Présider autrement
Grand-Quevilly - mardi 9 avril 2002

 Discours de Lionel Jospin prononcé lors du déplacement, à Grand-Quevilly (Seine-Maritime), pour évoquer la France moderne.


 

Mes chers amis,

Je voudrais remercier Monsieur Marc Massion, le Maire de Grand-Quevilly de m’accueillir dans une commune où je suis déjà venu à plusieurs reprises. Je voudrais dire mon plaisir d’être au côté de Laurent Fabius qui est pleinement engagé dans cette campagne, qui vient dans des meetings où je suis, qui participe à l’atelier de campagne.

Les thèmes de la modernisation ou de la modernité que je souhaite évoquer aujourd’hui sont des thèmes sur lesquels il travaille, à travers notamment la modernisation de l’Etat. Je ne vais pas saluer tous les élus, je vais tout de même saluer Alain Le Vern parce qu’il est le Président de la Région ainsi que Jean-Paul HUCHON, Président de la Région Ile-de-France qui nous fait l’amitié de venir en voisin de son énorme région. J’espère qu’il ne fait pas peser sur celle-ci une ombre trop forte. Je salue tous les élus, députés, sénateurs, maires et conseillers municipaux de cette ville, conseillers régionaux ou généraux.

L’organisation de l’espace, la présence des femmes et des hommes qui sont ici, donnent à cette rencontre un petit côté d’assemblée générale, tel qu’il m’est arrivé d’en faire dans mon passé syndicaliste à une époque. Cela donne une configuration assez agréable, parce que sans être désordonné, elle a quelque chose d’un peu libre que les meetings où tout le monde est en rang ne rendent pas toujours.

La démocratie, pour peu qu’elle reste organisée, canalisée, conduite vers un but, c’est aussi un petit peu une assemblée générale du peuple français qui discute, participe mais doit ensuite en tirer des conclusions positives. J’étais à Clermont-Ferrand hier pour parler des problèmes des seniors, des personnes âgées. Je suis à Grand Quevilly aujourd’hui pour parler des problèmes de la modernisation de la France, de l’entrée dans la modernité et de ce que cela signifie. Je serai jeudi à Bordeaux pour un grand meeting, vendredi à Mulhouse pour parler d’environnement, samedi à Lens pour parler de justice, de justice sociale dans ces terres du Nord qui comme ici ont une longue tradition ouvrière et socialiste.

A travers ces déplacements sur des thèmes de mon projet ou sur des meetings plus politique, c’est véritablement un mouvement qui me conduit à aller dans toutes les régions de France à la rencontre des Français, non pas dans des publics choisis, mais dans des libres rassemblements de militants, souvent et de citoyens.

Dans ce pays où l’industrie parfois a connu des crises mais s’est aussi développé fortement, où les technologies notamment dans cette ville sont mises au service de la population, dans une ville où Laurent Fabius a été le maire et reste un animateur et un inspirateur, un homme qui s’est toujours intéressé aux problèmes de la modernisation, de la modernité et en tant que Ministre de l’Economie et des Finances et de l’Industrie, je veux parler de cette France moderne que je veux conduire.

Le prochain quinquennat va donc signer l’entrée de la France dans le XXIème siècle, je veux que notre pays réussisse cette entrée, je veux qu’il regarde vers l’avenir, je veux donc qu’il poursuive sa modernisation. Je crois qu’une France moderne, c’est une France qui doit tourner le dos comme elle l’a fait à plusieurs reprises depuis 20 ans, aux vieux systèmes du conservatisme politique et social qui sous des habits souvent changeants - tantôt ceux du dirigisme post-gaulliste, du centralisme, tantôt sous ceux du libéralisme égoïste qui n’est pas moins dangereux - propose avant tout de conserver l’état existant.

Une France moderne c’est d’abord une société ancrée dans son temps, capable d’innover, de saisir les opportunités ouvertes et notamment ouvertes par les nouvelles technologies. Mais en même temps, la modernité, ça n’est pas non seulement l’évolution des techniques, des technologies, la modernité c’est aussi l’évolution de la société, c’est aussi l’évolution des mœurs, la façon dont les femmes et les hommes changent dans leur manière de vivre ensemble. Donc, je veux une France qui soit à l’écoute des aspirations et des modes de vie des citoyens, qui sache faire évoluer ces lois et ces politiques pour mieux y répondre.

