Circulaire du 6 juin 1997 |
En se prononçant comme ils l'ont fait les 25 mai et 1er juin, nos concitoyens ont donné mandat au gouvernement issu de ces élections de reconquérir l'avenir. Qu'il s'agisse de la politique économique et sociale, de la vie quotidienne, de la construction européenne ou du fonctionnement de notre démocratie, ils lui demandent de sauvegarder un choix de civilisation et un modèle social adapté aux exigences de notre temps, que ne pourrait garantir le seul recours aux mécanismes du marché. Tel est le pacte démocratique qui vient d'être conclu avec la nation. Pour honorer un tel pacte, le Gouvernement doit faire preuve d'une efficacité et d'une rigueur d'autant plus grandes que les aspirations auxquelles il doit répondre sont plus fortes. Il y faudra du temps : il n'y a pas d'ambition sans persévérance. Aussi devrez-vous consacrer chaque instant de votre mandat à vos tâches ministérielles. C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé de ne pas cumuler vos fonctions gouvernementales avec d'autres activités publiques ou privées. Conformément à mes engagements, j'ai aussi voulu former un gouvernement resserré, sans effet d'annonce et composé de ministères aux titres et aux compétences claires, afin que l'action gouvernementale puisse s'engager rapidement et efficacement et que les responsabilités soient clairement déterminées. Je vous demande également d'adopter - tant dans l'exercice de vos responsabilités que dans vos relations avec vos interlocuteurs et les citoyens - le comportement que les Français exigent désormais de ceux qui ont la charge des affaires publiques. Ce comportement doit être indiscutable sur le plan de la rigueur morale. Il doit allier lucidité et générosité, sens de l'intérêt général et de l'autorité de l'Etat, ainsi qu'une attention de chaque instant aux attentes et aux préoccupations de nos concitoyens. Cette éthique commandera en particulier le recrutement de vos collaborateurs et leur comportement. C'est dans cet esprit que je vous invite à vous conformer aux instructions suivantes. I - La programmation du travail gouvernemental Dans le cadre de ma déclaration de politique générale, chaque membre du Gouvernement sera invité à fixer ses priorités et l'échéancier des principales mesures qu'il aura la responsabilité de préparer jusqu'à la fin de l'année civile en cours. Chacun de vous dressera la liste détaillée des mesures qu'il propose de prendre dans ce cadre, et plus particulièrement de celles d'entre elles qui relèvent de l'ordre du jour du conseil des ministres (projets de loi et communications). Ces listes seront rassemblées par le secrétariat général du Gouvernement qui leur donnera une forme homogène. Le Parlement sera informé par l'intermédiaire du ministre des relations avec le Parlement du programme législatif établi à l'issue de cette procédure. II - Les conditions de préparation des décisions gouvernementales
Chaque ministre et chaque secrétaire d'Etat a la responsabilité de préparer, dans le domaine d'attributions qui est le sien, les décisions que le Gouvernement doit prendre. Les décrets d'attributions, qui assignent à chacun de vous des compétences au sein du Gouvernement, seront élaborés dans les prochains jours par le secrétariat général du Gouvernement, arbitrés par moi-même ou par mon cabinet, puis délibérés en conseil des ministres. J'ai voulu que ces compétences soient simplement et nettement délimitées afin de tirer de nos administrations le meilleur d'elles-mêmes et d'imprimer une parfaite cohérence à l'action gouvernementale. Lorsque, pour la préparation de telle ou telle mesure relevant de vos compétences, les attributions d'autres membres du Gouvernement sont en cause, il vous appartiendra d'engager sans attendre avec eux les discussions nécessaires. J'insiste sur la nécessité d'une discussion interministérielle préalable à la saisine éventuelle de mon cabinet. La préparation des décisions suppose, dans d'assez nombreux cas, qu'une concertation ait lieu avec les représentants des intérêts en cause dans la société. Si le déroulement de cette concertation ne doit pas être la source de retards qui seraient inacceptables dans l'intervention des décisions, vous devrez lui consacrer toute l'attention nécessaire. La qualité du dialogue que les pouvoirs publics entretiennent avec les représentants des diverses composantes de la société est é la fois la marque du respect qu'ils lui portent et un gage de réussite de l'action de l'Etat. Je ne souhaite pas trancher des divergences portant sur des aspects secondaires de l'activité gouvernementale et vous invite à les régler entre vous. Je n'en devrai pas moins être saisi de tout projet de décision importante, ainsi que de tout projet suscitant des différends interministériels