Discours
de Lionel Jospin,
le vendredi 28 septembre 2001

 

Cher(e)s camarades,

Je suis heureux de vous retrouver, députés, sénateurs, parlementaires européens, à Nantes pour cette cinquième rentrée parlementaire.

Je remercie notre hôte, Jean-Marc Ayrault, en sa double qualité de maire de Nantes et de président du groupe socialiste. Je salue Raymond Forni, Claude Estier, Pervenche Berès et bien sûr François Hollande.

Heureux d’accueillir avec vous Alain Bocquet, président du groupe communiste et Bernard Charles, président du groupe RCV, Jean-Michel Marchand, député Vert, Jean-Lou Coly, porte-parole du MDC.

Ces journées parlementaires accueillent également de nouveaux élus, sénateurs et sénatrices qui viennent utilement renforcer le groupe socialiste du Sénat. Je les félicite pour leur élection et leur dis mon plaisir de les retrouver là.

Depuis le début de vos travaux, chacun a mesuré à quel point ces journées parlementaires étaient profondément marquées par le drame effroyable qui a frappé les Etats-Unis le 11 septembre dernier. Nous avons tous été horrifiés par ces attentats meurtriers et bouleversés par les conséquences de cette folie destructrice, froidement préméditée. Aujourd’hui, je veux redire avec vous notre profonde solidarité avec les américains éprouvés et exprimer à nouveau une émotion que le temps n’effacera pas.

Pour notre communauté nationale, cette rentrée restera aussi marquée par le tragique accident qui a durement éprouvé la ville de Toulouse et marqué ma région. Après le deuil et le recueillement, il nous faut sans délai reconstruire, répondre aux demandes, assurer la solidarité dont chacun a besoin. A l’issue de mon intervention devant vous, je rejoindrai Toulouse immédiatement, avec des parlementaires, pour y annoncer, accompagné de plusieurs ministres, l’ensemble des engagements décidés par le Gouvernement.

C’est dans ce contexte, nourri d’inquiétudes et d’interrogations nouvelles, que le Gouvernement conduit son action et que le Parlement effectuera lundi sa rentrée, la dernière de la législature.

Nous devons aborder cette période lucidement et calmement, avec des repères clairs pour l’action, le plein sens de nos responsabilités et de nos devoirs vis-à-vis des Français. C’est dans cet état d’esprit que j’évoquerai devant vous trois dimensions :

 notre attitude face à la crise ouverte par les attentats du 11 septembre et les conséquences que nous en tirons ;

 notre souci de continuer à agir dans tous les champs de notre responsabilité ;

 l’attention avec laquelle nous devons préparer le débat démocratique qui sera, le moment venu, engagé avec les Français.

Cette fin d’été 2001 restera, pour le monde entier, marqué par une date : celle du 11 septembre

Les attentats qui ont frappé New-York et Washington ont plongé le monde entier dans la stupeur.

L’expression de notre solidarité a été immédiate et claire. Notre réflexion sur le sens, sur les conséquences de ces événements, doit aujourd’hui se poursuivre.

Le 11 septembre a t’il changé quelque chose dans l’histoire du monde ? Comment décrire la situation nouvelle où nous sommes plongés ? Quels mots employer pour qualifier la gravité de la situation ? Comment réagir aux attaques des terroristes sans nous laisser entraîner sur un terrain qu’ils auraient choisi ?

On a parlé de guerre, parce que les attentats ont été conduits comme des actes de guerre, parce que la riposte implique l’usage de moyens militaires. Pourtant il n’y a pas de nations affrontées, il n’y a pas d’armée régulière en face de nous, il n’y aura pas de traité de paix possible. On a parlé de conflit de civilisations, parce que les terroristes croient pouvoir invoquer l’Islam, ou plutôt leur interprétation dévoyée de l’Islam, pour justifier l’injustifiable.

Nous ne tomberons pas dans ce piège. Nous écarterons rigoureusement les amalgames. La lutte contre le terrorisme doit unir, et non diviser ; isoler le terrorisme est la condition du succès. Pour cela, respectons les grandes religions. Il n’y a pas à établir de hiérarchie entre les spiritualités ou les civilisations.

