Discours
de Lionel Jospin
lors de la Journée
parlementaire
du groupe socialiste,
le 27 septembre 1999


Je suis heureux de vous retrouver, quelques jours avant la session qui s’ouvrira vendredi.

Vous avez commencé à préparer activement cette nouvelle session :

- en conduisant un travail important préparatoire au premier grand débat de la session (réunions sur les 35 heures) 
- en élisant vos responsables. Je salue tout particulièrement votre président, Jean-Marc AYRAULT. La qualité de la relation personnelle et politique est aussi un facteur déterminant des rapports entre le Gouvernement et le principal parti de la majorité. Jean-Marc y contribue beaucoup, de même que Daniel VAILLANT de notre côté.

Je salue chaleureusement :François Hollande, Laurent Fabius, Claude Estier, Pervenche Berès ainsi que nos hôtes à Strasbourg : Catherine TRAUTMANN et Roland RIES.

Ce travail préparatoire se poursuit à Strasbourg avec un ordre du jour que vous avez souhaité dense, sans doute parce que le champ de notre action est large et que vous avez le sentiment que vos prochains mois de travail parlementaire seront importants.
Je salue les ministres de toute la majorité plurielle qui participent à vos travaux.

Nous faisons notre troisième rentrée parlementaire. Nous l’abordons avec un double sentiment.

  • La mesure de nos atouts, de nos acquis : la construction d’une relation positive avec les Français, la confiance retrouvée du pays en lui-même, la croissance consolidée, l’engagement de grandes réformes sociales, le chômage en recul.
  • La conscience aussi des attentes qui restent fortes, des inquiétudes et des impatiences.
Pour nous, qui ne séparons pas gestion et réforme, beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire :
  • pour appliquer concrètement ce que nous avons entrepris ensemble depuis deux ans ;
  • pour approfondir les démarches engagées ;
  • pour ouvrir de nouveaux chantiers et affirmer de nouveaux droits ;
  • pour conduire ces changements en dialogue avec la société.
C’est ce que nous allons faire, dans cette deuxième étape qui nous conduira jusqu’à notre rendez-vous politique avec les Français en mars 2002 — les élections législatives. Cette échéance est notre horizon politique commun. Nous travaillons dans cette perspective. Pour ce travail, je souhaite marquer les principales priorités du Gouvernement dans les prochains mois.

   I — Construire une croissance solidaire et partagée.
  II — Bâtir de nouveaux outils de régulation.
III — Affirmer de nouvelles solidarités.
 IV — Poursuivre la modernisation de la société en ouvrant de nouveaux droits.



I — CONSTRUIRE UNE CROISSANCE SOLIDAIRE ET PARTAGEE.

  • Nous avons voulu la croissance. Nous l’avons construite. Nous l’avons confortée. Aujourd’hui, les premiers résultats sont là, chacun en convient.
  • Notre politique doit être centrée sur le maintien d’une croissance forte dans la durée. Nous devons continuer à nous y consacrer en France. Nous devons la vouloir en Europe. Elle est décisive dans la lutte contre le chômage, qui reste notre première priorité.
  • Maintenant que la croissance est là, il nous faut travailler à ce que tous les Français en bénéficient. Pour cela, nous devons construire une croissance plus solidaire, mieux partagée. Cette répartition équitable est elle-même facteur de confiance et de croissance dans la durée.

1. Une croissance solidaire, c’est d’abord une croissance plus riche en emplois.

  • Nous voulons reconquérir une société de plein emploi.
  • C’est une perspective désormais crédible.
  • Cela suppose de continuer à faire preuve de volontarisme. C’est pourquoi nous continuerons à attaquer le chômage dans toutes ses dimensions.
  1. Nous le ferons d’abord grâce aux priorités dégagées dans le projet de budget pour 2000 et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

    • Nous finançons nos priorités : l’emploi, la solidarité, l’éducation, la justice, la sécurité, l’environnement et la culture.
    • Nous avons rééquilibré notre fiscalité pour favoriser l’emploi et encourager des comportements plus respectueux de l’environnement.
    • Nous poursuivons avec la réforme des cotisations patronales, qui allège le coût du travail sur les bas salaires et instaure en contrepartie une fiscalité écologique et une contribution sur les profits des sociétés.
    • Nous allégeons fortement la TVA en ciblant des secteurs qui concernent beaucoup de Français et où les effets sont les plus favorables à l’emploi : travaux d’entretien dans les logements et services de proximité, comme vous l’avez souhaité. Il semble que les premières réactions soient très positives.
    • Nous allégeons aussi les frais de mutation immobilière, ainsi que le droit au bail pour la très grande majorité des locataires.

