Présider autrement
Ile de la Réunion - samedi 9 mars 2002

 Discours de Lionel Jospin prononcé à Saint-Pierre (Ile de la Réunion).


 

Mesdames,
Messieurs,
chers amis,

Je suis très heureux d’être à nouveau parmi vous, à Saint-Pierre, un peu plus d’un an après la visite que je vous avais rendue fin janvier 2001, en tant que Premier ministre. Cette fois, je suis venu accompagné de ma femme, Sylviane, qui a souhaité, au lendemain du 8 mars, Journée internationale du droit des femmes, s’associer à l’hommage que je voulais rendre aux femmes réunionnaises.

Sans pouvoir les citer tous, je veux remercier chaleureusement les élus, les membres de mon comité de soutien, que préside Jean-Claude Fruteau, et qui est à l’origine de ce grand rassemblement.

Je suis à nouveau parmi vous en tant que candidat à la présidence de la République. Pour ce grand rendez-vous de la démocratie, je veux m’adresser, au-delà de vous qui êtes ici, à toutes les Réunionnaises et à tous les Réunionnais ; au-delà de La Réunion, à tous nos compatriotes de l’outre-mer ; et aussi à tous les Français, pour qu’ils prennent pleinement conscience de la place de l’outre-mer dans notre République.

Mon séjour à La Réunion sera bref, car je veux dans cette courte campagne aller dans le maximum de départements. Mais j’ai tenu à ce qu’après Lille, mon deuxième grand meeting se fasse ici, à Saint-Pierre de La Réunion, pour souligner l’importance que j’attache à l’outre-mer.

Les grands enjeux de cette élection présidentielle ont en effet, outre-mer, une résonance particulière :
 les économies d’outre-mer sont dynamiques, elles créent beaucoup d’emplois, La Réunion est même le 2ème département de France pour le nombre d’emplois créés chaque année, mais cette vitalité demeure insuffisante pour répondre à l’arrivée nombreuse des jeunes sur le marché du travail, plus de 7 500 chaque année.
Pour relever ce défi, il faut donc une politique ambitieuse, adaptée à des réalités différentes de celles de l’hexagone ; en même temps, les sociétés d’outre-mer sont fragiles : l’environnement y est soumis aux attaques répétées de l’urbanisation, de la pollution, d’une circulation automobile envahissante... Construire un modèle de développement durable, qui réponde aux besoins des populations sans sacrifier l’avenir, voilà un projet commun à l’outre-mer et à l’hexagone pour le siècle qui commence !

 le secteur public, ici comme dans l’hexagone, est jugé indispensable mais est souvent mis en cause ; malgré les efforts de rattrapage depuis 1997, il reste beaucoup à faire en matière d’éducation, de santé, de logement, de sécurité, pour assurer une véritable égalité des chances. Face aux attaques des tenants du libéralisme, garantir le rôle de l’État et développer les services publics est une cause commune à l’outre-mer et à l’hexagone.

 par la géographie, par votre héritage historique et culturel, vous êtes proches de l’Afrique et du continent indien ; par votre appartenance à l’ensemble français et à l’Union européenne, vous êtes à l’intersection des pays du Nord et des pays du Sud. Vous êtes donc bien placés pour mesurer les dangers et les injustices d’une mondialisation sans règles, soumise aux seules lois du marché. Affirmer la place de la France et de l’Europe afin qu’elles agissent
- pour le pluralisme mondial et la reconnaissance des diversités culturelles,
- pour des règles équitables dans le commerce mondial,
- pour le développement et la paix,
c’est encore une problématique commune à l’outre-mer et à l’hexagone.
Et puisque je parle de la paix, comment ne pas évoquer le drame qui se creuse au Proche-Orient, où l’engrenage de la terreur et de la répression fait chaque jour davantage de victimes, où le fossé s’approfondit entre Israéliens et Palestiniens ?

Voilà pourquoi mon projet pour l’outre-mer est aussi un projet pour la France. Relever ces défis renforcera les liens entre l’outre-mer et la Nation.

