant naïf moi-même comme on le sait, je voudrais vous dire une chose ce soir : surtout ne changez pas ! En tout cas, au moment où la campagne a commencé et dans ce premier meeting, je voudrais vous dire mon état d’esprit, ce que j’attends pour nous tous, pour notre pays, de cette campagne présidentielle. Je veux et je ferai une campagne pleine, active, sans esquive, ni mensonge, sincère, militante et joyeuse. La France a besoin d’une vraie campagne sans complaisance et sans faux-fuyant pour discerner les enjeux car ils sont importants en ce début de siècle, pour opérer des choix car il n’y a pas de conduite d’un pays, il n’y a pas de conduite des affaires publiques sans faire des choix. Jacques Chirac, comme d’habitude, n’en fait pas mais additionne des promesses contradictoires. On ne peut pas dire à la fois, mes chers concitoyens, que l’on va réduire les recettes, que l’on va augmenter les dépenses civiles et depuis hier militaires et en plus massivement, et en même temps affirmer que l’on va réduire les déficits ! Alors il est vrai que dans sa première intervention sur les questions économiques, le candidat du RPR s’était ouvert une sorte de ligne de fuite puisqu’il avait dit qu’il repousserait jusqu’à 2007 le retour aux équilibres budgétaires - ce qui revenait d’ailleurs à nier les engagements pris par lui déjà en tant que Président de la République devant toute l’Europe, je crois que c’était à Dublin, tendant à respecter le pacte de stabilité et de croissance. S’il persistait dans cette intention, il ouvrirait je pense une crise entre la France et l’Europe. Alors, hier, il a à nouveau changé de position à Strasbourg, dans une ville européenne, devant des représentants de l’Europe, en comprenant enfin qu’il ne pouvait déchirer lui-même le pacte qu’il avait signé. Mais puisqu’il est revenu sur cet engagement, cela signifie maintenant que la politique qu’il préconise (baisse des recettes, baisse du déficit, augmentation des dépenses), l’enferme littéralement dans un triangle impossible. On ne peut pas changer en permanence de positions selon le lieu ou le public. Ainsi on n’est pas crédible et on disqualifie la politique et l’engagement citoyen. Nous n’avons pas agi ainsi, nous n’agirons pas ainsi et dans cette campagne, j’indiquerai clairement les choix que je proposerai au pays et comment ceux-ci seront compatibles entre eux. Car il faut convaincre parce qu’il faut gagner la confiance, parce qu’il faut retrouver souvent l’appui d’hommes et de femmes rongés par le scepticisme, coupés parfois de l’engagement civique, mais cette confiance, mes chers amis, ne se décrète pas. Si nos concitoyens sont, pour un certain nombre d’entre eux, sceptiques, ils n’ont pas en tout cas la mémoire courte. Ils sont donc attentifs aux discours, aux actes et aux comportements et ils demandent dans une élection présidentielle, mais bien-sûr plus encore après quand le moment est venu, de tenir ses promesses, du sérieux, du respect, de la sincérité à leur égard. Nous avons l’ardente obligation de dire ce que nous voulons et ce que nous pouvons faire en assumant notre action, en acceptant les critiques, en faisant des propositions sérieuses, en construisant une cohérence. Je veux porter avec vous une ambition pour la France, pour la République et pour l’Europe. La campagne est faite pour élire un Président, un Président qui fait des choix et les propose au pays, qui prend des engagements et qui ensuite les tient, qui fera preuve de stabilité et de constance dans l’affirmation du rôle de la France sur la scène internationale, un Président qui a gardé en lui l’énergie pour agir et le désir de servir.On sent bien que certains voudraient esquiver le débat de cette campagne. Faire oublier les promesses « fallacieuses » de 1995. Passer par profit et perte la politique menée par Alain Juppé entre 1995 et 1997. Ne pas avoir à rendre compte du vide d’un septennat alors qu’on est le président sortant. Il ne faudrait donc pas émettre de critiques. Il ne faudrait pas avoir d’échanges politiques. Il ne faudrait pas mettre en regard les paroles et les actes, caractériser les comportements dans l’action, sous peine de manquer peut-être de respect. Mais devant le