  2. La deuxième loi sur la réduction du temps de travail occupera une place centrale dans notre politique.

    Le 1er janvier 2000, la durée légale du travail sera dans notre pays de 35 heures pour les entreprises de plus de vingt salariés. L’engagement pris sera tenu.

    • Nous abordons ce débat dans la dynamique de la première loi : 120.000 emplois créés ou sauvegardés à la fin août —la plupart en CDI—, un mouvement sans précédent de négociation sociale : plus de 100 accords de branche ouvrant des potentialités et 15.000 accords d’entreprise qui concernent d’ores et déjà 2,2 millions de salariés.
    • Nous voulons une loi pour réussir les 35 heures, une loi pour sauvegarder ou créer des emplois, pour dégager du temps libre, pas une loi contre les entreprises. Car le combat contre le chômage est, pour nous, l’objectif qui ordonne tout le reste.
    • Le Gouvernement a proposé un texte qui tient compte des enseignements des accords déjà conclus, qui donne toute sa place à la négociation entre partenaires sociaux. Votre rôle est de contribuer à l’enrichissement de ce projet. Nous devons le faire avec toutes les composantes de la majorité. Veillons ensemble à ce que les améliorations apportées au texte dans le débat parlementaire conservent l’équilibre nécessaire à sa réussite.

    Pour ce qui concerne la fonction publique :

    • le ministre de la fonction publique a engagé des discussions en vue de définir le contenu d’un accord cadre au niveau des trois fonctions publiques ;
    • à l’issue de ces discussions nationales, s’engagera, début 2000, une phase de négociations décentralisées dans chaque fonction publique et au plus près du terrain, c’est-à-dire dans chaque ministère, chaque établissement, chaque collectivité, chaque service.
    • Cette phase s’étendra sur 2 ans, pour s’achever début 2002. Elle contribuera au développement du dialogue social et je souhaite qu’elle permette de promouvoir une nouvelle gestion des ressources humaines et une amélioration du service public.


  3. Le plan d’emploi pour les jeunes va continuer à monter en puissance.

    • 210.000 emplois jeunes ont déjà été créés. Par la loi, puis grâce à l’implication des acteurs, nous avons su insuffler une véritable dynamique qui ouvre des perspectives à des centaines de milliers de jeunes.
    • La montée en charge de ce dispositif va se poursuivre, jusqu’aux 350.000 emplois.
    • Nous devons d’ores et déjà nous préoccuper de l’avenir professionnel de ces jeunes à l’issue des cinq ans d’aide de l’Etat. Nous y travaillons. Un bon exemple de ce que nous voulons faire est la signature par le ministre de l’Education nationale, mardi dernier, de 7 accords-cadre avec des entreprises, offrant déjà près de 4.000 possibilités d’embauches en CDI.


  4. Nous allons lutter contre les licenciements économiques abusifs.

    • Rappelons d’abord que les licenciements économiques ont diminué depuis deux ans : de 40 % entre le 1er semestre 1997 et le 1er semestre 1999. Nous ne pouvons pour autant nous en satisfaire.
    • Nous avons en France une législation qui offre des garanties sur l’information et la consultation des salariés, avec l’exigence d’un plan social et des conventions de conversion pour les petites entreprises. Cette législation doit être appliquée. Ceux qui ne la respectent pas doivent être sanctionnés. Je le dis clairement : la loi de notre pays est celle de tous et personne ne peut s’y soustraire.
    • Des abus existent. Il faut y faire face. A cette fin, sans attendre, je propose trois orientations :

      • en premier lieu, je souhaite une modification du Code du travail afin de rendre obligatoire une négociation sur les 35 heures préalablement à la présentation de tout plan social. Cette disposition peut prendre place dans la loi sur les 35 heures ;
      • en deuxième lieu, je veux tirer les conséquences de ce constat qui nous a tous choqués : certains responsables d’entreprises envisagent de supprimer des emplois alors même qu’ils engrangent d’importants bénéfices. Il est inadmissible d’annoncer des bénéfices substantiels et en même temps de demander à l’Etat de payer sur fonds publics une partie des restructurations comportant d’importantes suppressions d’emplois ; nous veillerons à ce que les fonds publics, quels qu’ils soient, ne puissent être alloués dans de telles conditions ;
      • en troisième lieu, nous voulons instaurer un lien entre le montant des cotisations à la charge des entreprises et leur comportement en matière de licenciement économique. Pourquoi ne pas s’inspirer du mécanisme très ancien qui prévaut en matière d’accidents du travail et qui, par la modulation des cotisations, responsabilise les entreprises et les branches ? Nous souhaitons que les partenaires sociaux engagent cette démarche dans le cadre de l’UNEDIC. Le Gouvernement tirera les conclusions de leurs discussions.