Ces liens ont été tissés par notre histoire commune, avec ses pages de lumière et sa part d’ombres. Les jeunes adultes n’ont pas connu cette histoire, souvent dramatique. C’est pour eux une chance, qu’ils doivent aux combats de leurs parents. Mais il faut qu’ils aient conscience du chemin parcouru depuis l’époque de l’économie de plantation et du livret des engagés, depuis les temps où la droite la plus dure dominait par le clientélisme, la fraude et la peur, quand la langue et la culture créoles étaient bannies des écoles, quand le maloya n’avait pas droit de cité, - et j’ai été heureux de saluer, ici même, Firmin Viry qui a tant fait pour rendre toute sa place au maloya -, depuis les temps où l’appareil d’État, la police ou la justice, étaient au service non pas du droit, mais de l’ordre établi !

C’est pourquoi mon gouvernement a eu à cœur que notre pays sache désormais porter un regard lucide sur son histoire outre-mer. Ce fut le cas avec l’accord de Nouméa, dont le préambule exprime la reconnaissance des droits du peuple kanak, mais aussi avec la loi du 21 mai 2001, à l’initiative de Mme Taubira-Delanon, députée de la Guyane, loi qui reconnaît désormais la traite et l’esclavage comme crimes contre l’humanité.

Notre histoire commune, c’est aussi celle qui a été construite avec la gauche qui, depuis 1981, a profondément modifié le cours des choses outre-mer. En 1981, avec François Mitterrand, ce furent les lois de décentralisation et avec elles, le tournant majeur de la dignité et de la responsabilité politiques restaurées. En 1988, à nouveau avec François Mitterrand, vint le début de la construction de l’égalité sociale, que mon gouvernement a achevée le 1er janvier 2002 avec l’égalité du RMI. Depuis 1997, sont venues la loi d’orientation et un ensemble de mesures économiques, sociales et institutionnelles sans précédent en faveur de l’outre-mer.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’à chaque étape de ce chemin, on a bien vu la différence entre la gauche et la droite, les forces de progrès et les conservateurs.

Cette histoire commune et notre action ont forgé ma vision de l’outre-mer. La vision de la République et de la France que je porte en moi est aux couleurs de l’outre-mer. Elle s’incarne dans le combat permanent contre toutes les discriminations, dans l’affirmation de l’égalité et de la solidarité nationale, dans la reconnaissance de la diversité des cultures.

L’outre-mer enrichit la République, en montrant que l’on peut être à la fois pluriels et singuliers, égaux et différents, uniques et solidaires. La République outre-mer ne peut pas être la République de l’uniformité.

Vous le savez, j’ai proposé aux Français cinq engagements. Ces cinq engagements valent pour l’outre-mer, et donc pour La Réunion.

Mon premier engagement : « Je veux une France active »

Oui, l’emploi, d’abord et toujours l’emploi ! J’ai bien vu vos pancartes, j’ai bien lu et bien compris votre message. C’est aussi mon combat.

Ici, plus encore que dans l’hexagone, la bataille pour l’emploi est un défi majeur, qui doit s’inscrire dans la durée. Aux difficultés propres d’une économie insulaire, s’ajoute le défi démographique : La Réunion avait 500 000 habitants en 1980, elle en compte plus de 700 000 aujourd’hui, 7 700 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail.

A situation particulière, réponses particulières : cette jeunesse nombreuse, de mieux en mieux formée, disponible, ne doit pas être perçue comme un handicap, mais bien comme la chance d’avenir qu’elle incarne.

Dans l'Outre-mer, comme dans l’hexagone, nous avons commencé à faire reculer le chômage :
  - 10 % depuis 1998 dans les quatre DOM,
 - 20 % chez les moins de 20 ans.
A La Réunion, la part de la population au travail est passée de 22 % en 1982 à plus de 25 % aujourd’hui.
La part du chemin qui reste à accomplir est considérable. Mais la gauche a inversé la tendance, elle a brisé la spirale du chômage. Ma volonté, avec vous, est d’aller plus loin et plus fort dans la même direction.

Nous partons d’un socle solide : celui que constitue la loi d’orientation pour l’outre-mer. Elle représente un effort sans précédent pour favoriser l’emploi et soutenir la croissance économique :
 avec l’allègement des cotisations sociales pour les entreprises de moins de 10 salariés, y compris dans l’agriculture, ainsi que pour toutes les entreprises des secteurs exposés à la concurrence,
 avec l’exonération des cotisations patronales pour la création d’entreprises indépendantes, dans le secteur du commerce et de l’artisanat,
 avec les aides aux entreprises exportatrices,
 avec les projets « initiative jeunes » pour les jeunes créateurs d’entreprises.