suffrage, devant les citoyens, quand vient le moment du débat, quand chacun sort de son rôle, certes exerce sa fonction, l’un président encore, l’autre premier ministre pour quelques semaines, et assumant leurs rôles, mais lorsqu’ils sont dans le libre débat devant les citoyens, leurs militants et les opposants, chacun est égal et la parole doit être libre. Soyons clairs : il y a eu le temps de la cohabitation qui a été décidée par les Français en 1997. J’ai gouverné près de cinq ans, sans polémique, sans coups ni à coups, dans le respect des fonctions, dans l’intérêt de la France. Maintenant, c’est le temps de la campagne, chacun tient une parole ouverte et libre, qui ne doit pas blesser les personnes, mais chacun aussi est responsable de ses actes, de ses comportements et de ses projets, et ceux-ci font l’objet même du débat démocratique. Il faut donc que chacun accepte l’air vif de la campagne, l’air vif de la démocratie, Jacques Chirac y compris. Quand il était président de la République, il était en permanence candidat, maintenant qu’il est candidat, il voudrait qu’on ne voie en lui que le Président de la République. J’ajoute un point essentiel sur le fond : en 1995, l’élection présidentielle a été faussée par une véritable mystification politique, même s’il est vrai que c’est M. Balladur qui en a été finalement plus victime que moi. L’élection présidentielle de 2002 doit donc être une élection de vérité. Les Français ne doivent pas être abusés une seconde fois.Une des vérités de cette campagne, c’est qu’il existe dans ce pays, comme à l’échelle de l'Europe, une gauche et une droite, et que leurs approches des problèmes et les solutions qu’elle propose ne sont pas identiques. Or, l’élection présidentielle est le temps fort de notre vie politique. La France a rendez-vous avec elle-même. C’est le moment où normalement se prennent les grandes orientations, c’est le moment où les Français choisissent leur premier dirigeant, en outre, un changement important est intervenu avec l’adoption du quinquennat voulu par nous et voté par les Français. La capacité du nouveau président après l’élection présidentielle à travailler en cohérence et en harmonie avec le ou la Premier ministre qu’il choisira et l’équipe d’hommes et des femmes qui l’entourera sera une des clés du succès des politiques qui seront menées à la tête du pays. Or il me semble que du point de vue des équipes, des capacités des hommes et des femmes, de la confiance mise en eux, que du point de vue de l’esprit de fraternité qui les anime, de l’habitude qu’ils ont prise de travailler ensemble dans un libre débat pour ensuite agir ensemble, nous sommes mieux placés que nos adversaires de droite. Or le moment historique dans lequel intervient cette élection est décisif. Le monde autour de nous change vite.Après le 11 septembre, la tragédie du terrorisme fanatique frappant au cœur de la première puissance du monde, ces amis que sont les Etats-Unis, il faut savoir s’orienter avec lucidité et fermeté sans être portés par les vents du moment, par le plaisir que l’on veut faire à tel ou tel interlocuteur pour guider la France et aider l'Europe à jouer son rôle dans ce monde plus difficile.En Afghanistan, aujourd’hui encore, nous participons de la lutte contre le terrorisme d’Al Qaïda, nous contribuons à défaire les derniers partisans du régime des Talibans, celui qui a oppressé les hommes et humilié et nié la dignité des femmes. Aujourd’hui, au Proche-Orient, nous voyons que se poursuit l’impasse tragique de la violence et de la haine. J’éprouve la même souffrance quand j’apprends que sont déchiquetés par les bombes des citoyens d’Israël ou quand tombent sous des balles ou sous les missiles les femmes et les hommes de Palestine. Il faut absolument que la France, que l’Europe aident les dirigeants de ce pays et notamment notre ami, Shimon Peres, qui dans des conditions difficiles avec Abou Alha, le président du Parlement palestinien s’efforce de proposer une issue politique, de dire qu’il y a d’autres chemins que la haine, d’autres issues que la violence. Que ces deux peuples qui se séparent et se divisent sont engagés sans qu’ils le sachent dans une quasi-guerre civile sur ces terres si