2. Une croissance solidaire, c’est une croissance qui bénéficie à tous.


  1. Nous voulons favoriser le retour à l’emploi.
    Personne ne doit être dissuadé de reprendre un emploi salarié. C’est pourquoi nous engageons dès maintenant une réflexion sur la réforme des dispositifs existants, par la fiscalité directe notamment, pour maintenir la solidarité tout en valorisant le retour à l’emploi. Certaines mesures, telles que le maintien de l’exonération de la taxe d’habitation en cas de retour à l’emploi, pourront trouver une traduction dès le PLF 2000, en accord avec la majorité.

  2. Nous voulons lutter contre la précarité. Il nous faut réduire le nombre d’emplois précaires.

    • Il y a un an, la ministre de l’Emploi et de la Solidarité avait invité les branches professionnelles à négocier des accords pénalisant financièrement le recours excessif aux emplois précaires.
    • En l’absence de démarche entreprise en ce sens, il revient désormais au législateur d’intervenir. Le système de correction financière que le Gouvernement invitera le Parlement à mettre en place s’appliquera à défaut d’accord conventionnel agréé.
    • Un projet de loi sera proposé à cet effet afin d’être voté avant la fin de la session.

3. Une croissance solidaire implique un effort accru et généralisé de formation professionnelle.

La situation actuelle présente un paradoxe : le chômage reste important, même s’il diminue ; or il semble qu’apparaissent les premières difficultés de recrutement dans certains secteurs en expansion. Pour les salariés en général, les jeunes qui cherchent du travail, les personnes en situation de précarité qui veulent le retour à l’emploi, un effort d’amélioration du dispositif de formation professionnelle est donc déterminant.

A la suite du dialogue engagé avec les acteurs de la formation professionnelle, des premières mesures concrètes, réglementaires et législatives, seront prises dès le printemps 2000 dans le cadre d’un projet de loi portant diverses mesures d’ordre social :
  • pour améliorer le système de formation, par une réforme de la taxe d’apprentissage ;
  • pour une reconnaissance élargie des acquis de l’expérience professionnelle dans nos systèmes de diplôme et de certification.
Au-delà, l’ambition essentielle que nous poursuivons, c’est l’organisation d’un droit individuel à la formation tout au long de la vie, transférable en cas de changement d’entreprise, garanti collectivement.
  • Cela nécessite des discussions et une mobilisation des partenaires sociaux dans les prochains mois. Tous les acteurs seront réunis en 2000 pour tirer les leçons de ces discussions.
  • Le Gouvernement vous proposera l’année suivante de donner une traduction législative aux progrès réalisés.

II — POUR REUSSIR, NOUS NOUS DOTERONS DE NOUVEAUX OUTILS DE REGULATION.

La mondialisation ne rend pas les Etats impuissants. Les politiques économiques peuvent avoir un impact fort sur les évolutions économiques. C’est ce que nous avons montré depuis deux ans en matière de croissance et d'emploi. On peut dire que nous avons réhabilité, en France, la macro-économie. Faut-il à cet égard rappeler les instruments dont dispose l’Etat pour agir et que le Gouvernement a largement utilisés ?
  • le budget, qui par ses priorités, oriente l’activité économique ;
  • la politique fiscale, outil d’incitation économique et de justice sociale ;
  • la politique industrielle, qui permet d’améliorer la compétitivité de notre pays, y compris quand c’est nécessaire par des ouvertures de capital pour constituer des entreprises de taille européenne. A cet égard, nos choix ont été plus pertinents que ceux de nos prédécesseurs. Où en serions-nous aujourd’hui si Thomson Multimédia avait été vendu 1 franc à Daewoo, comme le proposait le précédent gouvernement ?
  • Des mesures comme les emplois jeunes, les 35 heures ont été aussi des atouts au service de la croissance économique.
L’Etat doit se doter de nouveaux instruments de régulation, adaptés à la réalité du capitalisme d’aujourd’hui.

La régulation consiste pour les autorités publiques à définir des règles du jeu, à lutter contre les concurrences déloyales, à organiser des recours. Elle passe par la loi, mais pas seulement par la loi.

Face aux évolutions, aux crises, c’est la mission de la gauche que d’inventer de nouvelles régulations : transparentes et démocratiques, nationales mais aussi européennes et internationales.

1. Cette régulation doit d’abord s’exercer dans le cadre national.

  1. L’économie de marché ne trouve pas spontanément l’harmonie. Elle a besoin, pour fonctionner efficacement, de règles du jeu.