Au total, ce sont 530 millions d’€ (3,5 milliards de F) qui sont désormais consacrés chaque année au soutien du développement économique et de l’emploi dans les départements d’outre-mer.

C’est trois fois plus que sous les gouvernements précédents de MM. Balladur et Juppé. Et pour financer ces mesures, nous n’avons pas, comme nos prédécesseurs, augmenté de deux points la TVA dans les DOM. Nous avons choisi de faire intervenir la solidarité nationale, et ce n’était que justice.

Pour aider les investissements outre-mer, nous avons remplacé la « loi Pons », injuste et peu transparente, qui profitait essentiellement à quelques centaines de contribuables les plus fortunés, par un nouveau dispositif plus efficace, mieux adapté, plus équitable.

Les contrats de plan et les programmes européens vont permettre de mobiliser environ 8 milliards d’€ (53 milliards de F.) pour l’outre-mer sur les années 2000-2006, et nous savons les investissements collectifs majeurs auxquels ils contribuent. La participation de l’Etat aux contrats de plan a été augmentée de près de 50 % par rapport à la période précédente, les crédits européens que nous avons négociés ont été doublés.

Les outils sont donc en place. La loi d’orientation, qui n’a qu’un an d’application, commence à peine à produire ses effets. La responsabilité de tous : élus, partenaires sociaux et Etat, est de veiller à sa réussite (à travers le comité de suivi de la loi d’orientation) ainsi qu’à la mobilisation des projets pour l’utilisation effective des crédits disponibles.

Il faut aller au-delà de ces outils existants et tracer maintenant une perspective, dans la durée. Pour gagner la bataille de la croissance et de l’emploi, je propose l’organisation d’Etats généraux du développement durable, dès le début de la prochaine législature :
- ils réuniraient élus et locaux et forces vives, avec l’appui et l’expertise de l’Etat ;
- leur mission consisterait à définir les grands objectifs en matière d’emploi, de formation, de développement économique, d’environnement, d’équipements collectifs ;
- leur finalité serait de proposer un contrat de développement durable à l’horizon de quinze ans entre l’Etat et les régions d’outre-mer.

La durée est en effet nécessaire pour relever le défi du chômage et de la précarité, la visibilité est indispensable aux acteurs économiques, la stabilité des règles et des objectifs apporte une sécurité pour tous.

Il faudra notamment, dans le cadre de ces Etats généraux, proposer des réponses aux attentes de la jeunesse : je sais que tous ceux qui bénéficient actuellement d’emplois aidés, contrats d’emploi consolidés ou emplois-jeunes, - et 7 700 emplois-jeunes ont été créés à La Réunion depuis 1997 - voient avec inquiétude arriver l’échéance des cinq années. Soyez sans illusions ! Ceux-ci seraient certainement menacés, si la droite, qui a voté contre leur création, revenait aux responsabilités !

Il est donc nécessaire, compte tenu des réalités de la situation de l’emploi outre-mer, à la fois de maintenir le principe d’emplois aidés, de les compléter et de les faire évoluer :
- maintenir ce dispositif dans son principe, pour ne pas faire retomber des milliers de personnes dans la précarité ;
- le compléter pour que les jeunes les moins formés, ou en situation d’échec scolaire, ne soient pas laissés pour compte du système : la création d’un service civil d’intérêt général sera proposée, pour leur assurer une véritable formation professionnelle qualifiante, sur le modèle du service militaire adapté ;
- le faire évoluer, pour ne pas enfermer indéfiniment chaque jeune, pris individuellement, dans un système d’emplois aidés.

Il vous revient, aussi, de faire vivre le dispositif du congé solidarité, créé par la loi d’orientation et qui permet de financer des préretraites en contrepartie de l’embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée : il est possible, grâce à cette mesure, de proposer un emploi à 6.000 jeunes Réunionnais dans les quatre ans qui viennent.

Au-delà de ces réponses immédiates, je voudrais suggérer quelques grands objectifs des contrats de développement durable.