étroites si exigües où chacun vit au contact de l’autre alors nous devons pleinement jouer notre rôle pour qu’au Proche-Orient, renaisse une perspective politique et c’est ce que fait la diplomatie française animée notamment par Hubert Védrine . Mais si nous jouons tout notre rôle dans la lutte contre le terrorisme par la coopération policière, par la coopération judiciaire, par la coopération militaire et financière, si nous sommes totalement solidaires du peuple américain frappé, il nous faut en même temps être capables de tirer lucidement des conclusions de ce qui s’est produit. Il ne faut pas croire que le monde puisse s’analyser selon la seule et simple grille de lecture du mal ou du bien, du terrorisme et de la liberté. Nous devons lutter pour toutes les libertés : la liberté politique, la liberté sociale, la liberté économique, et nous devons dire à nos amis américains que s’ils tiraient comme leçon de ces évènements tragiques qu’ils peuvent eux, la première puissance du monde, eux nos amis, eux qui nous ont libéré deux fois, simplement en tirer comme conclusion qu’ils doivent uniquement et strictement veiller à leurs intérêts nationaux, s’ils ne comprennent pas que le monde est trop complexe pour être dirigé par l’unilatéralisme, mais qu’il faut au contraire animer le pluralisme mondial, organiser la planète, qu’il faut respecter ses alliés, alors il faudra que la France tienne deux langages : langage d’amitié et langage de lucidité et nous sommes les seuls dans cette campagne aujourd’hui à les tenir. L'Europe a besoin de se fixer un cap, de se réformer, de faire évoluer ses institutions, de rendre son système de décision plus efficace, de maîtriser aussi l’élargissement pour que la réconciliation des deux Europes, séparées par les tragédies de l’histoire, l’unification économique mais aussi culturelle du continent européen, ne se fasse pas au prix de la dilution de la communauté que nous avons voulu construire. L’élargissement, ça n’est pas créer une grande zone de libre échange, ça n’est pas créer une société de marché ; l’élargissement doit permettre en même temps de renforcer la puissance de l'Europe, sans affaiblir le contenu de ces politiques européennes, sans mettre en cause le modèle européen fondé sur l’équilibre entre l’économie, le social et la culture. Pour moi, la France doit, comme nous avons commencé à le faire, sous mon gouvernement, tous les ministres impulsant à leur poste les inflexions à la politique européenne que nous avions décidé ensemble, oui, la France doit peser sur le cours de la construction européenne pour plus de démocratie, plus de croissance, plus de social. La France, pour répondre à sa vocation, doit être assurée de son identité, doit défendre le modèle original qu’elle a créé, mais elle ne peut pas le faire comme certains le préconisent à droite ou parfois à gauche en se fermant au monde de façon frileuse. Les progrès ont été fait dans notre pays : recul puissant du chômage, croissance plus élevée qu’ailleurs, dans la phase d’expansion comme dans la phase de récession, avancées sociales majeures, et je rappellerai quelques unes dans un instant, réformes de société modernes, adaptées à l’évolution des mœurs et ne mettant pas en cause en même temps les repères et les règles sur lesquelles doit être fondé le vivre ensemble. Mais le pays, je l’ai déjà dit, je l’ai même écrit, est contrasté. Et ce que je prône, ce pourquoi je veux m’engager avec vous, c’est justement la réconciliation des deux France : celle qui crée, celle qui innove, celle qui réussit, celle dont les revenus sont forts, celle dont les statuts sont stables et que nous ne devons pas pénaliser dans son élan créateur, mais en même temps en prenant en compte les problèmes de ceux qui souffrent, les problèmes des chômeurs, des bas salaires, des emplois précaires parce que sinon notre société, si nous ne prenions pas garde à faire avancer ensemble ces deux France, ces différentes catégories de la population, serait alors désarticulée par la politique de la droite, par le libéralisme et par la soumission aux forces de l’argent. La gauche peut porter ce message de modernité et de défense de l’identité et de nos grands acquis sociaux. C’est