Une France moderne, pour moi c’est un pays qui sait collectivement choisir et maîtriser son avenir. Ce qui suppose qu’au moment des élections majeures et notamment de l’élection présidentielle, on lui propose des choix, pas des additions de promesses contradictoires selon les moments ou selon les publics, mais des choix véritables qui seuls permettent d’avancer car si on ne choisit pas on reste aux embranchements.

Une fois ces choix proposés, je souhaite des équipes politiques et un Président de la République qui les respecte, qui montre qu’il reste fidèle à ses engagements. C’est une utile modernisation de la vie politique et nous avons essayé d’y contribuer depuis cinq ans. Pour moi, le projet d’une France moderne c’est un projet profondément de gauche parce que je pense qu’il n’y a de véritable modernité que partagée. C’est-à-dire une modernité dans laquelle chacun puisse trouver sa part.

1 - Cette volonté de modernité partagée, de progrès partagé, cela veut dire d’abord préparer l’avenir de la jeunesse

Nous avons la chance parmi les pays développés d’avoir aujourd’hui encore une démographie soutenue. Notre population active continue à augmenter, c’est d’ailleurs une explication, de la différence entre le nombre des emplois créés 2 100 000 et le nombre de la diminution des chômeurs plus de 900 000. C’est parce que chaque année depuis cinq ans, sont arrivés plus de 150 000 jeunes sur le marché du travail que notre population active continue à augmenter. Cela rend plus difficile la solution du problème du chômage surtout lorsqu’un certain nombre de jeunes sortent du service national, ce qui s’est rajouté pendant la période, mais c’est un en même temps un facteur dynamique et donc il ne faut pas le prendre comme une chose négative. Et puis, c’est ce que vient de révéler une enquête très importante, nous sommes parmi les quinze, parmi les pays européens, le pays après l’Irlande qui a le taux de fécondité, le nombre de naissances par rapport à la population bien sûr le plus élevé d’Europe.

Cela apporte un démenti très fort à ceux et notamment à celui qui nous parle du déclin de la France. Si au cours de ces années, il y avait le sentiment chez les jeunes couples en France que l’avenir est plus sombre qu’il ne l’était avant, qu’on avance pas mais qu’on recule, je ne pense pas qu’ils feraient ce pari sur l’avenir qui est le fait de mettre des enfants au monde et des enfants plus nombreux au monde.

Alors, nous devons préparer cette politique en direction de la jeunesse, les 35 heures ayant d’ailleurs joué un rôle en permettant de consacrer plus de temps aux enfants. Cette politique, avec la couverture maladie universelle hier donne l’assurance que tout enfant recevra les soins médicaux dont il a besoin et demain, avec la couverture logement universelle donne l’assurance qu’il sera plus facile pour les jeunes couples de trouver effectivement un toit.

Chacune de ces avancées sociales, celle d’hier et celle de demain, protège la famille ; certains s’étonnent que la famille soit aujourd’hui un projet de gauche mais c’est tout simplement parce que nous vivons nos vies de famille comme les autres mais aussi parce que notre vision de la famille ouverte, plurielle est une vision effectivement plus moderne que la vision traditionnelle de la famille telle qu’elle existait avant ; nous avons été ouverts à ces évolutions. En même temps on se rend compte que la famille reste une valeur fondamentale pour nos concitoyens et je suis heureux que nous ayons mené, notamment avec Ségolène Royal, une grande politique familiale. Or, la première attente des parents et cela va dans le sens de cette modernité dont je parle, c’est évidemment l’éducation.

Notre système éducatif a des atouts, il est ouvert à tous, il est gratuit, il est innovant, il a un corps enseignant de grande qualité dont la formation et le statut ont été rénovés. Je rappelle d’ailleurs que, là aussi, ce sont les gouvernements de gauche qui ont accordé une priorité budgétaire à l’éducation nationale. C’est aussi nous qui avons mis en place des structures comme les zones d’éducation prioritaire par exemple qui permettent d’augmenter les efforts en faveur de l’école dans les quartiers qui sont les plus en difficulté. Nous avons tous conscience, et moi en particulier, que notre école a changé d’échelle, c’est une école de masse maintenant. Tous les élèves après le primaire vont au collège ou presque et la plupart d’entre eux vont dans les différentes filières du lycée. Mon ambition est que cette école reste bien l’école de la République, c’est-à-dire qu’elle soit guidée par trois principes : assurer les savoirs essentiels pour tous, travailler à donner une insertion professionnelle à chacun et puis mieux gérer le système éducatif pour que celui-ci permette d’enseigner mieux.