    C’est pourquoi un projet de loi sur les nouvelles régulations économiques sera examiné en conseil des ministres à la fin du premier trimestre 2000 et voté avant l’été. Il traitera notamment des questions suivantes :
    • la limitation des pratiques commerciales abusives dans la distribution ;
    • la modification du droit bancaire et boursier, dont l’inadaptation a été soulignée par les récentes offres publiques d’achat ou d’échange (OPA, OPE) ;
    • le renforcement du droit de la concurrence et des concentrations ;
    • l’amélioration de l’information et de la consultation des salariés.

    Cette réforme des dispositifs de contrôle et de régulation doit également assurer au sein de leurs organes une meilleure représentation des parlementaires, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays.

    Ce projet devra prendre en compte les concertations en cours avec les acteurs concernés, notamment en vue des Assises de la distribution. Leur préparation est activement engagée : tenue d’une première table ronde entre les producteurs agricoles et la distribution, la semaine dernière. Une méthode, des groupes de travail, des thèmes ont été définis.

  2. Réguler, c’est aussi, pour l’Etat, exercer pleinement et efficacement son rôle d’actionnaire au sein des entreprises publiques.

    Ses représentants doivent pouvoir mieux y exercer leur mission. Un rapport sur ce sujet a été remis au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement entend améliorer " le rôle de l’État actionnaire ", en développant les missions, les moyens et la disponibilité de ses représentants.

    Parallèlement et pour l’ensemble des entreprises, le Gouvernement pense nécessaire, s’agissant des salariés actionnaires, de renforcer leur rôle, leurs moyens d’action et leur représentation.

  3. Réguler, c’est définir des normes dans les nouveaux secteurs d’activité.

    Les technologies modernes de l’information et de la communication sont la meilleure illustration de ce que j’évoquais à l’instant : l’économie de marché ne trouve pas spontanément son équilibre. Par notre volontarisme politique, depuis deux ans, nous avons permis à la France de rentrer dans la société de l’information.

    Pour la gauche, bâtir cette société de l’information est un vrai défi. Il y a, dans ce domaine, deux approches antagonistes. L’une qui voudrait qu’on laisse à quelques grands groupes privés le soin de déterminer les règles ; l’autre qui, en réunissant les acteurs privés et associatifs, privilégie le rôle de la puissance publique pour réguler avec eux ce nouvel espace de communication et d’échanges.

    Le Gouvernement présentera dés l’année prochaine au Parlement un projet de loi sur la société de l’information afin de regrouper les nombreuses adaptations de notre droit que l’essor de l’internet rend nécessaires.

  4. Réguler, c’est également maîtriser la loi du marché pour assurer la sécurité alimentaire et sanitaire.

    C’est une des priorités de l’action du Gouvernement.
    • Nos principes sont clairs et exigeants : transparence, mise en place d’une expertise indépendante, application du principe de précaution.
    • Nous avons été les premiers, en Europe, à confier la responsabilité de mettre en œuvre ces principes à une Agence de sécurité sanitaire des aliments.
    • Nous allons compléter le dispositif de veille sanitaire par la mise en place d’une Agence Santé environnement.


    J’ai noté que le groupe socialiste va très prochainement proposer au Parlement la création d’une commission d’enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France. C’est là une initiative positive. Le Gouvernement sera très attentif à ses conclusions.

2. La régulation doit être aussi européenne et internationale.

Dans toutes les instances internationales, le Gouvernement défend l’idée d’une régulation renforcée.