conscient de ces enjeux, convaincu que je peux après cinq années où j’ai gouverné, servir à nouveau mon pays en exerçant la plus haute responsabilité de l'État, c’est désireux de faire vivre notre République et de la faire évoluer vers la modernité, oui c’est dans cet esprit que je sollicite la confiance des Français. Je le fais avec joie, je le fais avec sérénité, je le fais avec force. Je le fais aussi en sachant que l’élection présidentielle est à deux tours. C’est une réalité qui ne m’avait pas échappé. Je sais bien que le premier tour est le tour de la diversité, où s’expriment les personnalités, les différents courants politiques divers de notre pays. Je ferai donc cette campagne en respectant jusqu’au bout tous les candidats, et en particulier tous les candidats du premier tour sans me projeter au second tour.Dans cette campagne et grâce à vous, grâce à ce que représente le courant socialiste de notre pays, grâce peut-être à la qualité relative de l’action que nous avons menée depuis près de cinq ans, j’existe avec mon poids et avec la force que nous représentons. Il y a quinze jours, souvenez-vous on me disait : déclarez-vous, le débat n’est pas possible sans vous. Il ne faudrait pas qu’on me dise aujourd’hui, maintenant que vous êtes candidat, il n’y a plus de place pour nous. Si je parle un peu plus du candidat du RPR, ce n’est pas du tout que je me projette dès maintenant dans un second tour qu’il faut toujours conquérir dans une élection, mais c’est parce qu’il est le candidat sortant et qu’il doit répondre de son septennat et de dire pourquoi il sollicite auprès des Français un second mandat et pour quoi faire. Je voudrais vous dire que j’ai du respect et de l’amitié pour tous les candidats issus de la gauche plurielle. Je suis un militant de la gauche plurielle. Je dirige depuis près de cinq ans un gouvernement qui en a exprimé toute la diversité. Je suis donc attentif à la campagne menée par Robert Hue, par Noël Mamère, par Christiane Taubira-Delannon et je suis sensible au fait que l’un défendant la sensibilité communiste, l’autre exprimant le mouvement des Verts, l’autre se réclamant aujourd’hui des radicaux de gauche, restent profondément fidèles à leur histoire, à leur encrage, à leurs valeurs propres. C’est vrai, j’ai un peu plus de mal à appréhender la logique politique qui est celle de Jean-Pierre Chevènement, mais ne désespérons pas que celle-ci enfin se retrouve. Ici, à Lille, ville, communauté d’agglomération, conseil régional et conseils généraux dirigés par des majorités plurielles, je veux m’adresser à tous les candidats de la gauche, leur souhaiter bonne chance dans cette campagne et dans cette élection car la somme des bonnes chances fera la bonne chance collective. Puisque je parle de majorité, et donc d’opposition, je voudrais tordre le cou - classique début de campagne - à l’affirmation selon laquelle il n’y aurait pas ou peu de différence entre la gauche et la droite.
Que la période soit plutôt un peu moins idéologique que par le passé, j’en conviens. Que la cohabitation ait pu avoir un effet d’optique, il faut l’admettre, mais rien, dans l’attitude des forces politiques de droite et de gauche ne peut autoriser une telle conclusion. Regardons ce que nous avons fait et ce qu’ils ont refusé. Nous avons les 35 heures, ils ont voté contre. Idem pour l’allocation personnalisée d’autonomie. La couverture maladie universelle, ils ont été contre. Nous avons fait la parité, ils ont dû s’y rallier tant c’était populaire, mais ils n’ont même pas pu accepter que le mot soit dans la Constitution. Nous avons assuré l’indépendance de la justice, et il est dans leur programme de la remettre en cause s’ils gagnaient les élections. Nous avons pratiqué la baisse des impôts, et ils ont pratiqué le matraquage fiscal. Nous avons instauré le Pacs, ils l’ont caricaturé avant de reconnaître qu’ils étaient à contre-courant des sensibilités. Et si l’on examine maintenant, toujours aussi rapidement, ce qu’ils envisagent, et ce que nous refusons, là encore sur des projets concrets, sur des grands sujets, sur des propositions précises, l’opposition entre la droite et la gauche est claire. Sur la fiscalité, les réformes