Face à l’intensité nouvelle de la menace, le premier devoir du Gouvernement était de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger nos concitoyens. Le plan Vigipirate renforcé a été enclenché et mis en œuvre immédiatement. Un travail interministériel systématique a été entrepris parallèlement, pour relever notre niveau de protection dans tous les domaines sensibles, réviser les procédures, améliorer les dispositifs, mobiliser non seulement les agents de l’Etat mais aussi les partenaires privés, de manière méthodique et concrète, en s’efforçant de ne rien laisser au hasard. Nous savons bien sur que le risque zéro n’existe pas. Mais qu’il s’agisse de la sécurité des transports, de la protection de notre espace aérien, de la sécurité des installations sensibles, de la coopération des services compétents, de renseignement, de police, de justice, aucune mesure de prévention et de vigilance n’est négligée.

Je voudrais remercier ici tous les élus qui se sont eux aussi mis à la tâche, rendre hommage aux responsables et aux agents de nos services publics, et notamment aux forces de sécurité, et appeler l’ensemble de nos concitoyens à s’associer avec patience, avec sang-froid, avec esprit civique, aux gestes de précaution qui s’imposent dans leur vie quotidienne.

La bataille contre le terrorisme ne peut être gagnée dans le seul espace national. Une menace qui dépasse les frontières appelle une réponse internationale.

En accord avec le Président de la République, le Gouvernement s’est engagé, dans le cadre de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, à être aux côtés de notre allié américain. En fonction des demandes qui nous seront faites, nous agirons de la manière que nous jugerons la meilleure. Dès à présent, nous sommes totalement mobilisés dans la lutte nationale et internationale contre le terrorisme :

 au plan de l’action diplomatique et de la préparation de notre appareil de défense avec Hubert Védrine et Alain Richard ;

 dans l’action judiciaire et policière - qui a eu de premiers résultats - avec Marylise Lebranchu et Daniel Vaillant ;

 dans le gel des avoirs financiers de groupes ou individus terroristes - proposé et mis en œuvre par Laurent Fabius ;

 dans les mesures de sécurisation conduites par les ministères concernés - et notamment Jean-Claude Gayssot dans les transports.

J’ai souhaité bien sûr que le Parlement puisse débattre dès la reprise de ses travaux, de la situation nouvelle créée par les attentats du 11 septembre et des leurs conséquences. J’ai saisi de cette intention le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat. Ils m’ont fait part de leur disponibilité pour de tels débats. Le premier pourrait avoir lieu à l’Assemblée nationale le mercredi 3 octobre.

La réponse au terrorisme doit être aussi européenne. Lors du Conseil extraordinaire qui s’est tenu à Bruxelles il y a juste une semaine, les Quinze ont adopté un plan de coopération qui doit renforcer considérablement l’efficacité des dispositifs existants : par l’harmonisation des différents droits européens, par de nouvelles procédures telle le mandat d’arrêt européen, par la possibilité d’actions conjointes de la police et de la justice qui ne soient pas freinées par le cloisonnement des systèmes nationaux, par de nouvelles dispositions de répression contre les flux financiers qui alimentent le terrorisme.

En même temps, l’Union européenne a affirmé dans quel esprit elle entamait cette lutte, celui d’un combat pour la préservation des libertés, qui ne doit pas dresser les pays les uns contre les autres, créer de nouveaux clivages, ou stigmatiser des croyances. C’est un combat qu’elle veut faire partager avec l’ensemble de la communauté internationale : tous les États doivent être responsabilisés dans la lutte contre le terrorisme.

Le 11 septembre marquera-t’il un tournant dans les relations internationales ? Il est prématuré de l’affirmer. Le terrorisme a été désavoué presque universellement, des rapprochements se sont esquissés. La France, qui a ses propres analyses, un vaste réseau de relations internationales, doit engager son potentiel diplomatique et ses facultés de coopération, pour contribuer à ce que le monde sorte de cette crise non seulement plus fort contre un terrorisme clairement rejeté mais aussi en ayant apporté des réponses à des questions aiguës qui mobilisent l’attention des peuples.