Comme je viens de le souligner aux Etats-Unis, devant l’Assemblée générale de l’ONU, la régulation est nécessaire pour organiser la mondialisation. Plus le monde se globalise, plus il a besoin de règles. Des problèmes globaux exigent des réponses globales. Le Gouvernement français contribue activement à cette meilleure organisation de l'économie mondiale.
  • Depuis deux ans, il entraîne dans ce sens ses partenaires européens. Je connais d’ailleurs la détermination de nos parlementaires à Strasbourg pour peser dans la même direction. Qu’il s’agisse de la croissance, de l’emploi, de l’harmonisation fiscale, de la coordination des politiques économiques ou des propositions de régulation à l’échelle internationale, ce gouvernement a été à la pointe du combat pour une forte régulation. La présidence de l’Union européenne, que la France assurera à partir du 1er juillet 2000, sera l’occasion pour nous de poursuivre dans cette voie.
  • Il est nécessaire de renforcer les règles commerciales multilatérales face à la tentation de l'unilatéralisme et aux risques de l'uniformisation des modes de vie et de consommation. L'Organisation mondiale du commerce doit, et peut, être l'instrument d'une véritable régulation du commerce international, comme le montre sa récente décision sanctionnant les mécanismes de défiscalisation pratiqués à l’exportation par les Etats-Unis. Nous défendrons fermement, dans les négociations qui s’ouvrent, nos valeurs, nos exigences dans le domaine des droits sociaux, du respect de l'environnement, de la protection de la diversité culturelle, de la sécurité sanitaire des aliments. A cet égard, soyons clairs : si nous sommes contre l’unilatéralisme —qui est la loi du plus fort—, nous devons être pour les organisations internationales et l’accroissement de leur rôle.
  • La régulation est aussi nécessaire pour renforcer la stabilité du système monétaire et financier international, en assurant une plus grande légitimité politique du FMI, en associant mieux les pays en développement à l'adoption de règles communes, en responsabilisant les opérateurs financiers privés quant aux conséquences de leurs décisions pour les pays en crise.
  • Le Gouvernement français y a contribué par ses propositions, et continue de le faire : ce week-end encore, lors des réunions du G7 et du FMI à Washington, le ministre de l’Economie et des Finances a proposé plusieurs mesures pour lutter contre les paradis fiscaux et bancaires. Nous prendrons des initiatives pour renforcer les règles en matière de lutte contre la criminalité financière, notamment le blanchiment des capitaux. Nous souhaitons des normes sévères et objectives, comportant des mécanismes de sanctions rigoureux contre les Etats et les territoires délinquants.

III — AFFIRMER DE NOUVELLES SOLIDARITES.

Ces solidarités doivent être sociales et territoriales.

1. Au plan social, je mentionnerai trois points.

  1. L’égal accès des femmes au travail.
    Catherine Génisson vient de me remettre son rapport. Elle va succéder à Dominique GILLOT en qualité de rapporteuse générale de l’Observatoire de la parité. L’application imparfaite de la loi Roudy du 13 juillet 1983 est un des constats les plus importants que le Gouvernement a retenus de son rapport. J’ai saisi le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. Des dispositions législatives seront nécessaires pour renforcer l’efficacité des dispositifs existants. Je sais que vous y réfléchissez vous-mêmes.

    Dans l’immédiat, et dans le cadre du débat sur les 35 heures, je suis favorable à ce que les accords ouvrant droit à l’aide structurelle comportent des engagements en matière d’égalité professionnelle.

  2. L’annulation de la dette fiscale des ménages affectés par une perte d’emploi.
    Afin de faire face à certaines situations de grande difficulté, j’ai demandé au ministre de l’Economie et des Finances de préparer la remise totale, c’est-à-dire l’effacement, des dettes fiscales restant dues par les ménages qui, affectés par une perte d’emploi, ont fait l’objet d’une procédure de surendettement.

    Cette mesure de solidarité concerne des milliers de familles
    en très grande difficulté qui verront, après examen de leur situation, s’améliorer leurs chances de réinsertion.

  3. Troisième point, la solidarité entre les générations par la consolidation de notre régime de retraites.
    Notre objectif est de consolider les régimes par répartition, qui sont l’un des fondements de la solidarité nationale et d’agir pour assurer l’équilibre des retraites à l’horizon 2020.

    Notre calendrier est clair. La phase de diagnostic a eu lieu. Nous sommes aujourd’hui dans la phase de concertation.

    Au début de l’année 2000, comme je l’ai annoncé, je préciserai les orientations générales du Gouvernement. Nos propositions sur la retraite s’inscriront dans une vision plus large : celle de la place et des problèmes des personnes âgées dans notre société. Nous serons en particulier très attentifs à leur insertion dans la vie sociale et à leur accompagnement lorsqu’elles sont en situation de dépendance.

    Dès maintenant, dans le PLFSS 2000, le Gouvernement a décidé d’abonder le fonds de réserve à hauteur de 15 milliards de francs. D’autres abondements seront décidés dans les mois qui viennent.

2. Les solidarités doivent également être territoriales.

Les territoires doivent être l’assise de solidarités renforcées
  1. Ce doit être le cas de la ville —je pense en particulier aux quartiers défavorisés.
    Le Gouvernement a décidé d’engager un programme de rénovation urbaine et de solidarité.

    Le ministre de l’Equipement et le secrétaire d’Etat au Logement préparent un projet de loi permettant d’aborder de façon globale les problèmes de la ville : urbanisme, habitat, transports.
    • Ce projet donnera aux collectivités locales les moyens d’assurer une meilleure cohésion sociale en réaménageant les centres des villes plutôt que de renvoyer les nouveaux logements à leur périphérie et en développant une offre de logements plus équilibrée.
    • Il renforcera leurs outils pour développer une politique de transport cohérente, plus appropriée aux contraintes de la vie quotidienne des citoyens et limiter la croissance du trafic automobile.