annoncées par le candidat du RPR d’abord oublient 50 % des Français qui ne paient pas l’impôt, alors que nous par la prime pour l’emploi, nous avons au contraire donné à ces catégories de la population des revenus supplémentaires qui les ont aidé, qui ont soutenu la consommation et aidé la croissance économique. Ils ont envisagé une réforme de l’impôt sur le revenu qui favorisera les tranches les plus élevées, ils ont bien évidemment décidé d’alléger la fiscalité sur le patrimoine. Ils ont proposé d’accorder des baisses de charge aux entreprises, ce que nous ne récusons pas d’ailleurs a priori, puisque nous l’avons fait nous-mêmes pour aider à la réussite des 35 heures mais, nous nous l’avons fait avec des contreparties, dans un donnant-donnant, pour fournir des bases à la négociation entre les chefs d’entreprise et les syndicats et eux, ils le donnent sans contrepartie, c’est-à-dire sans chances de créer réellement des emplois. Sur les retraites, qu’y a-t-il de nouveau ? Tout simplement la reprise de la vieille idée de la Loi Thomas des fonds de pension, des fonds de pension individuels, alors que nous-mêmes nous nous engageons à préserver le système de répartition, clé de la solidarité entre les générations et lorsque nous envisageons une épargne complémentaire, nous veillons à ce que cela soit une épargne salariale, collective, contrôlée par les organisations syndicales, les représentants des salariés, si bien que le système n’est pas un système où chacun a sa retraite en fonction de son revenu individuel mais s’inscrit dans des cadres collectifs ou des rapports de force légitimes permettent de défendre les intérêts des salariés. Sur l’emploi, leur politique vise à remettre en cause les 35 heures. Leur politique représente une menace majeure pour les emplois-jeunes. Nous, au contraire, nous prolongerons cette politique, en l’adaptant progressivement aux entreprises de moins de 20 salariés. Et pour commencer à frapper le noyau dur du chômage, pour gagner ces 900 000 chômeurs en moins dans la prochaine législature, nous allons centrer notre action d’une part sur les publics les plus en difficulté, pour lesquels des programmes ciblés seront envisagés et étoffés. Et d’autre part, nous créerons ce système de la formation tout au long de la vie, du crédit formation, de façon à ce que les hommes et les femmes puissent être amenés sur le chemin de l’emploi. Ils veulent réduire le nombre des fonctionnaires, et nous voulons au contraire nous-mêmes épanouir les services publics en France et défendre les services d’intérêt collectif en Europe. Notre philosophie, c’est la solidarité, leur logique, c’est la logique inégalitaire. Faute de présenter un bilan présidentiel, faute de proposer dans l’ensemble des champs de la vie des solutions justes, adaptées et modernes, on sent bien que la droite va essayer de se concentrer une fois de plus sur un problème non pas qu’elle veut traiter véritablement mais qu’elle veut faire fructifier électoralement : celui de l’insécurité. Hier, à Strasbourg, alors qu’on pensait qu’il allait parler de l'Europe, Jacques Chirac y est revenu. Je voudrais dire très clairement ici, qu’il s’est livré, à propos du mot naïveté, à une manipulation tout à fait grossière de l’intervention que j’ai faite devant TF1. A TF1, onze millions de téléspectateurs m’ont entendu dire ceci et moi j’ai pêché un peu par naïveté, non pas par rapport à l’insécurité, j’étais très conscient qu’il fallait mobiliser des moyens contre et nous l’avons fait d’ailleurs, nous avons nommé plus de policiers, plus de magistrats, plus d’éducateurs. Mais au fond, je me suis dit peut-être pendant un certain temps : si on fait reculer le chômage, on va faire reculer l’insécurité parce que c’est quand même une des raisons de cette situation. On a fait reculer le chômage, 928 000 personnes, mais l’insécurité n’a pas reculé. Voilà très précisément ce que j’ai dit devant les téléspectateurs de France, si bien qu’il n’est pas honnête de la part de M. Chirac d’affirmer de ma part une prétendue naïveté sur les questions d’insécurité, en ajoutant que cela n’était pas une excuse mais plutôt une faute. Je ne crois pas que les Français me prennent pour un naïf, et en