Aujourd’hui, tous les regards se tournent vers l’Afghanistan. Le premier exemple de la volonté politique que je viens d’indiquer sera donné si au-delà des actions que la présence des terroristes y rendraient nécessaires, les hommes –et les femmes- de ce pays parviennent à se libérer d’un régime d’oppression et à reprendre enfin leur destin en main. A la souffrance de ce peuple s’ajoutent déjà des difficultés humanitaires cruelles.

Le Ministre de la coopération, Charles Josselin, a réuni la semaine dernière les ONG françaises, qui depuis vingt ans, se sont honorées par leur présence courageuse et fidèle dans ce pays. La France doit prendre toute sa place dans l’effort international qui s’imposera à cet égard.

Je l’ai écrit : aucun désordre du monde ne peut justifier la barbarie du terrorisme. Celui-ci ne s’explique pas, et se justifie encore moins, par les inégalités qui divisent le monde et par les conflits qui l’affectent, aussi injustes et révoltants qu’ils soient aux yeux des victimes. La démarche qui a conduit aux attentats du 11 septembre n’obéit qu’à une stratégie de subversion au service d’une obsession fanatique, à qui la haine tient lieu de cause.

Il faut isoler le terrorisme. Ce serait donc une erreur si la lutte nécessaire contre la menace terroriste aboutissait à relativiser dans les esprits, et dans les priorités des gouvernements, l’urgence des problèmes mondiaux : la résolution des conflits -et d’abord celui du Proche-Orient, où il faut absolument faire revivre la chance du dialogue- le respect des droits de l’homme, l’affirmation de la démocratie, un développement équilibré et durable.

Par l’immense émotion qu’ils ont suscité, les attentats du 11 septembre et leurs suites ont légitimement focalisé l’attention de tous.

Dans le même temps - et ceci n’affaiblit ni notre engagement de solidarité, ni notre détermination - la vie continue, la vie doit continuer, pour tous les Français et aussi pour tous ceux qui sont en responsabilité.

Dans ce contexte, nous avons, Gouvernement et Parlement, le devoir d’agir pour respecter jusqu’au terme de la législature, le mandat que les Français nous ont donné

Nous avons, dans la période un devoir d’action, de réaction et d’explication. C’est à un travail commun que je vous invite.

Nous le ferons avec d’autant plus d’allant que la période semble propice à la redécouverte par certains du politique, du volontarisme, de la régulation. Comme ces convictions ont constamment inspiré notre action depuis plus de 4 ans, nous n’aurons pas à opérer de révisions déchirantes.

Déjà, nous prenons en compte la nouvelle situation économique
Il faut établir les faits : l’économie française n’est pas en récession. Nous subissons depuis le début de l’année un ralentissement, d’ailleurs moins prononcé que dans les autres pays européens, mais nous sommes toujours en croissance. Les baisses d’impôt dont ont bénéficié les Français dès le mois de septembre ont été particulièrement opportunes dans ce contexte.

La tragédie survenue aux États-Unis a brusquement accentué les incertitudes de la situation économique internationale. Le risque était grand que la panique et le repli sur soi l’emportent sur la volonté de surmonter les conséquences de cet événement. Il n’en a rien été grâce à la coordination efficace qui s’est mise en place entre les principales autorités économiques et financières du monde.

J’ai la conviction que notre économie possède, avec ses partenaires européens, les ressorts nécessaires pour surmonter les épreuves d’aujourd’hui. Notre compétitivité est forte, nos entreprises sont en bonne santé financière, l’inflation est en recul, la situation de nos finances publiques s’est améliorée et nos déficits publics ont été réduits. La politique monétaire européenne est devenue plus favorable à la croissance. Enfin, la consommation des Français continue à progresser, les chiffres les plus récents le confirment.

Ne laissons pas s’installer un climat de morosité ou de fatalisme. J’ai confiance dans nos capacités collectives à traverser ce moment d’incertitude.

Cela suppose que nous sachions tenir le cap, tout en prenant en compte les évolutions de la situation. Le projet de budget pour 2002 qui vous examinerez bientôt, traduit cette ambition et cette volonté.