    Le ministre de la Ville coordonnera la réalisation sur cinq ans de cinquante " grands projets de ville ", combinant projet urbain, projet social et projet de revitalisation économique, dans les quartiers en difficulté.

    L’Etat mobilisera les moyens nécessaires pour donner une impulsion à ce grand projet, en relation avec les collectivités locales qui resteront les maîtres d’ouvrage de ces réalisations, et avec la Caisse des dépôts, dont le soutien à la politique de la ville sera accentué sur les sites concernés.

    Un comité interministériel des villes se réunira en décembre pour arrêter les modalités de cet ambitieux programme.

    Dans cet esprit, je vous indique que le Gouvernement est prêt à porter l’accroissement de la dotation de solidarité urbaine prévue au PLF de l’année prochaine de 200 à 700 MF.

    Ce programme de solidarité et de rénovation sera accompagné d’une action déterminée pour renforcer la présence et la qualité des services publics.


    • Dans cette perspective, il faut attirer, dans les quartiers en difficulté, plus de fonctionnaires compétents et motivés, en tenant compte des sujétions et des responsabilités particulières liées à l’exercice des missions dans le cadre de la politique de la Ville.
    • Les dispositifs incitatifs existants doivent être rendus plus lisibles et plus attractifs. Le ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat présentera, avant la fin de l’année, un programme d’actions permettant de relancer la dynamique engagée en 1991.
    • De manière générale, les services publics doivent être largement ouverts aux habitants de ces quartiers. Je pense en particulier aux jeunes, dont les succès au lycée et à l’université peuvent être encouragés par un dispositif renforcé de bourses qui allie critères sociaux et de mérite, à l’image de ce qui est déjà mis en place cette année dans le cadre du collège. Ce sera là un élément fort de la politique générale de lutte contre les discriminations et d’intégration républicaine à laquelle nous devons tous contribuer.


  2. Nous allons construire une politique globale pour la ruralité.
    Je veux l’illustrer à travers plusieurs thèmes qui vous préoccupent. Vous en parlerez longuement demain après midi.

    La ruralité, c’est d’abord la politique agricole et la politique agricole, c’est d’abord la production de richesses.

    • Face aux crises conjoncturelles — lait, fruits et légumes— le Gouvernement et le ministre de l’Agriculture ont réagi avec vigueur.
    • Nous appuyons par ailleurs notre politique sur des éléments plus structurels :
    • la loi d’orientation agricole (mise en place des contrats territoriaux d’exploitation, 10.000 seront signés avant la fin de l’année) ;
    • la réforme de la PAC (modulation des aides, qui était un de nos engagements) ;
    • une loi sur la modernisation forestière.
    • Sur tous les sujets qui les préoccupent, le ministre compétent et moi-même allons rencontrer les organisations agricoles représentatives, lors d’une table ronde le 21 octobre prochain.
    • Enfin, pour la troisième année consécutive, le budget 2000 marquera un effort significatif dans le sens de la revalorisation des petites retraites agricoles grâce à de nouveaux moyens budgétaires, à hauteur d’1,2 milliard de francs.

    La ruralité, c’est aussi des modes de vie. A ce propos, je voudrais dire un mot de la chasse. Sur la proposition de la ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, j’ai confié à François PATRIAT une mission d’études et de propositions. François PATRIAT travaille beaucoup, mène actuellement une concertation extrêmement active avec l’ensemble des partenaires concernés. J’attends de sa mission des propositions constructives. Nous aurons ensemble à voir comment les traduire dans notre droit d’ici la fin de la session.

  3. La solidarité, c’est aussi la volonté d’assurer une sécurité égale pour tous et partout.

    La sécurité quotidienne de nos concitoyens reste notre priorité.
    • 1.900 policiers et gendarmes supplémentaires seront affectés d’ici la fin de l’année 1999 dans les 26 départements où la délinquance est la plus forte ; (7.000 sur la période 1999/2001) ;
    • nous développons les contrats locaux de sécurité ;
    • la mise en oeuvre par le ministre de l’Intérieur de la police de proximité a commencé avec une expérimentation dans 67 sites et à Paris ; elle sera progressivement généralisée au cours des années 2000 et 2001. Un processus de fidélisation des unités mobiles permettra d’en accroître les moyens.


