Présider autrement
Présentation du projet - lundi 18 mars 2002

 Lionel Jospin a présenté, lundi 18 mars 2002, son projet pour la France à l'occasion d'une conférence de presse.


 

Mesdames et messieurs les journalistes,

Je suis en campagne depuis 25 jours. Dans ma lettre de candidature, j’ai pris cinq grands engagements devant les Français. J’ai commencé à les développer dans mes réunions publiques et dans mes premières émissions. J’ai fait des propositions sur plusieurs sujets précis : famille, femmes, outre mer, recherche…

Aujourd’hui, tout naturellement je présente mon projet pour la France et les Français. Après une courte introduction, je répondrai à vos questions.

Ce projet m'engage. D’abord, parce qu'il comporte des engagements. Il n'est pas qu’une vision - sinon ce serait trop général. Il n'est pas un programme de gouvernement, ou la déclaration de politique générale d’un Premier ministre - si précis qu'il confondrait les temps, les fonctions et les élections. J'ai voulu prendre la mesure de la nouvelle période qu'ouvraient la réforme constitutionnelle du quinquennat et la séquence politique d'élections présidentielles et législatives consécutives. Je définis des orientations, je fixe des objectifs, je propose des priorités et je formule des propositions. Après les élections, il appartiendra au Gouvernement, en cohérence avec le Président de la République, de fixer les rythmes, d'arrêter les modalités, de conduire les réformes.

Ce projet m'engage aussi parce qu'il est mon projet, celui d'un homme qui s'adresse à tous les Français, mais il n’est pas celui d’un homme seul. Il a pris en compte le texte du Parti socialiste. Il a été nourri de nombreuses contributions individuelles. Il a été débattu collectivement. Je remercie chaleureusement tous ceux et celles qui ont participé à son élaboration.

Ce projet s’appuie sur l'expérience que j'ai acquise, les leçons que j'ai tirées, les convictions que j’ai forgées durant cinq ans, au service de mon pays. Il est cohérent avec ce que j'ai fait et avec ce que je suis. C'est le projet d'un socialiste, c’est un projet pour la France.

Au fondement de ce projet, il y a une ambition pour la France.

L'élection présidentielle, parce qu'elle est un grand rendez-vous avec le peuple, nous offre collectivement l'occasion d'un bilan, d'un état des lieux et d'une projection dans l'avenir.

    1) Où en est-on aujourd'hui ?

    Il y a sept ans, une formule avait symbolisé la campagne présidentielle du candidat RPR : la "fracture sociale". C’était une promesse d’action. Ce serment n’a pas été tenu.

    Aujourd'hui, les mêmes se contentent d’un mot : le déclin. Je ne crois pas que cela rende justice à la France et aux Français.

    Pour ma part, je vois la France telle qu'elle est. Je ne décris pas un paysage peint en rose. Mais il est honnête de dire que notre pays va mieux qu'il y a cinq ans. Plus d'emplois. Moins de chômeurs. Moins de Rmistes. Une dette en recul. Des entreprises conquérantes. Internet dans notre vie quotidienne. De nouvelles réformes dans la société et, signe clair d’optimisme, des couples qui font plus d’enfants. En même temps, je sais qu'un pays qui va mieux n'est pas un pays où tout va bien. Je connais les impatiences, les doutes, les souffrances. Je veux y répondre. Je crois que nous avons pris le bon chemin mais il nous reste beaucoup à faire.

    2) Où peut-on aller demain ?

    Mon ambition est de rassembler la France et les Français. Elle est d'aider à l'expression de toutes les énergies. Elle est de placer chacun dans la position de faire valoir ses capacités. Elle est de réconcilier ce qui fait notre richesse : l'esprit de révolte et l'esprit d'initiative, la capacité de création et l'exigence de justice.

    Pour cela, il faut présider autrement. Présider autrement, c'est réhabiliter l’action politique ; c'est voir la France autrement, mesurer ses potentialités, aimer sa diversité, mobiliser sa créativité. Présider autrement, c'est faire en sorte que la richesse de notre pays nourrisse l’esprit de solidarité, c'est œuvrer pour que l'Europe pèse dans le monde afin de donner des règles à la mondialisation économique. Présider autrement, c'est mobiliser les femmes et les hommes de notre pays vers l'avenir, vers le mouvement, vers la réforme. Tel est le sens des cinq engagements que j'ai pris devant les Français et que le projet que je vous présente aujourd'hui précise.