Je tiens à cet égard à insister sur deux défis qui sont dans mes propositions. Le premier tient aux 60 000 élèves qui sortent encore chaque année du système éducatif sans qualification reconnue, notons que nous sommes en progrès, le chiffre lorsque j’étais Ministre de l’Education nationale était largement supérieur à 100 000, quand je l’ai quitté, il était descendu à 100 000 et nous sommes maintenant à 60 000, c’est trop, mais le système éducatif a donc amélioré sa performance. J’ai proposé que nous nous fixions comme objectif pour les cinq ans de faire en sorte que le système éducatif permette que chaque jeune sorte de celui-ci avec une qualification.

Et puis nous devons aussi, c’est une autre proposition que je fais, donner une deuxième chance à des jeunes qui ont raté leur formation initiale ou une partie de leur formation initiale. Cette réponse c’est celle de la formation tout au long de la vie, cela passant par un compte formation pour chaque salarié. Je voudrais à propos de l’école insister aussi sur le fait que si l’école transmet des savoirs, elle doit aussi continuer à transmettre des valeurs : liberté, égalité, fraternité et laïcité.

Ce n’est pas d’ailleurs que les valeurs de la république ne soient plus évoquées à l’école mais je pense qu’il faut veiller, et cela nous rapproche des problèmes de l’insécurité, à la précocité des réponses que l’on doit donner aux comportements qui troublent la vie collective. Il faut rappeler fermement ces règles et ces principes. Les valeurs de la république, celles que j’évoquais ne doivent pas seulement être des principes abstraits, elles doivent devenir des règles de vie, ce qui est une façon de dire que pour moi cette modernisation de la France n’est pas une modernisation sans repère. Vous ne pouvez pas moderniser un pays, moderniser sa société si celui-ci n’a pas de repère, sinon il flotte. Voilà des bases solides pour ce pacte de confiance avec la jeunesse dont je parlais tout à l’heure. C’est dans ce cas que s’inscrit le contrat d’autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans engagés dans une démarche de formation et d’insertion professionnelles.

Mais je fais également d’autres propositions : accroître la maîtrise des langues étrangères en multipliant l’occasion de faire des stages à l’étranger, maîtriser mieux l’informatique qui fera partie demain des savoirs de base, ce qui veut dire que pour moi les pouvoirs publics se mobiliseront pour que chaque jeune, et notamment ceux dont les familles sont les plus modestes, ait un accès direct à l’ordinateur, je ne reviens pas sur ce que j’ai dit en répondant aux questions sur ce service civique volontaire à visée humanitaire.

2 - Le deuxième grand thème après l’éducation initiale ou la formation tout au long de la vie qui permettra de faire reculer le chômage c’est la nécessité de passer à une économie de la connaissance et de l’innovation

On disait jadis, « le monde va changer de base », et bien le monde a changé de base, car jamais la part de la science, de l’innovation, de la connaissance n’a eu une importance aussi décisive dans la croissance. La troisième révolution industrielle qui est en cours - et dont l’Internet est en quelque sorte la vitrine - est fondée sur le fait que l’innovation est la source directe de la production, et donc un facteur d’enrichissement collectif. Il y a eu une époque où l’on parlait il y a dans l’économie de « secteurs traditionnels » et de « secteurs plus modernes ». Cette distinction existe en partie encore aujourd’hui, mais cette différence s’estompe formidablement parce que même les secteurs dits traditionnels sont absolument pénétrés par les nouvelles techniques de communication. Vous voyez à quel point l’agriculture s’est modernisée, le textile s’est automatisé et est fondé pour résister à la concurrence internationale sur des technologies formidablement performantes.

Donc il y a les secteurs de la nouvelle technologie mais il y a aussi la nouvelle technologie dans tous les secteurs de l’économie. C’est pourquoi, pour permettre que cette économie de la connaissance se développe, il faut absolument accroître, améliorer la qualité de notre formation. Des millions de personnes vont quitter la vie active, la vie professionnelle dans les dix prochaines années parce que ce sont les classes nombreuses de l’après-guerre qui arrivent à l’âge de la retraite. La plupart des emplois qui seront dégagés, seront des emplois hautement qualifiés.