    Au cours des mois qui viennent, ces actions seront intensifiées tandis qu’un effort particulier sera engagé afin de :
    • rapprocher la police et la gendarmerie de nos concitoyens en consolidant leur relation de confiance : le projet de loi créant le conseil supérieur de déontologie de la sécurité devrait être voté par le Parlement au cours de la prochaine session ;
    • renforcer les garanties demandées aux entreprises privées exerçant une activité dans le domaine de la sécurité, avec le souci du respect des libertés individuelles et de la sûreté de tous : un projet de loi sera déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au cours des prochains mois.


  4. La solidarité doit enfin s’exercer en faveur du juste développement de l’Outre-mer.

    • En Nouvelle-Calédonie, la mise en place des institutions prévues par l’accord de Nouméa se fait normalement.
    • Pour la Polynésie française, le Gouvernement prépare une réforme institutionnelle.
    • Pour les départements d’outre-mer, le Gouvernement élabore une loi d’orientation, sur la base des rapports de MM. LISE et TAMAYA. Je présenterai, lors de mon prochain voyage aux Antilles, les grandes lignes retenues par le Gouvernement.


  5. Je veux enfin évoquer l’un des outils centraux de notre politique en faveur des territoires : les contrats de plan.

    • Lors du CIADT d’Arles, le Gouvernement a dégagé une enveloppe de 105 milliards de francs ;
    • une négociation approfondie est engagée par les préfets ;
    • à son terme, et compte tenu de l’évaluation des projets laissés à l’initiative propre des régions, nous déterminerons d’ici la fin de l’année les enveloppes définitives.

IV — POURSUIVRE LA MODERNISATION DE LA SOCIETE FRANCAISE.

J’ai évoqué tout à l’heure la modernisation de notre économie à travers des développements sur la régulation. Je voudrais parler maintenant d’autres champs de modernisation.

1. Moderniser notre démocratie.

Nous allons mettre en œuvre la parité.

Vous avez terminé la dernière session parlementaire en adoptant la révision constitutionnelle relative à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs. Il convient maintenant de la mettre en œuvre.
  • Un projet de loi sera déposé avant la fin de l’année au Parlement visant à imposer la parité chaque fois qu’est applicable un scrutin de liste : pour les élections municipales au dessus de 3.500 habitants, pour les élections régionales, pour les élections européennes et, à mon sens, pour les élections sénatoriales. L’objectif est bien, de manière générale, la parité. Sans doute y aura-t-il débat s’agissant des prochaines élections municipales, mais pour moi, la parité c’est 50 - 50.
  • Comment, par ailleurs, aller vers cette parité dans les scrutins uninominaux ? Pour les élections législatives, je souhaite que soit adopté le principe d’une modulation de l’aide publique en fonction du respect par chaque formation politique des seuils prévus par la loi.

Au début de l’année prochaine, vous achèverez la discussion du texte sur le cumul des mandats, réforme souhaitée par les Français. Nos propositions sont claires. Le Sénat et l’opposition de droite prendront leurs responsabilités. S’agissant des dispositions organiques applicables au Sénat, nous ne pourrons que prendre acte de ce qu’elles rendront possible. Ce ne sera pas un compromis, ce sera un constat.

Nous mènerons à bien, au cours de la session, la réforme des modes d’élection du Sénat, qui permettra de progresser dans le sens d’une meilleure représentativité démocratique.

Nous poursuivrons la réforme de la justice.

L’effort engagé ne se relâchera pas : projet de loi sur la présomption d’innocence, qui renforce les garanties de la personne, projet de loi sur l’action publique, qui entérine la suppression des interventions du Gouvernement dans le traitement des dossiers individuels par le Parquet. Après l’examen par le Sénat en octobre de ce dernier texte, plus rien ne devrait normalement faire obstacle à la convocation du Congrès pour l’adoption définitive de la loi constitutionnelle élargissant la composition et les attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature.

D’autres projets vous seront soumis, en particulier la réforme des tribunaux de commerce, qui offrira des garanties plus fortes de professionnalisme à nos entreprises. Là aussi, il faut moderniser pour mieux réguler.

Nous allons mener à bien la réforme de l’audiovisuel, afin de renforcer la place et les moyens de la télévision publique, et opérer dans les prochains mois les choix importants qui vont se présenter en matière de numérique hertzien.

Nous allons garantir enfin la transparence et la rigueur des décisions des pouvoirs publics en matière nucléaire.

Pour la première fois, le Parlement sera saisi, dès le début de l’année prochaine, sur le rapport de la ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, d’un projet de loi permettant de définir strictement les obligations des exploitants nucléaires à l’égard des salariés, de la population et de l’environnement. Cette loi apportera aussi de nouveaux droits à tous les citoyens qui souhaitent disposer d’une information fiable et complète sur le nucléaire.