persistants. Vos propositions seront examinées à l'occasion de réunions interministérielles tenues à l'Hôtel Matignon, sous ma présidence lorsque votre présence personnelle sera requise ou, plus fréquemment, sous celle d'un membre de mon cabinet. Ces réunions sont l'occasion pour tous les ministères intéressés de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision soit prise. Il importe donc qu'une grande attention soit portée à leur préparation. Les positions que votre département ministériel défend au cours de ces réunions devront être étayées par un bilan argumenté de leurs avantages et de leurs inconvénients. Je vous réunirai par ailleurs afin de débattre collégialement des orientations de la politique gouvernementale. Une discrétion exemplaire doit être observée sur les débats interministériels qui précédent l'adoption des décisions. Les conditions dans lesquelles les décisions prises doivent être annoncées et commentées seront coordonnées par mon cabinet. La direction de mon cabinet tiendra avec tous les autres directeurs de cabinet, chaque lundi, une réunion consacrée aux questions générales de coordination ainsi qu'à la communication du Gouvernement. Tous les membres du Gouvernement sont engagés par une décision prise et doivent s'exprimer à son sujet de manière solidaire. Cette règle vaut en particulier lors de l'examen d'un projet de loi au Parlement. III - Les travaux du conseil des ministres
Les projets de loi et certains décrets sont adoptés après délibération du conseil des ministres. De même, des communications des ministres et des secrétaires d'Etat, exposant les décisions gouvernementales ou faisant le point de l'action du Gouvernement dans un secteur déterminé, sont présentées au conseil des ministres. Le conseil des ministres est un temps fort du travail gouvernemental et il fournit l'occasion de faire une présentation réfléchie et cohérente des mesures adoptées par le Gouvernement. Le conseil des ministres est en outre le pivot de la planification du travail gouvernemental. C'est au porte-parole du Gouvernement qu'incombe la responsabilité première de cette présentation. Un communiqué écrit est par ailleurs préparé par le secrétaire général du Gouvernement, sur la base des projets préparés par les ministres rapporteurs des textes et communications inscrits à l'ordre du jour du conseil. IV - L'élaboration des textes législatifs et réglementaires L'initiative des lois et, sauf dans les cas particuliers où il relève du Président de la République, le pouvoir réglementaire, appartiennent au Premier ministre. Mais il vous revient, dans votre secteur d'attributions, de préparer les avant-projets de loi et les projets de décret. Cette préparation emprunte les procédures ordinaires du travail gouvernemental. Elle vous impose en particulier de fonder sur une étude d'impact argumentée le choix des mesures envisagées. Cette étude sera réalisée en amont du processus décisionnel et progressivement affinée. La consultation du Conseil d'Etat est obligatoire dans la préparation de certains textes. Il faut tenir le plus grand compte des avis donnés par celui-ci. Il s'agit d'abord d'assurer le respect du droit. Il s'agit aussi de rendre les textes parfaitement conformes à l'objectif poursuivi et d'assurer leur intelligibilité et leur lisibilité, comme leur correcte insertion dans l'ordonnancement juridique. Dans l'élaboration des projets de loi, vous veillerez au strict respect de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je vous demande à cette fin : De faire étudier attentivement par vos services les questions de constitutionnalité que pourrait soulever un texte en cours d'élaboration et de saisir le secrétariat général du Gouvernement suffisamment à l'avance pour lui permettre de se livrer également à cette étude ; De prévoir un calendrier des travaux préparatoires laissant au Conseil d'Etat le temps de procéder à un examen approfondi du projet. Sauf urgence, la transmission du projet au Conseil d'Etat par les soins du secrétariat général du Gouvernement devra précéder d'au moins quatre semaines sa délibération par le conseil des ministres. Vous ne devrez pas hésiter à exposer au Conseil d'Etat les questions de constitutionnalité que vous avez rencontrées au cours de l'élaboration du projet qui lui est soumis ; De tenir informé le secrétariat général du Gouvernement des amendements présentés au cours des débats parlementaires et susceptibles de poser des questions de constitutionnalité, afin d'organiser, en tant que de besoin, des réunions interministérielles destinées é prévenir tout risque contentieux. En outre, je vous invite, dans le cadre de vos responsabilités législatives, à vous garder de deux périls :
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