C’est donc un défi absolu que d’améliorer la formation initiale de nos jeunes et de s’appuyer sur cette formation tout au long de la vie dont je parlais tout à l’heure. C’est d’ailleurs aussi dans cet esprit que nous avons su, Dominique Strauss-Kahn d’abord comme Ministre de l’Economie et des Finances, Laurent Fabius maintenant, maîtriser et développer, moderniser nos structures industrielles en favorisant des regroupements et des alliances pour avoir des entreprises de taille mondiale où si elles n’ont pas la taille mondiale, en tout cas des entreprises compétitives sur des marchés internationaux. Et de ce point de vue là, avouons qu’on a réussi un certain nombre d’opérations industrielles que nos prédécesseurs avaient totalement ratées. Je pense par exemple à Thomson où l’on voulait vendre pour 1 Franc à Daewoo et qui est maintenant une entreprise performante, florissante, qui vaut 15 milliards d’euros, ce qui est absolument énorme du point de vue du progrès.

J’ai bien l’intention avec l’équipe qui m’accompagnera si les Français nous font confiance de poursuivre cet effort dans trois grands domaines : les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les bio-technologies qui ont joué aussi un rôle de révolution formidable non seulement dans les techniques de production mais même dans tous les domaines de l’activité humaine ce qui suppose d’ailleurs une vigilance au plan éthique, et la question des énergies renouvelables.

3- Cette modernité doit absolument préserver l’environnement

Puisque je parle des énergies renouvelables, c’est l’occasion de dire que pour moi cette modernité doit absolument préserver l’environnement. Le développement durable doit être aussi notre ligne de conduite. C’est pourquoi la France en Europe comme dans les débats internationaux est très présente sur ces questions.

Nous nous sommes battus comme socialistes depuis deux siècles -que ce soit les ouvriers organisés, menant des mouvements revendicatifs, que ce soit les syndicats, que ce soit ensuite les formations politiques de gauche et notamment le parti socialiste- contre l’exploitation de l’homme par l’homme. Nous devons étendre cette revendication et ce combat non seulement à la planète entière et pas simplement au monde développé, mais je dirais aussi à l’exploitation désordonnée des ressources. Non pas que, pour nous, les ressources naturelles soient plus importantes que les hommes, mais si l’on détruit ces ressources naturelles ou notre environnement, cela aura pour les hommes et les femmes qui nous succéderons, des conséquences extraordinairement dommageables. Nous ne devons pas léguer à nos enfants un monde qui soit caché par les injustices sociales et par les pollutions.

Le développement durable n’est pas une utopie pour nous, mais c’est au contraire une nécessité pour accroître la qualité de la vie aujourd’hui et préserver celle des générations futures. Pour faire ces choix qui prennent en compte l’ensemble des risques qui peuvent exister, pour gérer ces risques aussi en amont que possible, afin d’éviter de nous trouver face à des crises aussi graves que celle de la vache folle dont il faut quand même rappeler qu’initialement cela résulte du libéralisme sauvage tel qu’il a été introduit dans l’agriculture et dans l’alimentation sous l’égide de Madame THATCHER en Grande-Bretagne. C’est là où les choses sont nées, il faut se le rappeler, à cause de la dérégulation absolue des pratiques sanitaires : crise comme la vache folle, crise de l’amiante et puis pour l’élu de Haute-Garonne qui vous parle, risque d’accident industriel tragique comme celui du 21 septembre à Toulouse.

Nous devons nous appuyer sur les connaissances scientifiques, recourir à des comités indépendants de scientifiques et d’experts. Mais il faut aussi écouter les associations, les syndicats, les fondations, les citoyens, tous ceux qui appartiennent à ce que l’on appelle la société civile de façon à ce que d’une part le public soit correctement éclairé et puis aussi pour que des débats contradictoires puissent avoir lieu avant que les décideurs politiques, la loi au Parlement ou le gouvernement, puissent faire les choix les meilleurs possibles.

4 - Travailler à une France moderne, c’est aussi comprendre et accompagner mais souvent aussi permettre le mouvement de la société

Je suis fier de diriger pour quelques semaines encore un gouvernement qui a modernisé le droit de la famille, qui a étendu la protection de l’enfant contre les violences insoutenables dont il peut être parfois et trop souvent victime ; qui a créé le PACS pour prendre en compte des évolutions dans la vie entre les personnes ; qui a pris en compte l’allongement de la vie avec les problèmes que cet allongement pose en mettant en place l’allocation personnalisée d’autonomie. Tout un travail qui a manifesté une capacité de la gauche et des socialistes à comprendre les évolutions de notre société.