En premier lieu, ils devraient définir les conditions de développement d’un secteur d’économie solidaire, créateur de richesses et de dignité, pour répondre aux besoins considérables qui subsistent (services aux personnes : petite enfance, personnes âgées et handicapées, environnement, maintenance et entretien des équipements, accueil touristique, diffusion des technologies de l’information et de la communication).

Ensuite, ils devraient définir les conditions d’un développement touristique équilibré, qui soit respectueux des hommes et de la nature, qui assure la qualité des équipements et professionnalisme de l’accueil.

Dans ce cadre, il faudra déterminer les moyens, à la fois, de défendre les productions traditionnelles et de les aider à s’adapter à un monde qui change. A La Réunion, il s’agit essentiellement de l’industrie sucrière, aux Antilles, de la filière banane. Nous veillerons, au plan européen, au maintien des régimes spécifiques des DOM, nous défendrons en particulier les quotas sucriers et la prolongation de l’organisation commune de marché (OCM) du sucre.

Grâce à des structures professionnelles efficaces, La Réunion a su développer localement l’élevage et les productions végétales face aux importations : nous aiderons à promouvoir la qualité, la sécurité alimentaire et l’authenticité des « produits pays » liés à une culture et à un terroir.

Le développement des technologies de l’information et de la communication sera une priorité des prochaines années et elles devront trouver leur place dans ces contrats de développement, parce qu’elles sont un moyen efficace et qui devrait être accessible à tous pour compenser les handicaps de l’insularité et de la distance, y compris dans les zones rurales les plus reculées. Nous établirons des « jumelages numériques » entre les établissements scolaires et universitaires de l’outre-mer et de l’hexagone.

Un des enjeux majeurs du développement durable réside aussi dans la diversification des ressources énergétiques :.la loi d’orientation a tracé des perspectives, et à terme, l’utilisation de l’énergie solaire, éolienne, géothermique, doit se multiplier dans les logements et les équipements collectifs. Je proposerai que les systèmes de financement du logement outre-mer prennent en compte l’utilisation des énergies renouvelables.

Il faut aussi développer les transports collectifs : l’accroissement incontrôlé de la circulation automobile, faute d’alternative, est un défi majeur en termes d’environnement mais aussi de frein au développement économique. Le réseau routier est saturé et menacé d’asphyxie.. Le contrat de plan avec la région Réunion a déjà pris en compte le projet de transport collectif Tram-train. Il faudra prolonger cet engagement. Dans le passé récent, la Région Réunion et l’Etat ont montré, avec l’aide de l’Europe, qu’ils étaient capables de mener à bien des projets audacieux et novateurs : je pense au basculement des eaux d’Est en Ouest. Pour le développement des transports collectifs, la même mobilisation, la même imagination, la même persévérance seront nécessaires.

Vous voyez, à travers ces grands objectifs, que cette démarche des Etats généraux du développement durable n’est pas une perspective abstraite, faite de promesses vagues ou d’horizons chimériques : il s’agit bien d’apporter des réponses concrètes aux problèmes quotidiens d’emploi, de formation, de logement, de transports, de développement qui sont les vôtres et ceux des populations des autres régions d’outre-mer.

Ce projet sera construit par les élus et toutes les forces vives économiques, sociales, associatives : responsabilité et approfondissement de la décentralisation. Et au terme de la démarche, les contrats de développement durable entre les régions d’outre-mer et l’Etat fixeront le cadre commun, y compris dans sa dimension législative et financière, des interventions de l’Etat.

Mon deuxième engagement : « Je veux une France sûre »

La Réunion est le seul des départements d’outre-mer que sa situation insulaire ou ses frontières fluviales ne rend pas plus vulnérable à l’insécurité. Pour l’ensemble des DOM, je proposerai une nouvelle organisation coordonnée de la police, de la gendarmerie et des douanes, pour lutter contre les trafics de main d’œuvre et de stupéfiants.

Pour garantir le droit des populations d’outre-mer à la sécurité, les effectifs des forces de police et de gendarmerie seront augmentés, la police de proximité sera généralisée.