I - Je veux une France active

Notre pays compte aujourd'hui 2 millions d'emplois de plus et 900 000 chômeurs de moins qu'il y a cinq ans. Avant 1997, la résignation gagnait du terrain et le chômage taraudait notre société. Aujourd'hui, l'espoir est de nouveau possible. La perspective du plein emploi, que j'ai dessinée, est redevenue crédible. L'objectif que je fixe au pays, en guise d'étape intermédiaire, c'est de faire reculer, à nouveau, le chômage de 900 000 au cours des cinq prochaines années. Cela suppose des choix macroéconomiques. Cela exige des choix structurels.

1) Nous continuerons à favoriser une croissance forte et créatrice d'emplois car nous croyons, et nous savons d'expérience, que le bon pilotage de l'économie joue un rôle important. La croissance ne se décrète pas. Elle ne se constate pas. Elle se construit.

Elle se construit par des choix nationaux. Je propose que l'évolution des dépenses publiques, les allègements d'impôts et la réduction des déficits dessinent, dans le cadre de nos engagements européens, un triangle équilibré.

La croissance se construit également par des choix européens. Je propose de nouvelles étapes dans la construction de ce nous appelons un " gouvernement économique européen " - par la consécration institutionnelle de l'eurogroupe et l'élection de son président par ses pairs. Je propose le renforcement de la coordination des politiques économiques - par la prise de décisions en matière fiscale et sociale à la majorité qualifiée et par la fixation d'un taux européen minimum de l'impôt sur les sociétés, antidote nécessaire au poison du dumping fiscal.

2) Au-delà de ces choix macroéconomiques, je veux insister sur trois défis structurels que notre pays doit relever dans les cinq prochaines années et qui donnent lieu à autant d'engagements précis.

Le premier défi est celui de la formation tout au long de la vie.

Si la France veut réussir dans l'économie du XXIème siècle, si elle veut s'attaquer avec plus de force encore au problème du chômage de longue durée, si elle veut construire une société plus mobile, alors elle doit faire de la formation tout au long de la vie une des priorités des prochaines années.

C'est pourquoi je propose que chaque Française et chaque Français soient dotés d'un compte-formation personnel dont les modalités seront négociées entre l'Etat et les partenaires sociaux mais qui devra poursuivre deux objectifs. Favoriser la qualification, la requalification et la réorientation de ceux qui travaillent : chaque semaine de travail viendra ainsi alimenter leur compte personnel. Offrir une véritable " nouvelle chance " à ceux qui auront quitté l'école précocément en leur attribuant une dotation spécifique complémentaire. La formation tout au long de la vie, c'est l'égalité des chances tout au long de la vie.

Le deuxième défi est celui de l'emploi des plus de cinquante ans.

C'est un problème européen. C'est davantage encore un problème français. Le pourcentage des plus cinquante ans occupant un poste de travail doit augmenter sensiblement.
La situation actuelle n'est pas acceptable. Ni individuellement : rien ne justifie l'éviction du marché du travail de femmes et d'hommes expérimentés, en pleine possession de leurs forces physiques et intellectuelles, capables et désireux d'être utiles par leur travail. Ni collectivement : notre pays se prive de compétences appréciables pour l'économie et de ressources importantes pour le financement des retraites. Je refuse les visions malthusiennes de l'économie.

Je propose donc un plan de lutte contre le chômage des plus de cinquante ans. Beaucoup dépendra de l'évolution des mentalités dans les entreprises : je souhaite que nous changions nos attitudes collectives. Beaucoup dépendra aussi des mesures qui seront prises : dans le cadre du nouveau contrat de retour à l'emploi que le Gouvernement mettra en place - et qui se substituera à la plupart des dispositifs d'aides à l'emploi existants -, 200 000 emplois seront spécifiquement affectés aux plus de cinquante ans.

Le troisième défi est celui de la diffusion des nouvelles technologies de l'information, qui portent en germe une nouvelle révolution industrielle. Mon gouvernement a su prendre le tournant de la société de l’information. La diffusion de ces nouvelles technologies pour tous doit relever d'un véritable service public : dans le monde demain, maîtriser l'outil informatique sera aussi important que de savoir lire, écrire et compter.