Les 35 heures ont joué naturellement un rôle tout à fait important dans ce domaine notamment pour les femmes en permettant que s’exprime un besoin de liberté et de maîtrise du temps. Et à cet égard, je voudrais dire que contrairement à ce que dit la droite à savoir qu’avec les 35 heures, on travaillerait moins en France qu’avant ou que dans les pays voisins. Bien au contraire, si le travail individuel de chacun a diminué sans que la productivité des salariés français en soit affectée parce qu’elle est l’une des plus élevées parmi les pays développés, le nombre total d’heures travaillées dans notre pays est de 10 % supérieur à ce qu’il était quand nous sommes arrivés aux responsabilités ; tout simplement parce que 2 millions d’emplois ont été créés. On est là face à un choix très clair : ou une droite qui nous dit « il vaudrait mieux que chacun travaille plus mais nous nous résignons à un nombre de chômeurs importants » ; ou bien la gauche qui dit : individuellement on travaillera moins grâce aux 35 heures mais grâce aux nombres des emplois créés, la masse disponible des salariés est plus forte et les revenus distribués également. Les 35 heures ont été un moyen de créer de l’emploi et de faire baisser le chômage ; une façon de provoquer du débat et des contrats à l’intérieur des entreprises. Mais ils ont constitué aussi une grande réforme de société. Quand on interroge les Français sur les 35 heures, plus de 70 % se disent satisfaits et très satisfaits des 35 heures

5 - Je voudrais terminer en disant qu’une France moderne pour moi suppose aussi un Etat qui joue son rôle et des services publics présents et efficaces

L’Etat moderne tel que nous le concevons ne doit pas intervenir dans tous les domaines mais il doit protéger et réguler. Il doit veiller au service collectif que l’initiative ne peut satisfaire dans des conditions d’égalité d’accès satisfaisantes. C’est cet Etat qui protège, qui défend, qui arbitre, qui régule, que nous défendons non pas au contraire un Etat tatillon, centralisateur ou autoritaire. La culture, la santé mais aussi la protection sociale, la recherche de l’harmonie sociale lorsqu’il y a des conflits entre des intérêts particuliers supposent un Etat démocratique qui sait intervenir et arbitrer.

Cela impose aussi une réforme de l’Etat, et je parle devant le Ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, Michel Sapin qui a travaillé sur ces dossiers depuis plusieurs années maintenant dans le gouvernement, je parle face aussi à Laurent Fabius qui sait parfois comment il est difficile de faire avancer aussi ces thèmes de la réforme de l’Etat dans tel ou tel ministère. Même si je dis que c’est parfois difficile, mon opinion est qu’il faut d’abord faire confiance aux fonctionnaires qui contrairement aux idées reçues sont plus nombreux qu’on ne le croit à mesurer la nécessité du changement et du mouvement.

Cela suppose de leur donner des responsabilités dans leur travail quotidien, de les mobiliser autour de services, de projets.
Cela suppose aussi une réforme considérable que Laurent Fabius a initié lorsqu’il était Président de l’Assemblée nationale qui a été mis en œuvre au plan parlementaire, par les parlementaires et en particulier par notre ami Didier Migaud : la réforme de la constitution budgétaire de l’Etat. C’est une réforme parfois difficile à expliquer à la grande masse de la population parce que les questions sont souvent très techniques, liées à la façon dont on examine les budgets des ministères à l’Assemblée nationale ; mais en réalité ça peut être un instrument de modernisation de l’Etat en centrant sur des grands objectifs, en responsabilisant les différents hauts fonctionnaires. C’est donc aussi une réforme majeure que nous avons entreprise.

L’Etat moderne doit être un Etat déconcentré, où la déconcentration accompagne la décentralisation dont nous parlions tout à l’heure. Il doit être un Etat négociateur et donc il faut, et Michel l’a fait avec beaucoup de patience, beaucoup d’intelligence à beaucoup de reprise, être capable de relancer le dialogue social dans l’administration ; il faut aussi, à chaque fois en tout cas que cela concerne les collectivités locales dans leur vie propre, associer les élus locaux à la réforme de l’Etat ; parce que proche des citoyens, destinataire souvent de ces masses de décrets, de circulaires, d’arrêtés, ils savent de façon assez intime ce qui peut marcher, pas marcher et donc il faut les associer à cela.