matière d’insécurité ou de lutte pour la sécurité, pas davantage. Ils ont très bien compris que je parlais simplement d’un lien mécanique, et qui ne s’est pas opéré pour des raisons que nous connaissons bien, que vous connaissez bien, vous qui êtes au contact de la vie de nos concitoyens, de la vie dans nos quartiers et qui tiennent à des causes plus structurelles, plus fondamentales : la désarticulation des familles, la perte des repères, le besoin d’intégration, la souffrance sociale, le cadre urbain. Alors, je ne vois pas en quoi la droite pourrait mettre en cause notre volonté d’action, car la lutte contre l’insécurité a été dès le début de mon gouvernement une priorité. D’ailleurs, lorsqu’on compare les moyens qui ont été mis en œuvre par la droite quand elle était au pouvoir et par nous-mêmes dans ce domaine, les chiffres sont clairs et parlent pour ceux qui ont agi. Dans la police entre 94 et 97 : 1060 policiers ; entre 98 et 2002 : 5600 policiers soit cinq fois plus sans compter les 16 000 adjoints de sécurité. Si l’on regarde la justice et en particulier les magistrats, c’est à dire ceux qui ont la conduite des affaires judiciaires et qui contrôlent l’action policière: 183 postes de magistrats créés entre 94 et 97, 1049 magistrats créés entre 98 et 2002. Je trouve que cette façon d’exploiter la question de l’insécurité renvoie en réalité à un autre terme qui est celui du cynisme.Cynisme que de proposer le contraire de ce qu’on l’a fait hier, cynisme que de promettre aujourd’hui ce que l’on sait ne pas pouvoir tenir demain, cynisme que de jouer avec les peurs, non pas pour les conjurer, mais pour en faire les instruments de la conservation d’un pouvoir dont on sent qu’il vous échappe. Alors, les dirigeants de droite, en exploitant ce thème, auraient tort de prendre les Français pour des naïfs, ceux-ci sont plus lucides qu’ils ne le pensent. Ils sont parfois sceptiques, c’est vrai sur l’action politique mais ils ne sont pas cyniques. C’est pourquoi, ils ont besoin d’une nouvelle approche de la politique et de la présidence. C’est pourquoi ils ont besoin qu’on s’engage devant eux sur de grandes orientations, et c’est ce que je fais dans cette campagne présidentielle. Présider autrement, ce n’est pas un slogan, même si c’est aussi un slogan, ce n’est pas une question institutionnelle, même s’il y aura certaines réformes institutionnelles à proposer, et notamment le changement du statut judiciaire du Président de la République. Présider autrement, c’est le résumé d’une démarche politique. C’est certainement présider autrement que le président sortant : c’est-à-dire faire des choix, tenir ses engagements, c’est savoir tirer des leçons y compris publiquement d’un succès que nous avons rencontré, c’est ne pas se résigner au déclin du politique, c’est donner du sens au destin collectif de notre pays, redonner aussi sa place à l’esprit de responsabilité à tous les niveaux. Président autrement c’est fixer des orientations mais aussi laisser le gouvernement qui sera nommé après l’élection gouverner, mais cette fois en l’aidant sa tâche, en l’épaulant en permanence plutôt que de le harceler de ses critiques. Présider autrement, c’est s’appuyer sur des équipes compétentes et fraternelles. Les hommes et les femmes rassemblés devant moi avec vous, je sais bien que c’est une de nos forces, une de mes chances, dans l’élection présidentielle que de les avoir avec moi pour m’entourer et pour conduire l’action après la victoire. Jean-Marc Ayrault, président du groupe à l’Assemblée, Claude Estier, président du groupe au Sénat, Pervenche Bérès, présidente de la délégation européenne, Laurent Fabius, François Hollande, Dominique Strauss-Kahn, Elisabeth Guigou, Ségolène Royal, Bernard Kouchner, Daniel Vaillant, Jean-Luc Mélenchon, Marie-Noëlle Lienemann, Claude Bartolone, Michel Sapin, Marylise Lebranchu, et bien sûr, Martine, mais Martine, elle est là devant moi. J’ai proposé, mes chers amis, dans la lettre que j’ai adressée aux Français, et par laquelle je présentais ma candidature à la magistrature suprême, cinq engagements, pour une France active, sûre, moderne, juste, et forte. Depuis cinq ans, j’ai travaillé avec le gouvernement sur tous