Je propose donc un grand plan d'équipement des jeunes, en association avec les collectivités locales, avec l'objectif d'un ordinateur relié à l'internet pour cinq élèves dans chaque école primaire, d'un ordinateur par famille pour les collégiens et les lycéens, d'un portable par étudiant.

II - Je veux une France sûre

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen reconnaissait déjà le droit à la sûreté. Nous l'appelons aujourd'hui le droit à la sécurité. Il doit être respecté. C'est pour moi une priorité. Je refuse l'impunité : tout délit doit trouver sa sanction. Je prône une action globale : il faut être dur avec le crime et dur avec les causes du crime - il faut concilier la répression et la prévention. Je souhaite une mobilisation de toute la société : nous ne vaincrons pas l'insécurité par la seule action de la police ou de la justice   chacun, à sa place, peut contribuer à ce combat.

C'est pourquoi je propose aux Françaises et aux Français de passer un Contrat national de sécurité.

Ce contrat doit prendre appui sur les piliers mis en place au cours de la dernière législature :
- conseil de sécurité intérieure ;
- contrats locaux de sécurité ;
- police de proximité ;
- centres d'éducation renforcée ;
- centres de placement immédiat ;
- maisons de la justice et du droit ;
- augmentation des moyens de la justice et des forces de l'ordre.
Personne ne conteste aujourd'hui la pertinence de ces réformes.

Mais il faut aller au-delà.

- Cela suppose de donner davantage de moyens à la justice et aux forces de police et de gendarmerie, comme nous avons commencé à le faire. Ces moyens seront dégagés, sur cinq ans, par une loi de programme adoptée dès le début de la législature.

 Cela suppose la réforme de structures administratives ou la création de nouvelles structures judiciaires. Pour assurer une meilleure coordination entre la police et la gendarmerie, un ministère de la sécurité publique sera instauré. Pour améliorer l'efficacité de la justice au quotidien, la médiation sera développée par la création de juges de proximité. Pour mieux associer tous les acteurs, le maire sera, davantage encore qu'aujourd'hui, l'animateur du contrat local de sécurité de sa commune.

 Cela suppose enfin de réduire massivement la délinquance des mineurs, dont le développement constitue une des évolutions les plus préoccupantes de notre société. Je refuse de stigmatiser la jeunesse de notre pays. Mais je veux traiter le comportement délictueux d'un petit nombre de mineurs de plus en plus jeunes. Là encore, je veux le faire à travers une action globale.

La répression est nécessaire. Elle sera conduite sans faiblesse. L'ordonnance de 1945 n'est pas pour moi un tabou. C'est un texte qui pose des principes sages - sanctions adaptées, tribunaux spécialisés. C'est un texte qui a été modifié à de nombreuses reprises depuis la guerre. L'intérêt de ces jeunes comme l'intérêt de la société nécessitent de nouvelles adaptations. Le Gouvernement les entreprendra.

Pour être précis et concret, les procédures de comparution immédiates seront étendues : la sanction et la réparation doivent être plus rapides ; l'accueil des mineurs récidivistes dans des structures fermées - des centres de réintégration différents des prisons pour les jeunes, qui existent par ailleurs -, sera développé.

Mais la répression n'est pas suffisante. Je souhaite, notamment pour lutter contre la violence à l'école, que soit créée des cellules sociales de suivi des adolescents et des enfants difficiles pour agir dès les âges les plus précoces. Ce travail individualisé nécessitera des moyens, notamment en termes d'éducateurs. Ils seront mobilisés. Tout mon projet par ailleurs est centré sur l’action contre les causes sociales de la violence.

III - Je veux une France juste

La lutte contre les inégalités doit être l'une des priorités des cinq prochaines années. Le marché produit efficacement des richesses, mais il multiplie, dans un même mouvement, les inégalités. Je ne veux pas d'une France tout entière bâtie sur le même moule et qui ne saurait récompenser ses talents. Mais je veux une France plus juste. Dans le monde d'aujourd'hui, les inégalités augmentent spontanément. C'est donc par une action volontaire que nous pouvons contrarier, et j'espère inverser, ce mouvement. Cela nécessite une action tout azimut : en amont, dans le processus de production, lorsque les inégalités se forment ; en aval, pour corriger les inégalités, par la redistribution.