Il va s’opérer un renouvellement des générations, puisque dans dix ans, la moitié des fonctionnaires actuellement en poste aura pris sa retraite. Cela offre une possibilité de faire des réformes. Il faudra les trouver, ce qui veut dire que la fonction publique doit rester attractive. Mais le problème n’est pas d’utiliser ces départs à la retraite pour réduire massivement le nombre des fonctionnaires et je ne comprends d’ailleurs pas comment la droite peut le proposer, dans le même temps où elle dit qu’il faut plus de policiers, plus de juges, plus d’infirmières comme nous le préconisons. Sauf que nous l’avons fait en étant au gouvernement alors que généralement, elle en a réduit le nombre quand elle était au pouvoir. Nous devons donc utiliser cette opportunité pour réaffecter des moyens aux services publics, aux missions qui nous apparaissent justement comme les plus importantes, qu’il s’agisse de l’hôpital, de la police, de la justice, de l’école ou de secteurs nouveaux qui permettent le progrès.

Je termine en disant que vous l’avez compris, nous n’avons pas l’intention que l’Etat ou que la gauche soient les pompiers de l’économie de marché. Nous voulons être les constructeurs d’une société moderne et juste, d’une société de citoyens. L’avenir et la modernité ne doivent donc pas être perçus par nous comme quelque chose qui nous serait imposé, soit par une évolution extérieure, soit par un processus d’évolution technique irrésistible.

Il faut que cette modernité soit construite par nous, avec nous et autour de valeurs et de finalités qui concernent notre communauté nationale. Il faut pour cela une politique capable d’anticiper les enjeux, d’organiser la démocratie et la délibération collective, qui permette de trouver le bon équilibre entre l’intervention publique, le partenariat social et l’initiative privée toujours utile et féconde de façon à ce que les Français prennent la maîtrise collective de cette modernité. Moi, contrairement à ceux qui ont une vision pessimiste de la France qui parle de son déclin qui insiste sur ce qui va mal, par rapport à quoi nous devons être lucide, je crois qu’il y a dans le pays aujourd’hui malgré les craintes, malgré les peurs aussi, un mouvement de citoyenneté et d’engagement. Je suis à l’écoute des voix qui, dans le mouvement social ou dans le mouvement syndical, font entendre leur propre vision de l’intérêt général parce que l’Etat seul ou le législateur n’est pas le seul garant de l’intérêt général même si cela doit être sa mission et son devoir. D’autres grandes forces organisées sont capables de dépasser leur vision particulière pour contribuer à définir avec nous cette conception de l’intérêt général. Je veux autour de cette modernité, que l’élection présidentielle soit justement l’occasion, le moment d’une invention, d’un nouvel âge de la démocratie.

Je ne joue pas sur les peurs des Français, je fais confiance à mes concitoyens et à nos concitoyennes, je parie au contraire sur leur énergie et sur leur volonté de construire l’avenir. Nous avons un projet clair qui se situe dans la continuité des progrès que nous avons réalisé pendant cinq ans mais qui a ciblé, diagnostiqué d’autres difficultés, d’autres problèmes qu’il faut régler pour avancer davantage. Nous avons des équipes de femmes et d’hommes qui vivent fraternellement ensemble, qui ont l’habitude du débat, qui savent prendre les décisions, qui savent se rassembler une fois ces décisions prises, qui ont montré, je crois une certaine compétence et un certain désintéressement au service du pays pendant cinq ans et qui sont prêts à travailler encore. Et puis, il y a le candidat que je suis. Par mon expérience, par les contacts que j’ai gardés, par mon histoire propre, par mon origine familiale, par ma formation, par ma culture, par mon militantisme au milieu de vous tous, par mon mode de vie tel qu’il est resté, finalement pas si éloigné des façons de vivre de la masse des Français et par l’expérience aussi que j’ai accumulée pendant ces cinq ans comme Premier ministre ou quand même nous avons il faut bien le dire diriger la maison France, je me sens prêt à assumer ces responsabilités nouvelles.

Je vous appelle en entraînant autour de vous à faire en sorte qu’au premier tour de l’élection présidentielle nous soyons placés de façon telle qu’au deuxième tour nous remportions la victoire, non pas pour nous-mêmes, non pas pour moi-même, mais pour vous tous et même pour tous les autres.

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