Il est essentiel aussi de favoriser l’accès au droit : pour garantir l’égalité des citoyens devant la loi et la cohésion sociale, les moyens de la justice seront accrus pour qu’elle soit équitable, proche, accessible à tous. Il existe à La Réunion 25 « maisons du droit et de la justice » (autant que dans le reste du pays) : il faudra consolider leur action et développer les actions de médiation sociale.

Il faut également traiter toutes les causes de la violence. : celles dont on parle au grand jour, celles aussi qui restent enfouies dans le secret des familles, dont les enfants et les femmes sont souvent les premières victimes. Aux côtés de l’Etat, chacun (élus, magistrats, forces de l’ordre, travailleurs sociaux, éducateurs, parents, citoyens) a un rôle à jouer pour renouer le lien social, rappeler les règles, prévenir les dérives aux âges les plus précoces.

Je n’oublie pas les risques naturels : le cyclone DINA a durement éprouvé La Réunion il y a quelques semaines. L’Etat a pleinement fait jouer la solidarité nationale : 38 millions d’€ ont déjà été débloqués, des aides immédiates ont été apportées à l’agriculture, aux particuliers, aux collectivités, 15 communes sur 24 reconnues sinistrées dans un premier arrêté de catastrophe naturelle. Les 9 autres verront leur dossier examiné prochainement, le 20 mars. A côté de l’indemnisation, il est essentiel d’agir pour la prévention : je proposerai l’élaboration d’un plan de mise aux normes anti-sismiques et anti-cycloniques des constructions, en partenariat avec les collectivités locales.

Troisième engagement : « Je veux une France juste »

Ensemble, avec la gauche, et La Réunion y a joué un rôle essentiel, nous avons réalisé l’égalité sociale. L’égalité des droits doit demeurer le fondement des politiques publiques, parce que c’est le cœur du pacte républicain. La droite a longtemps combattu cette démarche : on se souvient du temps où Jacques Chirac parlait de « parité sociale globale ». La droite accuse parfois l’outre-mer de profiter de l’assistance : je veux dire avec force que je n’accepte pas que l’on qualifie ici d’assistance ce qui est considéré là-bas comme de la solidarité.

Au-delà de cette affirmation, nous devrons veiller, avec détermination, à l’application effective des droits fondamentaux qu’il s’agisse d’emploi, de logement, de santé, d’éducation ou de culture.

En plus de la loi d’orientation pour l’outre-mer, l’ensemble des avancées sociales réalisées depuis cinq ans ont été évidemment, directement et sans délai étendues à l’outre-mer, dans une démarche d’égalité :
- l’allocation personnalisée d’autonomie,
- les 35 heures,
- la couverture maladie universelle qui, à La Réunion, bénéficie à près de 400 000 personnes. Je connais le problème des personnes dont les revenus sont juste au-dessus du plafond de ressources fixé par la loi. Un dispositif de mutualisation leur a été proposé pour qu’elles conservent leur couverture complémentaire maladie. Une aide supplémentaire au financement des cotisations mutualistes et la dispense de l’avance des frais seront prochainement mis en œuvre, dès que les conventions entre les organismes sociaux et les professionnels de santé auront été signées. Je souhaite que le Conseil général puisse aussi s’engager dans ce dispositif, comme l’ont fait de nombreux conseils généraux de l’hexagone.

Le nombre des allocataires de la CMU ou du RMI (63 000) traduit une situation de précarité encore vécue par trop de nos compatriotes : la coexistence de deux sociétés, celle de ceux qui ont un emploi garanti, parfois mieux rémunéré que la moyenne nationale, et celle des exclus du monde du travail.

J’ai proposé, au plan national, la réunion d’une conférence annuelle économique et sociale, rassemblant les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Je propose de compléter cette démarche, dans les régions d’outre-mer, par l’organisation de « conférences régionales » : il s’agira, dans ce cadre, de dégager des orientations concertées pour l’emploi, la formation, l’harmonisation des revenus, des salaires, de la fiscalité et des prix pour sortir d’un statu quo injuste et intenable. La loi d’orientation a prévu la création, dans chaque département, d’un « Observatoire des prix », qui permettra de mesurer la réalité des inégalités.