C’est un budget qui sert la croissance. Il poursuit la baisse des impôts, tant pour les ménages que pour les entreprises, et assure ainsi le soutien de la consommation et de l’investissement. Pour la première fois en dix ans, la pression fiscale a baissé en 2000. Ce mouvement est poursuivi en 2001 et le sera en 2002, avec le souci de favoriser l’emploi et le soutien aux ménages les plus modestes.

C’est un budget qui prend en compte les attentes des Français. S’il s’appuie sur une évolution maîtrisée des dépenses, il permet en même temps d’assurer le financement des actions prioritaires et le renforcement des grands services publics (la sécurité, la justice, l’éducation, l’environnement). Il prévoit également la mobilisation des divers instruments de la politique de l’emploi destinés plus particulièrement à la lutte contre le chômage (CES, emplois-jeunes, programme TRACE…)

Dans les semaines qui viennent, le Gouvernement restera très attentif à l’évolution de la situation. Nous utiliserons toutes les possibilités de redéploiement de notre budget pour renforcer la politique de l’emploi et, si cela apparaît nécessaire, pour soutenir les secteurs d’activité qui seraient touchés par l’évolution de la situation économique et par les conséquences des évènements.

En tout état de cause, que les Français sachent que nous leur dirons à chaque moment la réalité de la situation.

Notre responsabilité est bien de traiter toutes les questions qui se posent à notre société. C’est pourquoi….

Nous allons continuer à agir en prenant en compte les préoccupations quotidiennes des français
Nos premières priorités demeurent l’emploi et la sécurité

L’emploi : En quatre ans, nous avons parcouru près de la moitié du chemin qui conduit au plein emploi.

Quelle est aujourd’hui la situation du marché du travail ? Les créations d’emploi se sont ralenties au deuxième trimestre et le recul du chômage a été entravé. Certes, le chiffre du mois d’août est moins négatif que celui de juillet. Il faut tenir compte des données particulières à l’été. Mais la situation actuelle nous préoccupe. Nous allons continuer à nous battre contre le chômage. C’est pourquoi, le Gouvernement a décidé de renforcer sa politique de l’emploi en mobilisant encore davantage les moyens dont il dispose. Le Gouvernement prépare activement un ensemble de mesures à cet effet.

Il y a eu au cours des derniers mois une recrudescence des plans sociaux. Après les annonces du secteur de la distribution, qui ont créé une émotion légitime dans le pays, des plans sociaux sont annoncés dans le secteur des télécommunications, en écho à la crise mondiale du secteur, l’électroménager, le textile et l’habillement ou le transport aérien.

Chaque plan social est un choc pour les salariés concernés et leurs familles, où se mêlent l’incompréhension de voir leur travail ainsi dévalorisé, le sentiment d’injustice et l’inquiétude du lendemain.

La France continue heureusement à créer plus d’emploi qu’elle n’en perd, grâce aux services et à la construction notamment, et au dynamisme des PME. L’emploi a ainsi augmenté d’environ 200 000 depuis le début de l’année. Les licenciements économiques ont baissé de près de moitié en quatre ans.

Pour faire face efficacement aux plans sociaux, nous agissons pour que les dispositions de la loi de modernisation sociale rentrent au plus vite dans notre droit, par une adoption parlementaire rapide.

Cette loi fixe des règles communes : pour que les salariés aient enfin leur mot à dire dans la stratégie économique de leur entreprise avant d’engager un plan social. Pour que toutes les pistes permettant d’éviter les licenciements " secs " puissent être explorées sérieusement, le cas échéant avec l’appui d’un expert et l’intervention d’un médiateur. Pour renforcer le droit au reclassement. Pour assurer la ré-industrialisation des bassins d’emplois touchés par ces plans sociaux.

Sans attendre, ce gouvernement met tout en œuvre pour éviter les plans sociaux et lorsqu’ils surviennent, ne ménage pas ses efforts pour trouver des solutions, au cas par cas, pour les salariés et les bassins d’emplois concernés : cellules de reclassement, formations, réindustrialisation. Le Gouvernement qui s’est fortement mobilisé, et notamment Christian Pierret, sur la situation de Moulinex, a pris l’engagement d’un effort majeur sur ce dossier.

Cher(e)s Camarades,

L’emploi est au cœur de notre pacte avec les Français. Soyez assuré qu’il le restera jusqu’au dernier jour de la législature, avec une détermination et une réactivité que rien n’entamera. C’est toute notre politique économique qui est mobilisée sur cet objectif.

Après l’emploi, la sécurité

En matière de sécurité, il ne doit pas y avoir d’impunité. Tout acte de délinquance quel qu’il soit doit être systématiquement sanctionné.

Depuis 1997, notre Gouvernement a pris ses responsabilités. Il a fait beaucoup dans la lutte contre l’insécurité : mise en place de la police de proximité, création de centres de placement immédiats, développement des centres éducatifs renforcés, développement des mesures de réparation (plus de 15 000 ont été prononcées en 2000) ; créations de plusieurs milliers de postes de policiers, de gendarmes, de magistrats et d’éducateurs, alors que la droite - si promptes aux accusations - avait laissé s’accumuler un retard considérable.

L’une des priorités en ce domaine est de lutter avec détermination contre les trafics, les réseaux et l’économie souterraine : les ministres de la justice et de l’intérieur ont réuni récemment les préfets, les procureurs généraux et les procureurs à cette fin.

Ces efforts seront poursuivis et amplifiés : le projet de budget pour 2002 prévoit la création de 3000 emplois de policiers et de 300 postes de magistrats. Ainsi, entre 1997 et 2005, grâce aux mesures déjà prises et au plan annoncé par le Gouvernement, le nombre de magistrats augmentera d’un tiers. Le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne sera voté avant la fin de l’année.

Les différents modes de prise en charge des mineurs délinquants sont en cours d’évaluation. Au vu des résultats, nous prendrons, lors du prochain Conseil de Sécurité Intérieure, les mesures qui s’imposent.

Ces responsabilités, le Gouvernement ne peut les assumer seul ; c’est toute la société qui est interpellée. Responsabilité des parents qui doivent élever leurs enfants dans le respect des règles qui régissent la vie en société. Responsabilité de l’école qui doit être aidée dans cette tache. Responsabilité des élus qui ont à exercer leurs compétences très importantes en matière de prévention.

L’insécurité constitue un terrain facile de surenchère, nous le vérifions souvent, et je le regrette. Mais soyons logiques. Comment peut-on, à droite, prétendre - à tort- qu’il y aurait un manque de volonté politique de la part du gouvernement en matière de sécurité et, dans le même mouvement, proposer comme solution de se défausser soi-même en transférant la responsabilité de la police aux maires ?

L’État ne saurait renoncer à ce qui est sa prérogative fondamentale : le monopole du pouvoir de contrainte, l’usage légitime de la force face à la violence illégitime. Ce n’est pas ce que nous voulons. Ce n’est pas ce que l’efficacité commande.

Cette attention portée à la situation de chacun, inspirera d’autres décisions du Gouvernement.

J’évoquerai plus particulièrement quelques-uns de nos rendez-vous, auxquels les Français sont particulièrement attentifs.

Vous examinerez dès la semaine prochaine le projet de loi sur les droits des malades. Plusieurs années de concertation ont été nécessaires pour faire aboutir un projet qui constituera pour les usagers concernés- ils sont des millions- une formidable évolution. En votant ce projet, vous allez faire passer à l’âge adulte les relations entre les patients et le système de santé. Je suis fier de ce que nous ayons abouti sur un sujet aussi sensible, qui touche ou peut toucher chacun dans sa vie personnelle : la santé, la maladie.

L’allocation personnalisée à l’autonomie entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Près de 800 000 personnes âgées pourront bénéficier de cette nouvelle prestation, qu’elles restent à leur domicile ou qu’elles résident dans un établissement.

Les besoins des demandeurs sont actuellement évalués et les dossiers en cours de préparation. Les premiers bénéficiaires pourront percevoir l’allocation dès janvier.

Nous avons décidé, à l’occasion du passage aux 35 heures, de créer 45 000 emplois à l’hôpital.

Notre système de santé est l’un des meilleurs du monde et nos hôpitaux y sont pour beaucoup. Je connais les grandes compétences et l’exceptionnel dévouement des femmes et des hommes qui y travaillent. Soulager, soigner, guérir est une magnifique mission.

Je comprends les inquiétudes des personnels devant les difficultés auxquelles ils sont confrontés : non seulement l’hôpital doit faire face 24 h sur 24, 365 jours par an à une grande part de la souffrance, de la détresse humaine ; mais il doit aussi s’adapter à l’évolution des techniques médicales, et aux demandes des patients, sans rien perdre de ses qualités de service de public.

Ces exigences justifient qu’un effort particulier accompagne la réduction du temps de travail. A partir du 1er janvier prochain, des moyens supplémentaires considérables - 45 000 emplois - seront dégagés sur 3 ans.

Nous agissons pour que les 35h soient une réalité pour l’ensemble des salariés . Dix des quinze millions de salariés du secteur privé sont désormais à 35 heures ou moins. Nous voulons réussir la généralisation de la " RTT " pour toutes les entreprises, en particulier celles de moins de 20 salariés. Nous les y aiderons par un dispositif qui ne remet pas en cause l’économie des lois que vous avez voté mais qui leur accorde la souplesse nécessaire.

Nous allons franchir une nouvelle étape dans la lutte contre les exclusions. Pour mieux assurer la situation financière des personnes engagées dans un parcours vers l’emploi, nous avons ainsi décidé la création de bourses d’accès à l’emploi pour 120 000 jeunes engagés dans un parcours TRACE, le maintien du RMI pendant les six premiers mois de salaires, la revalorisation de la rémunération des chômeurs en formation (jusqu’à +40 % dans certains cas), l’octroi pour les chômeurs d’une aide à la création d’entreprise de 40 000F.

La politique de la ville connaîtra une nouvelle impulsion avec le lancement prochain d’un programme permettant de transformer en profondeur les quartiers qui cumulent aujourd’hui les difficultés et d’offrir de nouvelles perspectives à leurs habitants. Un Comité Interministériel des Villes en traitera le 1er octobre prochain.

Enfin, nous préparons sans relâche le grand rendez-vous du passage à l’Euro.

Dans pratiquement trois mois, l’Euro sera, pour nous tous, une réalité concrète.

C’est, pour les Français, et bien sûr pour ceux qui sont en responsabilité, une opération d’une ampleur sans précédent. Elle mobilise le Gouvernement dans toutes ses dimensions. Il y a la sécurité, l’aide aux publics les plus fragiles. Une inquiétude s’est aussi exprimée sur le risque de " valses des étiquettes ". Il faut évidemment y répondre. C’est pourquoi le Gouvernement est extrêmement attentif à toute dérive des prix. Les services du ministère de l’Économie et des Finances sont totalement mobilisés. Ils pratiquent des relevés de prix très réguliers et vérifient que la conversion franc/euro est effectuée correctement, ce qui est d’ailleurs le cas à quelques très rares exceptions près.

Cher(e)s camarades,

je ne peux pas ici évoquer tous les domaines dans lesquels le Gouvernement continuera d’agir mais, vous l’avez compris, cette action se déploiera dans tous les champs de sa responsabilité.

Vous y serez pleinement impliqués à travers les projets débattus au Parlement. Jean-Jack Queyranne vous les a présentés.

J’ai évoqué déjà plusieurs rendez-vous importants : droits des malades, PLF… Au-delà de ces projets nouveaux, nous allons poursuivre, dans les prochaines semaines, les grandes réformes dont l’examen est déjà engagé, parmi lesquelles :

 le projet de loi de modernisation sociale,

 le projet de loi sur la sécurité quotidienne,

 le projet de loi sur la démocratie de proximité,

 le projet de loi sur la Corse.

Le Gouvernement a tracé une perspective en Corse pour mettre fin à la violence politique dans l’île. L’Assemblée de Corse a massivement approuvé ces orientations qui ont été traduites dans le projet de loi que le Sénat va, après l’Assemblée nationale, examiner. Ce texte peut encore être amélioré. Le Gouvernement n’a évidemment aucune raison de ne pas continuer dans cette direction.

J’ai toujours dit qu’il convenait que la légalité républicaine prévale en Corse et que les auteurs de crimes seraient recherchés, arrêtes et jugés. Le Gouvernement n’a aucune part dans la conduite des enquêtes qui relèvent, en toute indépendance, de la responsabilité des juges. Les actes judiciaires relatifs à ces enquêtes ne peuvent donc faire l’objet d’aucune discussion avec le Gouvernement.

Le Gouvernement entend poursuivre sa politique, au service des corses, de la Corse, dans la République.

Je vous confirme par ailleurs l’intention du Gouvernement de réformer les fonds spéciaux dont les défauts sont, en quelques heures, soudainement apparus évidents à ceux qui s’étaient accommodés - et c’est bien le mot qui convient, semble-t-il - de ce système depuis 1946 ! Nous engageons dès maintenant cette réforme dans le cadre du débat sur le PLF 2002.

Nous devons aussi choisir les projets dont nous commencerons l’examen au Parlement, début 2002. De nombreux textes sont d’ores et déjà prêts ou le seront bientôt. Il me semble que deux au moins pourraient être discutés par le Parlement : le projet de loi sur l’eau, le projet de loi sur la bioéthique. Mais cela est encore à trancher.

En tout cas, le Parlement restera, dans les prochains mois, l’instance du débat, de la confrontation mais aussi de la poursuite des réformes. Le Gouvernement aura besoin de votre travail et de votre mobilisation. C’est ce que les Français attendent de vous.

Puis viendra le moment où chacun, candidat, militant, élu, se consacrera pleinement à la préparation des grandes échéances électorales : l’élection présidentielle, puis les élections législatives. Le débat démocratique, la confrontation des projets nécessiteront du temps, de la disponibilité, à la mesure des enjeux. La session parlementaire sera donc suspendue, le moment venu, pour permettre à chacun de s’impliquer dans ce débat.

Nous devons aussi préparer les conditions de la mobilisation pour les rendez-vous démocratiques de 2002

Les évènements récents ont fait comme reculer ces échéances. Mais ce moment viendra. Il faudra mobiliser sur notre bilan, toute la gauche, dans le respect de ses différences, mobiliser sur notre vision de l’avenir.

Nous devons préparer cette confrontation avec la conscience de ce qui a été accompli
Depuis plus de 4 années, nous avons été guidés par un objectif commun : remplir le mandat que les Français nous ont confié en juin 1997. Chacun, dans ses fonctions, parlementaires de la majorité, ministres, a travaillé.

Ces responsabilités, nous les avons assumées ensemble, intégralement. C’est à elles que les Français nous identifient. Depuis presque 5 ans, je crois qu’ils mesurent ce qui est fait, et qui le fait.

Dans ces années, nous avons transformé nos engagements en actes. Il y a peu de domaines dans lesquels nous n’avons pas agi, réformé.

Je ne veux pas rappeler l’ensemble des réformes dont vous avez été les principaux acteurs. Mais j’ai la conviction que ce bilan constituera, le moment venu, un élément essentiel du choix des Français. Depuis 1997, rien n’a été mécanique, aucun résultat n’était acquis par avance. Beaucoup de nos choix n’auraient pas été faits par d’autres majorités.

Je constate d’ailleurs que lorsque la réalité de ce bilan gêne l’opposition, elle invoque la chance. Lorsqu’elle craint d’apparaître à contre courant de l’opinion, après avoir durement combattu tel ou tel projet, finalement elle s’y rallie ou se contente d’évoquer quelques " réaménagements ". Pourrait-elle en effet proposer aux Français la suppression des 35 heures, des emplois-jeunes, du PACS ou la limitation du cumul des mandats ? Difficile !

Notre bilan sera caricaturé par certains, ignoré par ceux qui récusent l’idée même de bilan parce qu’ils n’en ont pas, critiqué par d’autres qui l’estimeront toujours insuffisant, alors qu’ils n’ont pas de propositions alternatives crédibles.