2. Approfondir la décentralisation.

  • Nous avons largement engagé la modernisation de notre organisation territoriale (LOADT, loi sur l’intercommunalité).
  • Devons-nous, près de 20 ans après que la gauche a proposé et voté les grandes lois de décentralisation, engager une nouvelle étape ?
  • Le Gouvernement est naturellement favorable à cette réflexion. C’est pourquoi je propose la mise en place d’une commission pluraliste composée notamment des représentants des grandes associations d’élus et, bien sûr, de parlementaires, pour que cette question soit traitée dans tous ses aspects et en toute clarté.

3. Mettre le droit en phase avec les évolutions de la société, ouvrir de nouveaux droits.

Dans le cours de mon intervention, j’ai déjà évoqué certains de ces nouveaux droits : droits des salariés, droits des consommateurs, droits des producteurs, droits des usagers. Je voudrais ici évoquer d’autres champs.

La famille constituera un grand chantier de réflexion puis de propositions des prochains mois.

  • Comment mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale ? Des dispositions sont prévues en ce sens par le projet de loi sur les 35 heures, notamment en matière de temps partiel. Au-delà, il conviendra de procéder à un réexamen global de toutes les prestations en ce domaine, en vue de la prochaine conférence de la famille, au printemps prochain.
  • Comment mieux prendre en compte les questions soulevées par l’évolution des structures familiales, et notamment par la multiplication des familles recomposées ? Une série de consultations va être engagée avant de présenter à la conférence de la famille les grandes lignes du projet de loi de modernisation du droit de la famille qui sera soumis au Parlement au début de 2001.
La grande loi informatique et libertés doit être aujourd’hui réformée afin que les évolutions intervenues depuis son adoption en 1978 ne mettent pas en cause le niveau de protection juridique des personnes. Un projet de loi sera déposé au Parlement début 2000.

S’agissant des langues régionales,
je réitère ma détermination de mettre en œuvre l’ensemble des engagements pris par le Gouvernement au moment de la signature de la Charte des langues et cultures régionales, dont je regrette qu’elle n’ait pu être ratifiée.

L’évolution de la médecine et des biotechnologies soulève des problèmes éthiques nouveaux. C’est dans ce sens que j’ai demandé au Conseil d’Etat un rapport sur la révision des lois sur la bioéthique qui me sera remis à la fin du mois de novembre 1999. Il sera procédé l’an prochain à cette révision.

Les droits des malades
. A l’occasion des Etats Généraux de la Santé qui se sont clos au mois de juin 1999, les Françaises et les Français ont exprimé un message fort sur les conditions de prise en charge de leur santé. Nous en tenons compte. Un projet de loi de modernisation du système de santé sera débattu l’année prochaine. Il concernera notamment les droits des malades, et en particulier le droit à l’information, le droit au consentement, le droit à la dignité ainsi que l’accès au dossier médical.

Bien sûr, je n’oublie pas que le PACS sera adopté définitivement dans les tout prochains jours par l’Assemblée nationale. Il nous reviendra de le mettre en oeuvre rapidement.

Cher(e)s camarades,

A travers l’ensemble de ces orientations, de ces projets, vous voyez que notre tâche reste considérable.

Ce travail, nous le conduisons ensemble, dans cette construction politique novatrice qu’est la majorité plurielle, sans refuser aucun débat mais en restant unis sur l’essentiel ; nous l’avons démontré à travers les grandes réformes d’ores et déjà votées au Parlement.

Ce travail, nous le menons autour de nos valeurs ; celles-ci inspirent toutes nos priorités : la croissance pour l’emploi, la solidarité et l’intégration, la régulation, la modernité politique.

Pour la première fois depuis longtemps, la gauche, plus de deux ans après son arrivée aux responsabilités, n’est pas contrainte de faire une " pause " ou de consentir je ne sais quel " tournant ". Bien au contraire, elle est prête à approfondir et à élargir son action.

Pour une gauche qui gouverne, qui réforme et qui veut la transformation sociale, l’alternative n’est pas l’échec ou le reniement. Dans la fidélité à elle-même, elle veut réussir pour notre pays.

Concluant ma déclaration de politique générale, le 19 juin 1997, j’affirmais : " La réussite sera l’oeuvre de tous. Ses fruits doivent être partagés. Cette réussite nécessitera du temps et de la persévérance. Elle s’inscrira dans la durée, celle du mandat de législature que le peuple nous a confié. Il n’y aura ni pause, ni recul, ni reniement. "

De la force de cet engagement, vous pouvez aujourd’hui être sûrs.

De la force de cet engagement, nous pourrons demain être fiers.


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