Réduire la précarité, c’est aussi apporter une réponse aux agents non-titulaires de la fonction publique territoriale, ceux qu’on appelle ici les « journaliers communaux ». Le gouvernement a soutenu la démarche des élus et des syndicats qui a abouti au protocole d’accord de 1998, permettant leur intégration sur la base du statut de la fonction publique nationale. Il faudra rechercher les voies législatives permettant d’étendre cet accord et d’éviter tout retour en arrière.

Une France juste, c’est aussi celle qui garantit à tous la liberté d’aller et de venir : régularité, capacité et tarifs de la desserte aérienne sont des conditions concrètes de l’exercice de cette liberté. C’est en même temps un facteur déterminant pour le développement économique et touristique. Personne ne souhaite un retour au monopole qui prévalait il y a encore vingt ans, pas même la compagnie nationale. Je propose de définir, en partenariat avec les collectivités locales, un dispositif qui garantisse la continuité et la qualité du service public entre l’outre-mer et l’hexagone dans une approche de continuité territoriale.

Quatrième engagement : « Je veux une France moderne »

La jeunesse incarne la vitalité de l’outre-mer. L’éducation est la première condition de sa réussite. Reprenant un effort de rattrapage que j’avais engagé dès 1989, quand j’étais ministre de l’Education nationale, nous avons mis en œuvre un plan pour l’école outre-mer : près de 7 000 emplois nouveaux auront été créés pour l’outre-mer depuis 1997 (dont 1 800 à La Réunion). Cet effort se poursuivra pour la rentrée scolaire 2002.

La formation ne s’arrête pas à l’école, au collège et au lycée : elle doit être la formation tout au long de la vie, pour offrir une deuxième chance à ceux qui en auraient besoin. Les « projets Initiative jeunes », créés par la loi d’orientation, devront être développés. Je proposerai qu’un programme spécial « cadres pour l’outre-mer » facilite l’accès aux concours et aux postes de responsabilité des jeunes diplômés.

Il faut aussi mieux valoriser les potentialités offertes par les richesses naturelles de l’outre-mer, et par la diversité de son environnement. Comme La Réunion a commencé à le faire, nous proposons de constituer des pôles d’excellence en matière de recherche environnementale, climatique, biologique et océanographique. A l’initiative du président Paul Verges, un « observatoire national sur les effets du réchauffement climatique » a été créé par la loi du 19 février 2001. Je viens de signer le décret qui permettra la mise en place concrète de cet observatoire.

Nous voulons aussi aider l’outre-mer à s’adapter à un monde qui change :. la décentralisation a représenté un grand souffle de liberté et de responsabilité. Un nouvel acte de décentralisation est nécessaire, pour rendre l’Etat plus proche, plus simple, et notre démocratie plus vivante et particulièrement en outre-mer.

La loi d’orientation en a fixé les règles, je veux en rappeler les principes :
 le premier est celui de l’unité de la République, auquel les populations d’outre-mer sont profondément attachées ;
 le deuxième est celui du lien avec l’Europe qui, dans de nombreux domaines, garantit le développement économique ;
 le troisième est celui de l’égalité des droits, qui est au cœur du pacte républicain avec l’outre-mer : je n’accepterais jamais une évolution institutionnelle qui se traduirait par une régression des droits sociaux ;
 le quatrième principe, enfin, est celui de la consultation des populations, préalable à toute réforme institutionnelle, à plus forte raison si elle devait entraîner une révision de la Constitution.

Dans le cadre de ces principes, une évolution institutionnelle différente dans les quatre départements d’outre-mer ne porterait en rien atteinte à l’unité de la République. Dès l’élection présidentielle de 1995, j’avais d’ailleurs proposé cette évolution « sur mesure » de la décentralisation, pour répondre au plus près des réalités propres à chaque collectivité d’outre-mer.

La Réunion a manifesté son attachement au cadre juridique du département : je respecte ce choix. Les départements des Antilles et de Guyane ont engagé une réflexion différente : pourquoi la leur refuser, dès lors que le débat se fait de façon démocratique et transparente ? Oui à l’unité de la République, non à l’uniformité des systèmes !

Il y a un an, ici même à Saint-Pierre, j’avais évoqué la création d’un deuxième département à La Réunion. Cette proposition avait été présentée par la plupart des parlementaires de l’île, de très nombreux élus s’étaient exprimés dans ce sens. Le chef de l’Etat partageait ce point de vue. J’y avais également souscrit, parce que cette proposition cherchait à répondre à un vrai problème, celui des retards de développement du Sud par rapport au Nord et à l’Ouest.