    1) Je veux réduire les inégalités de revenus.

    La politique fiscale sera réformée et allégée en ce sens. La fiscalité sera rééquilibrée en faveur des revenus du travail. L'imposition du revenu sera réformée par la retenue à la source - qui devra faire l'objet d'un Livre blanc puis d'un débat public avant d'être adoptée. La prime pour l'emploi sera étendue. Surtout, nous réduirons de moitié l'impôt le plus archaïque et le plus injuste de notre système fiscal : la taxe d'habitation. Cette réforme se fera en étroite concertation avec les départements et les communes. Mais, quel que soit le dispositif mis en place pour assurer l'autonomie des collectivités locales, à laquelle je suis attaché, cette réforme devra aboutir.

    Au-delà de la fiscalité, la réduction des inégalités passera par une action déterminée contre l'exclusion. Beaucoup a été fait depuis 1997. Le chantier prioritaire concerne désormais le logement : je souhaite que, dans les cinq ans, nous mettions en place une couverture logement universelle et que nous parvenions à ce qu'il n'y ait plus de sans domicile fixe. Cet objectif fort - " zéro SDF d'ici à 2007 " - suppose une méthode nouvelle : l’État restera pleinement engagé aux côtés des collectivités locales, mais je proposerai aux organisations non gouvernementales de piloter cette mission pour laquelle elles seront dotées des moyens financiers nécessaires.

    2) Je veux garantir les retraites par répartition.

    Le diagnostic est désormais connu et, ce qui est très important, largement partagé.

    L'objectif - mon objectif - est clair : sécuriser les retraites par répartition qui sont l'un des ciments de la cohésion sociale de notre pays.

    Pour maintenir le niveau des retraites - ce que l’on appelle le taux de remplacement - je m'engage à ce que les décisions soient arrêtées très rapidement, au plus tard avant juin 2003, après une consultation et une négociation avec les partenaires sociaux.

    3) Je veux combattre les inégalités de pouvoir.

    Dans le respect des lois, les chefs d'entreprises ont le pouvoir de décision. Mais il faut équilibrer le pouvoir dans l'entreprise. Pour que les salariés, par l'intermédiaire de leurs représentants, puissent mieux faire entendre leur voix, je souhaite que les Conseils de surveillance soient ouverts aux salariés. A l'issue de cette très importante réforme de structure, le " gouvernement d'entreprise " sera aussi efficace ; il sera plus démocratique.

IV - Je veux une France moderne

Notre pays doit résolument s'inscrire dans la modernité. L'une des vocations du Président de la République est de donner les impulsions nécessaires pour y parvenir. Cette modernité ne doit pas être une contrainte. Elle doit être une exigence qui assure la défense de nos valeurs. Notre pays a renoué avec le progrès. Ce progrès retrouvé doit être un progrès partagé.

    1) Je veux porter une vision moderne de la famille ou, pour être plus précis, des familles.

    Cela passe d'abord par une plus grande égalité concrète entre les femmes et les hommes dans la vie domestique - gage d'une plus grande égalité dans la vie professionnelle. Je propose la création, au-delà du congé de maternité et du congé de paternité qui vient d'être créé, d'un véritable congé parental. Je propose la création, négociée avec les partenaires sociaux, d'un chèque enfance pour payer les prestations d'accueil d'enfants en dehors du temps scolaire.

    2) La modernité, c'est aussi d'accorder à la jeunesse la place qui lui revient.

    La jeunesse doit être l'âge de la liberté de choix. J'ai la volonté de conclure un pacte de confiance avec la jeunesse. Je propose notamment que soit instauré un contrat d'autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans. Cette allocation, résultant de la refonte et de l’extension des aides existantes, aura pour contrepartie une démarche de formation. Elle supposera un suivi individualisé. Il ne s'agit en aucune manière, pour moi, de créer un " RMI-jeunes " pour les moins de 25 ans ; il s'agit, au contraire, d'éviter une dérive qui conduit certains de ces jeunes à devenir " Rmistes " dès qu'ils ont plus de 25 ans.