les problèmes du pays, sur tous les sujets de préoccupation des Français, je crois que cela m’a bien préparé à ce qui vient. Je sais nos difficultés, je connais aussi nos atouts et nos forces. Je n’ignore pas les craintes qui animent encore certains d’entre nous. Je mesure aussi les élans de générosité, de solidarité et d’altruisme dont peuvent faire preuve les Français entre eux et vers l’extérieur quand on les appelle vraiment un destin digne de ce nom. Je m’adresserai dans cette campagne à chacune, à chacun et à tous. Pour une France active qui reprend la lutte contre le chômage si bien entamée au lieu de casser les mécanismes que nous avons mis en place qui forment ses jeunes et les ramènent vers l’emploi, notamment ceux qui sont en difficulté ; qui utilisent les ressources de la science, de l’éducation au service de la créativité et de la production ; qui sait s’appuyer sur toutes les potentialités de l'Europe mais en affirmant une grande politique européenne ; qui favorise fondamentalement le travail et la création. Une France plus sûre, qui sans démagogie, fait de la sécurité sa première priorité avec l’emploi, qui place la responsabilité, mais aussi l’exemplarité, le civisme au cœur du pouvoir et de la société, qui ne néglige pas la prévention, qui use des moyens indispensables de la répression en les adaptant à chaque cas, en donnant une réponse à chaque problème, en donnant une sanction à chaque incivilité ou à chaque délit, mais en même temps en se gardant de stigmatiser notre jeunesse. Une société qui continue à traiter les maux qui, au-delà des comportements individuels, nourrissent la violence et la délinquance, mais aussi une conception de la sécurité, qui sait que la sécurité n’est pas seulement la tranquillité publique, mais que c’est aussi la sécurité sociale préservée, les retraites assurées, les personnes âgées aidées notamment celles qui sont en situation de dépendance. C’est aussi la sûreté de nos aliments et de nos médicaments à laquelle on veille par des agences indépendantes. Une France plus juste où chacun doit avoir accès égal à la formation, à la santé, au logement, aux loisirs, à la culture, à la retraite, aux services publics, et où on ne compte pas seulement sur les solutions individuelles pour assurer ces droits. Une France plus moderne qui investit dans l’éducation, la recherche, l’innovation, qui fait sa place aux nouvelles formes de vie, qui renouvelle la démocratie politique, qui relance la démocratie sociale, comme j’en ai pris l’engagement, qui sait s’ouvrir sur l'Europe et sur le monde. Une France forte qui oriente le cours de la construction européenne, qui par son modèle, ses propositions, son dialogue, son exemple, ses valeurs, pèse sur le monde, l’aide avec d’autres à s’organiser et à se réguler, une France qui joue tout son rôle dans le dialogue à reprendre entre le Nord et le Sud, en récusant les conflits de civilisation, en ne confondant pas le fanatisme avec les grands courants spirituels quels qu’ils soient, oui un monde dans lequel notre jeunesse a envie de vivre. J’ai évoqué à plusieurs reprises pendant ces quinze premiers jours de campagne, l’esprit de responsabilité qui est pour moi au cœur de l’action publique et de la démocratie. Nos responsabilités dans cette campagne elles sont multiples, et nous allons les partager. J’ai besoin de votre force, de votre intelligence collective, de votre engagement individuel, de votre soutien. A vous d’aller au contact de nos concitoyens, de les écouter mais aussi de leur parler, d’évoquer les enjeux de cette élection présidentielle mais aussi des élections législatives qui viendront juste derrière. De moi, vous pouvez attendre jusqu’au bout un engagement total, le refus de la démagogie, la sincérité des convictions, la volonté sans faille de faire gagner nos idées, mon dévouement total au service du pays. Mes chers amis, un mouvement commence, un chemin se dessine, un espoir se lève, nous avons deux mois pour le faire aboutir, ensemble, nous pouvons, nous devons gagner, et puis ensuite, nous pouvons, nous devons réussir, au service des Françaises, au service des Français. Vive la France ! |
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