Allocution de Lionel Jospin, Premier ministre,
 à l'occasion de la cérémonie de remise du
 Prix des droits de l'homme de la République française
 Hôtel de Lassay, le 11 décembre 2001

 


 

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le ministre,
Monsieur le Président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme,
Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,

C’est avec plaisir que je vous retrouve, pour la cinquième et dernière fois en tant que Premier ministre, à l’occasion de la remise du Prix des droits de l’homme de la République française. La cérémonie se tient cette fois-ci à l’Hôtel de Lassay, car des travaux de réfection sont en cours à l’Hôtel de Matignon, où j’avais jusqu’à présent l’habitude de recevoir les lauréats. Mais cela ne vous empêche pas d’être chaleureusement reçus. Et, c’est une façon pour nous de signifier que le pouvoir législatif et le pouvoir éxecutif se retrouvent dans cette même cause : la défense des droits de l’homme.
Je tiens à remercier Raymond Forni, Président de l’Assemblée nationale, de cet accueil. Ce prix important est décerné, comme chaque année, par la Commission consultative des droits de l’homme, à laquelle je souhaite rendre hommage et dont je salue le Président, Alain Bacquet, et les personnalités présentes qui la composent.

Cette année, l’actualité confère à notre rencontre un caractère particulier.
Au lendemain de la commémoration de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le 10 décembre 1948, chacun garde en effet à l’esprit les actes barbares qui ont frappé de plein fouet les Etats-Unis, le 11 septembre dernier. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la France soutient le combat contre le terrorisme conduit en Afghanistan par les Etats-Unis, avec l’appui de la communauté internationale. Le terrorisme, d’où qu’il vienne, est inacceptable. Il porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ; le combattre, c’est faire avancer la cause des droits de l’homme. Parallèlement à ce combat, nous assurons la protection de nos concitoyens sur notre sol, en nous donnant des moyens de lutte efficaces, mais respectueux de la légalité, du rôle de la Justice et des libertés individuelles.

Les événements récents nous rappellent donc que la défense des droits de l’homme est une lutte permanente, une lutte qui nécessite la mobilisation de la communauté internationale, des Etats, mais aussi de toutes celles et de tous ceux qui ont la générosité de consacrer leur énergie à l’avancement de la condition humaine.

C’est pour soutenir l’action de ces femmes et de ces hommes qu’est décerné le Prix des droits de l’homme de la République française.
Deux thèmes en résonance avec l’actualité internationale ont été retenus cette année : la défense et le soutien des personnes victimes de handicap, dans le cadre fixé par le " Programme mondial d’action en faveur des personnes handicapées " des Nations Unies, ainsi que la lutte contre les discriminations et la xénophobie, dans le prolongement de la Conférence mondiale qui s’est tenue à Durban en septembre dernier. Plus de 100 projets ont été proposés par des associations du monde entier. La Commission nationale consultative des droits de l’homme a distingué six lauréats et attribué trois mentions spéciales, tous ces projets ayant réussi à transformer une réalité qui était inacceptable.

Parce que l’universalité des droits de l’homme doit être réelle, nous avons voulu accompagner les projets dont l’ambition était de permettre aux 500 millions de personnes handicapées dans le monde de jouir effectivement de leurs droits.
La majorité d’entre elles souffre en effet non pas seulement de leur handicap, mais aussi des préjugés, du mépris et de l’exclusion sociale. En Roumanie, en Géorgie, au Maroc et, plus loin de nous, au Vietnam, au Cambodge, aux Philippines, des associations ont su, avec courage et détermination, offrir des soins et des structures d’accueil, mais aussi intégrer à la vie sociale ces personnes trop souvent marginalisées et ignorées. Je me réjouis qu’elles aient pu ainsi se faire les porte-parole de ces oubliés, silencieux malgré eux.

Durant cette année si profondément marquée par la violence, nous avons également soutenu des actions de lutte contre le racisme et les discriminations.
Terreau de violents conflits, comme au Chiapas par exemple, la xénophobie constitue également un des maillons essentiels du cercle vicieux de la pauvreté et de l’exclusion. Ainsi, en Bolivie, comme nous le rappelle un des projets retenus, les employées de maison qui sont traitées comme des esclaves sont d’origine indienne ou mexicaine. Mais les projets primés prouvent qu’il est possible de résister aux préjugés et aux conséquences intolérables qui en découlent, en réunissant les populations qui s’ignorent, en organisant le dialogue et en menant des combats légaux au sein des Etats et des organismes internationaux.

En effet, ces bonnes volontés ne sont pas seules. La communauté internationale et, en son sein, la France sont bien évidemment mobilisées pour faire avancer ces combats.
Ainsi, pour que le sort des personnes handicapées puisse être amélioré, notre pays veille à ce que les textes en vigueur proclamant leurs droits soient appliqués et, au niveau national, à ce qu’elles soient pleinement intégrées à la communauté des citoyens. Quant à la lutte contre le racisme, elle a bénéficié d’une attention tout particulière en raison de la Conférence de Durban. Les Européens y ont montré leur volonté de poursuivre le combat en dépit des polémiques, en maintenant le dialogue et en recherchant le consensus, mais non au prix de simplifications et d’amalgames abusifs. Nous avons également été tout particulièrement attentifs à cette question, car, depuis le déclenchement de la seconde Intifada et depuis les événements du 11 septembre dernier, des actes racistes et antisémites se sont multipliés dans notre pays. Ces actes sont inacceptables. J’ai dit à plusieurs reprises, et je le répète aujourd’hui devant vous, que les pouvoirs publics sont déterminés à mener un combat sans complaisance contre toute manifestation mettant en cause, par des mots ou par des actes et pour des motifs ethniques ou religieux, l’égale dignité de tout être humain, ce principe fondamental auquel la République est profondément attachée.

Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,

La remise de ce Prix symbolise la détermination de la France à faire avancer le combat de l’humanité tout entière pour un monde meilleur, plus juste et plus ouvert à la différence. Soyez sûrs que notre pays ne cessera jamais d’agir fidèlement à l’esprit de l’impératif catégorique que la Déclaration universelle des droits de l’homme nous assigne à nous tous, membres de la famille humaine " doués de raison et de conscience ", d’" agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ".