Discours
de Lionel Jospin
lors de la Journée
parlementaire
du groupe socialiste,
le 10 septembre 1997

 



Mesdames et Messieurs les Députés,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames et Messieurs les Députés européens,

Chèr(e)s Ami(e)s,


1. Vous m'avez invité a prendre la parole devant vous dans le cadre de ces Journées parlementaires. Je remercie chaleureusement le Maire de Montpellier, Georges Frêche, qui nous accueille. Je salue amicalement les présidents des groupes parlementaires - Jean-Marc Ayrault, Claude Estier et Pervenche Bères-, ainsi que le président de l'Assemblée Nationale, Laurent Fabius et François Hollande, le Premier Secrétaire du Parti. Je vous retrouve tous aujourd'hui avec plaisir.


2. La rénovation du PS passait d'abord par celle des idées, mais supposait aussi le renouvellement des élus: nous avons, je crois, tenu le pari et montré l'exemple: le rajeunissement et la féminisation du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale en témoignent. Je me réjouis de cette richesse, de cette diversité et je fais confiance à notre ami Jean-Marc Ayrault pour en tirer le meilleur parti à l'Assemblée Nationale. Il saura faire en sorte que chacun d'entre vous - député chevronné ou nouvel élu - puisse mettre sa compétence, son énergie et sa disponibilité au service du travail parlementaire de votre groupe. Surtout, vous êtes le plus puissant groupe parlementaire et donc au coeur de la majorité plurielle sur laquelle le Gouvernement s'appuie.


3. Une tâche essentielle vous attend. Le Gouvernement et moi-même avons activement travaillé tout l'été afin que des projets de loi puissent au plus tôt, mais sans précipitation, être soumis au Parlement. Ces textes engagent la mise en œuvre du pacte républicain, du pacte de développement et de solidarité que j'ai exposé devant la Représentation nationale le 19 juin dernier. Ils sont attendus par les Français. Leur importance, leur intérêt, l'urgence même qui caractérise certains d'entre eux, m'ont incité a demander au President de la République de convoquer, a compter du 15 septembre, une session extraordinaire. Elle sera un temps fort de l'action du Gouvernement. Vous en serez les acteurs principaux. Aussi, permettez-moi de rappeler le rôle essentiel qui est le vôtre dans la conduite du changement, de souligner l'ambition qui est la mienne dans cette perspective et d'éclairer les responsabilités que nous partageons.

I - LE ROLE ESSENTIEL DE LA MAJORITE PARLEMENTAIRE DANS LA CONDUITE DU CHANGEMENT.

Au-delà des premières décisions prises par le Gouvernement, c' est beaucoup sur votre travail législatif que va reposer la conduite du changement. A vous revient la mission de donner vie et en tous cas traduction parlementaire aux priorités politiques du Gouvemement.


Pour y parvenir, vous serez, je le sais :

- des interprètes;

- des partenaires,

- et des relais.


1. Les interprètes de la volonté de changement exprimée par les Français.


Mettre en œuvre - dans la cohérence et dans la durée - les réformes que nous leur avons proposées: voilà ce que nos compatriotes attendent de nous. Ils semblent pour le moment penser que nous agissons positivement et de façon réaliste. tout en tenant nos engagements.


Dépositaires de la volonté du peuple français, vous devez desormais en être les interprètes. Avec fidélite, indiscutablement, mais sans verser dans un quelconque mythe du "mandat imperatif".


Mettre en œuvre une politique fidèle aux engagements pris, mais soucieuse de l'intérêt du pays; interpréter, en un mot, ses options politiques à la lumière de l'intérêt général et face à l'exigence concrète des problèmes rencontrés: telle est. dans une démocratie parlementaire, la mission essentielle conférée par le suffrage universel aux élus du peuple que vous êtes. C'est d'ailleurs cette approche qui inspire l'action du gouvernement.


2. Les partenaires du Gouvernement.


Si tous les groupes parlementaires de la majorité sont les partenaires naturels du Gouvernement, le groupe socialiste, compte tenu de son importance, représente une réalité politique primordiale et un partenaire privilégié.


Partenariat: tel est en effet l'esprit dans lequel je souhaite travailler avec vous. Dans cette perspective, le rôle d'animation du ministre des relations avec le Parlement sera central -et je tiens à saluer Daniel Vaillant pour son action.


J'attends de vous la solidarité et la responsabilité dans l'engagement, mais aussi l'imagination et la créativité dans la proposition. La façon dont nombre d'entre vous ont travaillé pendant l'été sur le projet de loi relatif à l'emploi des jeunes ou sur celui relatif au service national est exemplaire de cette relation féconde que le Gouvernement a noué avec vous. Je m' en félicite et vous invite à poursuivre dans cette voie. Pour ce qui concerne les membres du Gouvernement, je les engage a continuer à vous associer pleinement à l'élaboration des principaux textes.


Par ailleurs, j'ai demandé à mon cabinet de veiller auprès des ministres à ce que 1'information des parlementaires, les réponses à leurs courriers, soient assurées avec constance. Et parce que nombre d'entre vous sont également des élus locaux, je tiens à ce que vous soyez également associés par les administrations déconcentrées à la mise en oeuvre concertée des décisions prises, dans le respect des compétences de chacun.


Je sais que vous êtes régulièrement informés par Matignon et par le cabinet de Catherine Trautmann, grâce à des brochures qui vous servent à expliquer l'action du Gouvernement et à nourrir vos prises de position.


Vous le savez, mes relations avec les responsables des groupes socialistes sont fréquentes. Je m'entretiens régulièrement avec le Président de l'Assemblée Nationale. Mais j'ai également l'intention de rencontrer de façon suivie les députés et sénateurs, afin de les écouter et de nouer avec eux la discussion. Je prendrai donc des initiatives dans ce sens.


Enfin, je serai ouvert à toutes les propositions d'amélioration du travail parlementaire que vous seriez amenés à formuler, et au premier chef à celles de Laurent Fabius, pour ce qui concerne le fonctionnement de l'Assemblée Nationale.


3. Les relais de la politique de la majorité.


Encore sous le choc de sa défaite, la droite peut paraître à certains "dans les cordes", ou " hors jeu ". Je ne tire pas des conclusions hâtives de cette analyse. Outre sa base sociologique -solide-, et ses relais -puissants-, elle conserve dans notre pays une force politique et électorale importante.


Au Sénat, en particulier. Mais à l'Assemblée Nationale, aussi: car les Français, s'ils nous ont donné les moyens politiques de conduire le changement qu'ils souhaitaient, ne nous en ont pas donné pour autant tous les moyens.


Prenant en considération l'adhésion de nos concitoyens aux premiers pas du Gouvernement, la droite est certes restée relativement discrète, mais sa méthode reste la même - on l'a bien vu à chaque fois qu'elle est sortie de sa réserve - : la caricature.


Prisonnière de schémas dépassés, elle n'a en effet pas pris la pleine mesure de l'évolution de l'opinion publique, de son attente d'une rénovation en profondeur de la vie politique, de son souci d'efficacité, de sa volonté de voir entreprises des reformes concrètes: bref, l'opposition n'a toujours pas compris les raisons profondes de sa défaite.


Mais n'en doutons pas pour autant un instant: l'opposition se ressaisira, la session parlementaire sera difficile, le combat sûrement âpre, et il vous faut vous préparer à cette confrontation.


Il vous reviendra en effet de défendre la politique du Gouvernement et de répondre, projet contre projet, aux critiques et aux attaques de l'opposition de droite. Au-delà de l'enceinte parlementaire, il vous appartiendra également, par vos prises de position nationales comme par votre capacité de relais, dans vos circonscriptions, d'éclairer nos concitoyens.


II L 'AMBITION DU GOUVERNEMENT : REUSSIR LE CHANGEMENT.

Réhabiliter l'action politique et construire un projet équilibré: voilà deux conditions essentielles, à mes yeux, pour réussir le changement que les Français ont voulu.


1. Rendre sa place au politique.


Pour moi et pour nous tous ici, la transformation sociale reste la visée de l'action politique. Elle passe désormais par la voie de la réforme, ce qui suppose d'écouter nos compatriotes, de répondre à leurs attentes, de prendre en compte l'histoire de notre pays et aussi de réhabiliter l'action politique et de restaurer l'autorité de l'Etat.


Les Français ne veulent sûrement pas que le Gouvernement ignore les données économiques. Mais je crois qu'ils sont satisfaits de voir que le pouvoir politique ne s'identifie plus au pouvoir économique. Ils sentent qu'il y a un contrepoids, une autre source de légitimité.


Se montrer attentif aux réalités, ce n'est pas se résigner; c'est comprendre que les nécessaires évolutions doivent être acceptées par le plus grand nombre. Rien ne sert d'avoir raison -ou de croire avoir raison- contre tous et avant tous si l'on est incapable d'entraîner les autres. C'est aussi se donner le temps et les moyens de convaincre, d'emporter l'adhésion: voilà pourquoi l'action s'inscrit, à mes yeux, dans la durée.


C'est ainsi que nous pourrons réformer en profondeur notre société et c'est ainsi que nous avons commnencé, depuis 100 jours, à travailler.


Quand le Ministre de l'Intérieur affirme son souci de la sécurité de chacun ou cherche à établir les conditions d'un large consensus républicain sur la politique de l'immigration -à partir de nos valeurs et conformément à nos engagements-, quand le Garde des Sceaux engage le retour à une vision républicaine du droit de la nationalité, quand le ministre de l'Education Nationale, de la recherche et de la technologie et celui de l'Enseignement Scolaire s'attaquent avec détermination à l'insécurite à l'école, au problème des maîtres auxiliaires ou des cantines, ils mettent en œuvre cette conception de l'action politique.


Quand je rencontre le chancelier Helmut Kohl ou le Premier ministre Tony Blair pour leur exposer ma conception d'une Europe rééquilibrée, il en va de même. Nous disons "oui a l'Europe" -sans réserves, mais pas sans conditions. Nous allons vers l'Euro librement, parce que la France n'est à la remorque de personne; mais, dans le même temps, je fais passer des messages politiques à mes yeux essentiels. La monnaie unique n'aura pas de sens sans une instance de coordination des politiques économiques. L'élargissement ne peut être envisagé sans une réforme préalable des institutions européennes. L'Euro doit s'accompagner d'une véritable prise en compte de l'emploi dans la construction communautaire. Toutes ces questions seront abordées dans les prochains sommets européens.


Réussir le changement suppose également de rendre au politique sa place.


Je suis persuadé que les Français attentent que l'on restitue à la politique la valeur cardinale qui est la sienne. Je ne suis même pas loin de penser qu'une des raisons du retour de la confiance qui s'esquisse dans le pays tient précisément à cette réhabilitation de la politique que nous avons engagée, pour la mettre au cœur de la démocratie.


Oui, la politique est utile; car la politique, c'est la Cité qui se fixe des objectifs qui en débat et qui se choisit des dirigeants pour se construire un avenir.


L'action politique ne doit pas viser à créer la crise - comme certains, étrangement, nous le proposent -, mais, à partir des tensions, à apaiser les conflits, à résoudre les problèmes posés à la Nation. La politique ne se résume pas, comme on le croit trop souvent, à la seule prise de décision Elle est d'abord et avant tout une réflexion prolongée par la délibération collective et débouchant sur l'action. Instance politique, instance collégiale, le Gouvernement n'est pas une collection d'experts. Il doit incarner une volonté politique, une dynamique de rassemblement et un projet de société. Il doit être un lieu de débat politique. Depuis trois mois, nous sommes parvenus, je crois, à respecter ces principes fondateurs.


Seule la politique donne du sens. Et c'est de sens dont la France a besoin.


2. Donner le sens de l'équilibre à notre action.


Notre pays est en attente. Il demande un projet et veut qu'on lui indique le chemin. J'ai dit, il y a peu à la Rochelle, qu'un mot me paraissait susceptible de résumer notre projet pour le pays : l'équilibre. L'équilibre n'est pas seulement une vertu de pondération ; il est aussi une condition du mouvement. Pour moi, l'équilibre est une notion moderne qui permet de répondre aux contradictions que porte en elle la réalité que nous affrontons, et de répondre aux aspirations - elles aussi souvent contradictoires - de nos concitoyens.


Notre pays a accepté son ouverture sur l'extérieur et son immersion dans l'économie mondiale, qui est une économie de marché. Il a accepté cette évolution, mais à une condition: qu'on ne l'abandonne pas aux seules forces du marché, que l'on maintienne une forme d'équilibre nécessaire à sa cohésion. C'est notre mission aujourd'hui, à nous socialistes, que d'assumer la nécessaire conciliation du marche et de l'Etat, de l'efficacité économique et de la justice sociale de l'ouverture et de l'identité.


C'est donc à la lumière de ces deux impératifs qu'il faut examiner l'action entreprise par le Gouvernement. J'en prendrai deux exemples, tirés de l'actualité toute récente.


3. Deux dossiers significatifs : Air France et France Telecom.


Une des questions essentielles posées à notre pays est celle de la place du service public. Nous devons y répondre. Car le service public est au coeur du contrat social à la française, il est précisément, dans l'esprit de nos concitoyens, un des garants de cet équilibre que j'évoquais a l'instant. Mais équilibre n'est pas le statu quo ante.


Prenons le cas d'Air France. Apres avoir connu de graves difficultés financières et sociales, cette entreprise a réussi à entamer son redressement. Des premiers résultats, importants, ont ainsi été obtenus, en particulier grâce à une recapitalisation très substantielle. Néanmoins, ce redressement n'était pas achevé; des lors, et en dehors même de toute considération de politique générale, la privatisation de cette entreprise ne pouvait être et n'est pas à l'ordre du jour. C'est là non pas la position de tel ou tel ministre, mais la position du Gouvernement. Par contre, et afin de permettre à Air France de nouer des alliances stratégiques qui lui étaient nécessaires pour assurer son développement, le Gouvernement avait prévu d'ouvrir son capital -et notamment à son personnel- mais d'en conserver la majorité. Je regrette que le Président d'Air France ait renonce à poursuivre la mission qu'il avait engagée avec succès. Nous irons dans la même direction avec son successeur. Car s'il appartient aux dirigeants des entreprises publiques d'exercer pleinement leurs responsabilités de direction, aucun d'entre-deux ne peut croire qu'il fixera ses conditions à l'Etat. C'est une bien curieuse conception de l'homme d'Etat que se fait M. Léotard lorsqu'il croit qu'un Premier Ministre doit céder à un ultimatum. J'ai une autre idée du respect de l'autorité de l'Etat.


La question soulevée par France Telecom est d'une autre nature. Fleuron de notre industrie, disposant d'atouts technologiques importants, France Telecom assure des missions de service public. Pourtant, il nous fallait garantir la pérennité du rayonnement d'une entreprise totalement immergée dans la concurrence internationale C'est pourquoi nous avons choisi d'ouvrir 20 % de son capital et de négocier des prises de participation croisées. Grâce à cette décision, nous avons entamé la constitution d'un pôle industriel européen fort et viable sur le marche mondial. Mais, dans le même temps, nous avons tenu à préserver et même à conforter les missions de service public qui sont celles de cette entreprise. Vous le voyez, l'équilibre entre projet industriel et garantie du service public est au coeur de nos préoccupations.


III NOTRE RESPONSABILITE : FAIRE VIVRE LE DOUBLE PACTE PROPOSE AUX FRANCAIS.

C'est ce qui inspire les projets de loi que nous allons soumettre à votre examen.


1. Un préalable: redresser les finances du pays en servant la croissance.


Même si Dominique Strauss-Kahn vous en parlera plus longuement demain, je voudrais rappeler l'importance que j'attache au projet de loi de finances pour 1998 que vous examinerez bientôt et en marquer les lignes de force. Redresser les finances publiques, nourrir la croissance, favoriser la justice sociale: telles sont les orientations du budget 1998. Du point de vue fiscal, et comme une première étape, vous savez que le Gouvernement a préparé le volet "recettes" du budget dans un esprit de justice: par la réduction ou la suppression d'un certain nombre d'exonérations ou de réductions d'impôts qui s'apparentaient à de véritables privilèges, par le rééquilibrage de la fiscalité entre capital et travail.


Quant à l'équilibre financier de notre protection sociale, vous serez bientôt saisis par Martine Aubry d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.


2. Le pacte républicain.


Renouer le pacte républicain était, vous le savez, une tâche prioritaire à mes yeux. Il y allait, en effet, de l'indispensable restauration de la confiance et de la cohésion nationale. Le Gouvernement, pour ce qui le concerne, s'est déjà engagé avec détermination dans cette voie. Il vous appartient désormais de prolonger ses premiers pas en adoptant plusieurs textes dont l'importance est. à mes yeux, essentielle. C'est d' abord le cas des dispositions préparées par Elisabeth Guigou, qui, à la suite du rapport Truche, permettront notamment de garantir l'indépendance effective de tous les magistrats. Le Garde des Sceaux présentera le mois prochain une communication au Conseil des Ministres sur les orientations qui auront été retenues. Vous en serez saisis au premier semestre de l'année prochaine.


La démocratisation et la modernisation de notre vie publique sont également des impératifs. En matière de cumul des mandats, le Gouvernement -conformément à tous nos engagements depuis plusieurs années- à l'intention de s'engager résolument sur la voie d'une réforme de la loi de 1985. Il s'agira notamment de limiter les possibilités de cumul d'un mandat parlementaire avec la responsabilité d'un exécutif local. Le projet de loi qui vous sera soumis au début de l'année prochaine fera l'objet d'une première lecture à l'Assemblée Nationale avant les échéances électorales du printemps. Il s'agit là, pour moi, d'une avancée très importante pour surmonter la crise de notre démocratie politique, et pour répondre à l'attente de nos concitoyens. C'est pourquoi, dans un souci de concertation et avec la volonté d'aboutir, je prendrai l'initiative d'une rencontre sur ce sujet avec les dirigeants des grandes formations républicaines.


Le retour à une politique républicaine de l'immigration représentait un de nos engagements principaux. Le texte préparé par Jean-Pierre Chevènement garantit une politique à la fois ferme et généreuse, pleinement conforme à nos engagements, susceptible d'être comprise par nos compatriotes et dont je voudrais que l'adoption permette d'alléger le poids des passions politiques qui pèse sur les immigrés dans notre pays. Vous en débattrez très prochainement et je souhaite que vous le fassiez de façon ouverte et constructive en introduisant les modifications qui vous paraîtront utiles mais sans dénaturer ce projet de loi et en respectant l'équilibre de son approche


Ce retour à l'esprit de la République doit se doubler d'un pacte de développement et de solidarité. L'enjeu est de faire naître un nouveau modèle de développement.


3. Un autre modèle de développement.


Trois étapes essentielles permettront d'en jeter les fondations.


Le plan pour l'emploi des jeunes.


Il introduira une rupture dans l'approche des problèmes d'emplois : nous ne créons pas, en effet, une forme supplémentaire de traitement social du chômage. Nous mettons en place une dynamique économique de création de nouveaux emplois, partant des besoins collectifs non satisfaits à l'heure actuelle par le marche ou par les services publics. Services aux personnel, préservation de l'environnement et du patrimoine, sécurité des transports et des lieux publics, encadrement scolaire: en répondant à ces besoins, nous créerons des emplois, mais nous améliorerons également la qualité de vie de nos concitoyens. Nous sommes convaincus que ces emplois, parce qu'ils répondent à de véritables besoins, trouveront au fil du temps leur place et leur mode de financement -marchand ou non marchand. Encore faut-il que la collectivité - et au premier chef l'Etat - donne l'impulsion et soutienne leur développement


Nous offrirons ainsi aux jeunes un contrat de travail à plein temps, des droits sociaux, un salaire correspondent à leur qualification et aux conventions collectives. Là aussi la rupture est profonde : pour la première fois, nous brisons le cercle de précarité, de petit boulot et d' intérim, de galère, où beaucoup de ces jeunes sont enfermés. Pour la première fois, nous allons pouvoir leur offrir un horizon long : 5 ans et la perspective pour la plupart, il faut y compter, d'être consolidé plus durablement encore dans les emplois ainsi créés. Cela permet de voir la vie autrement, de se projeter dans le temps, d'avoir des projets de vie, d'autonomie, d'enfants, etc...


J'ai conscience que le succès de ce plan repose dans une large mesure sur les collectivités territoriales et sur l'implication de leurs élus. C'est pourquoi, dans un esprit de coopération, j'ai décidé que les charges des collectivités locales ne devaient pas être alourdies, et c'est en ce sens que nous avons décidé de ne pas relever les cotisations sociales de la Caisse Nationale de Retraite des Agences des Collectivités Locales. Reste que cet organisme connaît un déséquilibre financier réel et des difficultés de trésorerie importantes et que nous devrons travailler, ensemble, à sa consolidation.


La conférence nationale sur l'emploi. les salaires et le temps de travail.


Le retour d'une croissance plus forte, telle que nous pouvons l'espérer et l'encourager en 1998, ne suffira pas à faire régresser significativement le chômage. Il faut non seulement stimuler cette croissance, mais la façonner, enrichir son contenu en emplois. Cela suppose une volonté politique forte. Nous l'avons.


Pour cela, nous nous proposons d'utiliser deux leviers essentiels : la réduction collective du temps de travail et le soutien à la demande intérieure par une progression maîtrisée des salaires.


Tel est l'objet de la conférence nationale sur l'emploi, les salaires et le temps de travail. Elle ne sera pas un "sommet" sans lendemain. Elle sera à la fois un point d'arrivée et un point de départ. Point d'arrivée d'un processus engagé depuis cet été par les contacts que Martine Aubry et moi-même avons eus avec les organisations syndicales et patronales, par le travail des administrations économiques et sociales pour préparer les dossiers de base de la conférence, par -et je m' en réjouis- des contacts bilatéraux ou multilatéraux entre les partenaires sociaux eux-mêmes. Ensuite, je présiderai dans quelques semaines l'ouverture de la conférence nationale elle-même, qui fixera un calendrier de négociations, interprofessionnelles pour certaines, de branches pour d'autres: elle sera donc également l'occasion d'un coup d'envoi.


Nous ne perdons pas de vue notre engagement pour l'emploi de 350.000 jeunes de plus dans le secteur privé. Nous n'avons pas, bien sur, les mêmes leviers directs d'action dans ce secteur, mais nous ferons aux partenaires sociaux un certain nombre de propositions pour que ceux-ci se fixent des objectifs de résultat, des objectifs de progrès quant à la part des jeunes dans les effectifs salariés.


La reforme de la procédure de licenciement économique.


Les licenciements économiques sont encore trop souvent la seule variable d'ajustement pour des entreprises qui cherchent à améliorer leur compétitivité, et cela même lorsqu'elles dégagent des bénéfices. Il n'y a pas assez de dialogue social, d'association des salariés et de leurs organisations syndicales, à la recherche de solutions qui évitent des licenciements, qui préservent d'avantage l'emploi. Là encore, nous devons rétablir une forme d'équilibre. C'est dans ce sens que j'ai demandé à Martine Aubry de réfléchir à une réforme de la procédure de licenciement économique, renforçant le pouvoir de contrôle de l'administration. Sans attendre, des instructions ont été données à ces services dans ce sens, en particulier dès qu'il y a demande de préretraite FNE.


Je n'ai évoqué devant vous que certains des projets qui marqueront la prochaine session. Mais chacun procédera de la même inspiration générale


Cher(e)s Ami(e)s,

Cher(e)s Camarades,


Lorsque la session qui s'ouvre le 15 septembre sera achevée, le visage de notre pays, n'en doutons pas, aura, sur plusieurs points, changé.


Que ce soit sur le plan institutionnel, social ou économique, les réformes que vous aurez inscrites dans le droit seront nombreuses et amples. L'oeuvre législative qui sera la vôtre -la nôtre- aura été, en effet, considérable.


Beaucoup restera à faire, sans doute; seule la durée nous permettra d'accomplir notre tache, assurément; mais l'élan aura été donné, les fondations de l'édifice que nous voulons bâtir ensemble posées, et c'est essentiel.


Si à tel ou tel moment vous trouvez le calendrier trop chargé, il faudra nous le dire mais aussi nous indiquer comment l'alléger

Le travail législatif qui vous attend sera donc lourd, j'en suis conscient. Ce travail, je sais que vous le mènerez avec détermination. Faire bouger les choses, rendre confiance aux Français, redonner l'espoir, engager le changement, construire un autre avenir pour notre pays et sa jeunesse; c'est là une grande responsabilité et une tâche passionnante. Nous les assumerons ensemble et, j'en suis convaincu, avec succès.