Peut-être présentée trop hâtivement, caricaturée et dénaturée par des intentions qu’on lui prêtait et qui n’y étaient pas, cette proposition n’a pas été comprise par la majorité de la population réunionnaise. Ses auteurs l’ont donc retirée. Pour autant, le problème du développement du Sud de l’île demeure. Il faudra bien s’attacher à y répondre. Il vous appartiendra de formuler des propositions. J’y serai, vous le savez, attentif.

Cinquième engagement : « Je veux une France forte », rayonnante dans le monde

L’outre-mer apporte à notre pays une présence hors d’Europe, dans l’Océan Indien, en Amérique, dans le Pacifique. Il représente un atout incomparable pour son rayonnement.

Je veux faire partager cette conviction à l’Europe : l’élargissement de l’Union vers les pays d’Europe centrale et orientale ne doit pas se faire au détriment des relations que l’Europe doit préserver avec les pays du Sud. Ces relations sont une des conditions essentielles du rôle que l’Union européenne peut et doit jouer pour que la globalisation ne se fasse pas sans règles, pour qu’elle intègre la reconnaissance de la diversité des cultures. Quelle meilleure interface existe-t-il entre l’Europe et les pays du Sud que les régions et départements d’outre-mer ?

Grâce aux initiatives de la France, le traité d’Amsterdam (article 299-2) reconnaît les spécificités et les handicaps des régions d’outre-mer. Ces principes ont cependant du mal à trouver une traduction concrète. Les régions françaises d’outre-mer, avec celles de l’Espagne et du Portugal, ont déjà pris des initiatives nombreuses et efficaces pour défendre leurs points de vue et leurs intérêts vis-à-vis de la Commission. Je proposerai la réunion périodique d’une « conférence des régions ultra-périphériques », regroupant les gouvernements et les autorités régionales pour mieux faire entendre notre voix en Europe.

Les collectivités d’outre-mer doivent aussi pouvoir s’appuyer sur la France pour s’affirmer dans leur environnement géographique. Il est temps qu’elles se voient reconnaître un rôle d’acteur à part entière de la vie internationale régionale. La coopération régionale doit être renforcée et rénovée. Je ne ferai pas comme le candidat du RPR qui affirmait ici même à La Réunion, en mai 2001, qu’il n’y a pas de meilleurs représentants de la France dans les organisations diplomatiques régionales que les élus de l’outre-mer, et qui, deux mois plus tard, a refusé l’adhésion de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique à l’association des Etats de la Caraïbe.

La loi d’orientation a prévu que les collectivités d’outre-mer qui le souhaitent doivent pouvoir adhérer aux organisations internationales de leur zone géographique. L’Etat les y aidera.

Pour donner à la coopération régionale une dimension humaine et concrète, qui bénéficie à La Réunion comme aux Etats partenaires, je proposerai un programme « Jeunes partenaires pour le co-développement », qui permette aux jeunes diplômés d’outre-mer de participer à des actions de coopération avec les pays voisins.

Réunionnaises, Réunionnais,
mes chers compatriotes,

Voilà quelques-uns des engagements que je prends aujourd’hui pour l’outre-mer et pour la France. Paul Verges a parlé tout à l’heure d’un contrat passé avec les Réunionnais. J’en suis d’accord. Et vous savez que lorsque je prends des engagements, lorsque je signe un contrat, je les ai toujours respectés.

Je sais qu’ici, comme dans l’hexagone, beaucoup sont désabusés à l’égard de la politique. Vous pouvez mesurer la crédibilité de ma démarche à la lumière de l’action du gouvernement depuis cinq ans.

J’aime l’outre-mer pour l’authenticité et la diversité des cultures qu’il exprime. Avec vous, qui êtes la France des tropiques, comme avec le reste de la communauté nationale, je veux avoir une relation fondée sur le respect, qui nourrit la confiance.

Avec vous, je veux construire un outre-mer fort et responsable dans une France solidaire.

Avec vous, je veux une République aux couleurs de l’outre-mer et faire vivre l’outre-mer au cœur de la France.

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