Face aux caricatures, aux omissions ou aux surenchères, vous devez inlassablement comparer, illustrer, répondre, pour convaincre.

En évoquant devant vous cette législature qui entre dans sa dernière année, je veux vous dire que ce fut pour moi une force que de vous avoir sentis à tout moment à mes côtés.

Depuis 4 ans, vous avez chacun avec votre personnalité, votre talent, incarné individuellement et collectivement, d’abord l’alternance politique, puis la gauche en action. Vous l’avez fait par votre présence, par la maîtrise de vos débats, par une solidarité jamais prise à défaut.

Lorsque l’on gouverne, il ne suffit pas de disposer à l’Assemblée nationale d’une majorité. Il faut aussi que le " couple " exécutif - législatif produise de la cohérence, fasse vivre du respect et l’amitié. C’est ce que nous avons su réaliser avec la majorité plurielle - j’y reviendrai - mais d’abord ensemble, groupe socialiste, parti et Gouvernement.

De tout cela, je vous remercie tous et peut-être plus particulièrement François Hollande, le Premier Secrétaire, Jean-Marc Ayrault et Claude Estier, les responsables des commissions parlementaires.

Dans tous les moments de décision, leurs avis, éclairés par une parfaite connaissance de votre état d’esprit, leur sens politique, les relations qu’ils entretiennent avec nos partenaires de la majorité, ont constitué, pour moi et pour les autres ministres, des repères et une aide irremplaçables.

Pour gagner, nous devons pouvoir compter sur la dynamique de la majorité plurielle
Il est sans précédent dans l’histoire de la gauche qu’elle ait su ainsi mêler la durée - celle de la législature - et l’unité, c’est-à-dire la capacité à franchir ensemble toutes les étapes qu’elle s’était fixée :

 le rassemblement des principales forces de gauche et écologistes à partir de 1995 ;

 la capacité à représenter une alternance en juin 1997 ;

 l’aptitude à exercer durablement les responsabilités gouvernementales, en combinant gestion et réforme ;

 la possibilité de se présenter devant les Français, après 5 ans au pouvoir, avec des chances réelles de gagner.

L’exercice du pouvoir ensemble a-t-il creusé nos différences ? A-t-il suscité de nouveaux clivages ? Peut-être sur une question précise, avec une formation politique de cette majorité, le MDC, mais au prix d’une caricature de nos positions. Mais sur l’essentiel, ces années nous ont plus rapprochés qu’éloignés.

La majorité plurielle est la force politique alternative à la droite. Le moment venu, il faudra qu’elle dise ensemble, ce qu’elle veut proposer aux Français. Au-delà de nos différences, je n’ai aucun doute sur ce qui nous réunit. C’est cette vision de l’avenir que nous devons commencer à imaginer, pour la dessiner le moment venu et, si les Français le souhaitent, la réaliser avec eux.

Cher(e)s camarades,

Nous sommes à 7 mois de l’échéance.

Nous ne ferons pas dans les quelques prochains mois tout ce qu’il nous reste à accomplir ! Si, dans certains domaines, les Français auront le goût - je l’espère provisoire - de l’inachevé… il nous faudra créer chez eux le désir de poursuivre avec nous.

Pour cela, nous aurons besoin de nouvelles idées, de nouvelles réformes, de nouveaux souffles, adaptés aux enjeux.

Le Parti socialiste a bien engagé ce travail, avec ses militants, ses dirigeants et le premier d’entre nous François Hollande, ses groupes parlementaires, Martine Aubry, chargée du Projet.

Nous devrons tout à la fois rester nous-mêmes et surprendre par nos propositions.

Cher(e)s camarades,

Au Parlement, au Gouvernement, nous aurons besoin dans les prochaines semaines et les prochains mois, d’être totalement mobilisés sur notre tâche. Vous avez compris qu’elle restait dense.

Mais nous devrons dans le même temps, être capable de voir loin, pour préparer un nouvel horizon.

Les Françaises et les Français le choisiront librement.

Je fais toute confiance à votre force, à votre mobilisation, pour éclairer et convaincre.


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