    3) La modernité, c'est encore de préparer l'avenir et donc d'investir dans l'éducation.

    La recherche de l'égalité des chances comme de la compétitivité des entreprises pousse en ce sens. La gauche avait déjà, en son temps, fixé l'objectif de 80 % d'une génération au niveau du Bac.

    Je propose aujourd'hui deux objectifs complémentaires. 100 % des jeunes doivent quitter le système scolaire avec une qualification effective : le progrès doit être partagé. 50 % d'une génération doit être titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur : le progrès doit être stimulé !

    4) La modernité, c'est de défendre et de réformer l'Etat et les services publics.

    L'Etat doit être présent, proche, mobile. Trois idées peuvent illustrer cette volonté. L'expérimentation : les approches doivent être diversifiées. La décentralisation : je fais de la nouvelle étape de la décentralisation l'une des priorités du prochain quinquennat. La déconcentration : les fonctionnaires doivent être davantage responsabilisés dans leur travail quotidien ; tout le monde   agents publics et collectivités - y gagnera.

    5) La modernité, enfin, c'est de favoriser la négociation collective. Je veux que notre pays, et la gauche particulièrement, laisse davantage de place à ce que l'on appelle la démocratie sociale, c'est-à-dire à la négociation et au contrat. Cet engagement est pour moi un engagement fort et solennel. Cela suppose un approfondissement de la représentativité des syndicats : je propose qu'elle soit plus encore fondée sur le vote des salariés. Cela suppose un renforcement de la légitimité des accords collectifs : je propose que leur validité repose sur des accords majoritaires, c'est-à-dire non plus sur la signature d'un seul syndicat représentatif mais sur une coalition rassemblant au moins la majorité des salariés.

V - Je veux une France forte

Je veux une France dont les idées, les valeurs et la culture rayonnent. Je veux une France qui travaille à la préservation du pluralisme mondial : le monde est trop divers, trop complexe pour qu’une seule puissance puisse prétendre résoudre ses problèmes à la seule lumière de ses intérêts nationaux. Je veux une France qui promeut une plus grande régulation internationale. La France est un pays profondément attaché à son identité et tourné vers les autres. La France n'est grande que quand elle est généreuse. La France n'est forte que quand elle prend l'initiative. Mon objectif est que demain la France pèse davantage dans l'Europe et que l'Europe pèse davantage dans le monde.

    1) L'enjeu décisif est de construire une Europe forte.

    Je suis profondément européen, et je veux contribuer à construire une Europe qui réponde mieux à l’exigence de ses citoyens.

     L’Europe, c’est d’abord pour moi un contenu. C’est pourquoi, je l’ai dit, je suis attaché, après le succès de l’euro, à la mise en place d’un véritable gouvernement économique de l’Europe, capable d’agir, en contrepoint de la politique monétaire menée par la Banque Centrale européenne, pour le plein emploi et la croissance. C’est pourquoi je souhaite aller vers un espace social européen, avec le développement d’un dialogue social à l’échelle européenne, avec la promotion d’une Europe de la santé, avec l’adoption d’une directive européenne sur les services publics, dont nous avons arrêté le projet à Barcelone. Notre perspective doit être celle d’un traité social européen, consacrant les droits sociaux qui sont au cœur de notre modèle de société. C’est pourquoi aussi je souhaite que l’Europe consolide son modèle de civilisation, dans les domaines de l’éducation et de la culture, du développement durable, de la recherche. Enfin, je souhaite que nous achevions la réalisation, engagée à notre initiative, d’une défense commune de l’Europe.

     L’Europe doit aussi réussir son élargissement. L’unification de l’Europe constitue l’aboutissement d’une perspective historique. Plus encore qu’un devoir de solidarité, elle est un projet politique. Je veillerai à ce que, dans cet élargissement imminent, la France défende ses intérêts, tout en ayant l’esprit ouvert. Il faudra faire en sorte que ce processus n’aboutisse pas à la dilution du modèle européen et rester attentif aux indispensables mesures de transition qui devront être prises dans l’intérêt mutuel des pays candidats et des Etats membres.

     Au-delà, mon objectif est de construire une Europe politique. Une Constitution européenne dont la Charte des droits fondamentaux serait la première partie, des compétences clarifiées, des traités simplifiés, des politiques communes réformées et préservées, des députés européens plus proches des citoyens par une réforme du mode de scrutin, un président de la commission issu de la coalition victorieuse des élections du Parlement européen, un Conseil des ministres renforcé par un conseil permanent des ministres chargé des affaires européennes, une carte d’identité européenne, avec une face commune et une face nationale, pour chaque citoyen de l’Union : telles sont mes propositions. Elles dessinent la Fédération européenne des Etats-nations que j'appelle de mes vœux.

    2) Je veux que la France et l'Europe contribuent à maîtriser la mondialisation.

    La France est un pays qui veut et peut travailler, notamment au travers de l’Union européenne, à faire prévaloir une plus grande régulation internationale et la diversité culturelle.

    Voir loin, c'est se préoccuper des équilibres écologiques de la planète : je propose une Organisation Mondiale de l'Environnement et, aussi, que l'on se saisisse de ce qui va devenir l'un des grands défis des décennies prochaines - la question de l'eau - pour élaborer une charte internationale de l'eau garantissant et organisant l'accès à ce bien public essentiel.

    Voir loin, c'est se préoccuper des équilibres sociaux de la planète. C'est combattre le sous-développement. C'est proposer des initiatives nouvelles et d'ampleur. Annulation de la dette, augmentation de l'aide publique au développement, allocation exceptionnelle de droits de tirages spéciaux, fonds international anti-sida : ces engagements doivent être réaffirmés et tenus.

    Mais je propose d'aller au-delà : je souhaite que l'Europe prenne une grande initative en direction des pays de l'arc méditerranéen, sous la forme d'un emprunt, pour financer leur équipement dans de nombreux secteurs de base. C'est à la fois une exigence de solidarité et un moyen de soutenir l'activité dans nos propres économies.

    Voir loin, c’est contribuer à une plus forte maîtrise de la mondialisation. C’est pourquoi l’action de notre pays et de l’Union doit changer d’échelle en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment des capitaux. Je souhaite aussi que soit poursuivie l’étude d’une taxe internationale sur les flux financiers à court terme. Je propose enfin que soit approfondie, afin de favoriser une meilleure « gouvernance mondiale », l’idée d’un Conseil de sécurité économique et social, ouvert aux pays en développement et lié à l’Organisation des Nations Unies.

Le projet que je vous présente s'appuie sur une méthode : la démocratie économique, sociale et politique. Celle-ci s'exprime à tous les niveaux.

Ce projet tire, pour la première fois, toutes les conséquences du fait que l'Europe n'est plus une question extérieure ou étrangère. Pour la première fois, les questions européennes ne sont pas seulement traitées à part mais sont présentes partout.

Ce projet veut mobiliser la société en organisant la négociation. L'Etat proposera aux partenaires sociaux une grande conférence économique et sociale dont l'ordre du jour - qui devra bien sûr être décliné dans le temps - sera nourri : consolidation des retraites par répartition, mise en oeuvre du compte-formation, plan pour l'emploi des salariés de plus de cinquante ans, lutte contre la précarité de l'emploi, présence des représentants des salariés dans les conseils de surveillance des entreprises, égalité professionnelle des femmes et des hommes.

Ce projet propose aussi, je l'ai dit, d'importantes réformes de l'Etat, un Etat garant du principe d'égalité, présent, efficace, proche, qui sache nouer des partenariats. Ainsi, la puissance publique pourra-t-elle, dans un monde ouvert, contribuer à relever les défis de l'avenir.

Ce projet propose de nouvelles avancées démocratiques : une revalorisation du Parlement en allant vers le mandat unique pour les parlementaires ; une concrétisation de l'indépendance de la justice en inscrivant dans la loi ce qui a été la pratique de mon Gouvernement - c'est-à-dire l'impossibilité, pour le pouvoir politique, d'intervenir dans les affaires individuelles - ; un développement de la citoyenneté, grâce à l'harmonisation à cinq ans de la durée de tous les mandats et le droit de vote des étrangers aux élections locales. Toutes ces réformes seront tranchées par le peuple lui-même, dans un référendum.

Toutes ces réformes dessinent aussi ce qu'est, pour moi, présider autrement.

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