Discours de |
Je voudrais d'abord saluer chaleureusement François Hollande, le premier secrétaire du parti socialiste ; je remercie Maxime Bono, député-maire de la Rochelle pour son accueil ; et parmi les élus nouveaux, issus de ses élections municipales contrastées, je voudrais désigner à votre attention - que les autres me pardonnent - Bernard Grasset, nouveau maire de Rochefort. Puisque je parle des nouveaux maires à l'issue de ces élections municipales, dont on a beaucoup parlé, il me semble qu'il est normal de saluer de nouveaux venus dans notre université d'été et tout particulièrement un qui était avec vous, il y a encore quelques jours, enfin quelques heures, Gérard Collomb, et un qui est là ce matin avec nous, le maire de la capitale de la France, Bertrand Delanoë. Ce n'est pas qu'il soit enfant du pays - je crois même qu'il passe ses vacances beaucoup plus au Sud que moi - mais outre le symbole que ce maire, représentant de son équipe, soit avec nous ce matin, je crois qu'il faut saluer la lourde tâche qu'il aura de réhabiliter la gestion municipale, de redonner de l'éclat et de la transparence à la gestion de la première ville française après l'héritage que lui laissent ses deux prédécesseurs. Je félicite toutes celles et ceux qui, depuis plusieurs mois ont préparé cette université pour en faire un tel succès : Henri Weber, secrétaire national à la formation et à la culture et avec lui tous les militants socialistes, en particulier Roland Beix, le premier secrétaire fédéral de cette fédération et toutes les militantes et militants de la fédération de Charente-Maritime pour qui je suis désormais une sorte de militant d'honneur. Je suis ravi de vous voir tous nombreux et en particulier les ministres, membres du Gouvernement, les parlementaires, y compris les plus éminents, les élus et les militants. Puisque je parle des élus et des militants, je voudrais aussi souhaiter bonne chance aux hommes et aux femmes qui vont nous représenter dans les prochaines élections sénatoriales. Mardi dernier à la télévision, j'ai quelque peu anticipé sur notre habituelle rencontre et je pense que vous me l'aurez pardonné. Je me suis exprimé en tant que Premier ministre devant tous les Français pour leur apporter les réponses du Gouvernement aux attentes et aux préoccupations qui sont les leurs. Parce que dans cette rentrée plus incertaine au regard de la conjoncture économique mondiale où un certain nombre de questions se posent dans notre pays, j'ai constaté - du moins à écouter les médias - que les questions qu'ils adressaient, ils les adressaient au Gouvernement et à personne d'autres. Parce qu'ils sont conscients que nous assumons la responsabilité de la maison France depuis quatre ans et que nous sommes prêts à continuer à le faire si vous êtes d'accord. J'ai trouvé normal de faire la rentrée avec eux. Ce matin, devant vous, mon propos clôt plusieurs journées de débat et prendra la forme d'un échange politique avec vous, à la veille d'échéances électorales importantes. Ce moment, vous le sentez bien, a pour moi une force particulière. C'est la 5ème fois que je prononce comme Premier ministre le discours de clôture de l'université d'été du parti socialiste et c'est aussi la dernière. Je le fais avec émotion en raison des liens nombreux qui nous unissent. Je le fais avec fierté pour ce que nous avons accompli ensemble. Je le fais avec espoir pour tout ce qui nous reste à faire. Si j'en juge par la chaleur, la détermination, mais aussi la sorte de sérénité qui s'exprimait, hier soir, lors du banquet joyeux que nous avons pris ensemble, nul ne peut douter que le moment venu nous serons prêts, et que ce parti socialiste saura montrer sa force, sa maîtrise et son imagination. Cette université d'été est en tout cas la dernière avant les échéances politiques de 2002. C'est donc un bon moment pour mesurer le parcours politique de la gauche au pouvoir depuis 1997. Je sais que certains prétendent à droite que les bilans n'ont rien à faire avec les élections et qu'il suffirait de voltiger d'engagements oubliés en promesses renouvelées. J'ai même entendu un Premier ministre - pour ne pas le cacher : Alain Juppé - affirmer que l'actuel Président ne saurait pas " sortant " en 2002. Je pense qu'il n'avait pas bien mesuré la cruauté de ses paroles. Nous, nous aurons un bilan à présenter aux Français, un bilan avec ses forces et ses faiblesses mais dont nous pourrons raisonnablement être fiers. Parce que nous avons su affronter la réalité, la transformer souvent, sans rien renier de nos valeurs et de nos engagements, parce que nous aurons aussi dans cette tâche, partout où nous avons pris des responsabilités, essayer de donner le meilleur de nous-mêmes. Et parce qu'on mesure bien le chemin parcouru en prenant en compte le point de départ, revenons ensemble sur l'action que nous avons conduite depuis la victoire, le 1er juin 1997, de la majorité plurielle. On nous avait tout aussitôt prévenu que le budget 1998 était impossible à faire. Nous l'avons fait et nous avons ensuite, sans infliger la rigueur aux Français, su maîtriser les comptes publics. On nous disait que la France ne pourrait pas se qualifier pour l'euro - ou alors au prix des plus grands sacrifices. D'ailleurs la droite avait préparé à cet effet une purge si vigoureuse que pour avoir les mains libres, elle a voulu brusquer les élections en 1997. Nous avons fait l'euro sans la purge et même avec la plus forte croissance que la France ait connue depuis longtemps. Il nous reste à assurer sans encombre le passage complet à la nouvelle monnaie. On attendait sur le front du chômage que nous nous cassions les dents comme les autres avant de nous résigner. Nous ne nous sommes jamais résigné. Le taux de chômage est passé de 12,6 % à 8,9 %. On moquait les emplois-jeunes : le chômage des jeunes a diminué de 40 %. Nous comptons un millions de chômeurs en moins. Aujourd'hui au moment où la croissance mondiale ralentit et où les chiffres du chômage sont pour le troisième mois consécutif à la hausse - même s'il faut faire la part des circonstances particulières de l'été - nous sommes plus que jamais mobilisés. J'y reviendrai dans un instant. On nous assénait que les 35 heures ruineraient la compétitivité des entreprises françaises. Nous avons fait les 35 heures, l'économie française a connu quatre années de croissance forte. Les investissements internationaux dans notre pays continuent à progresser. Témoin de notre bonne compétitivité, notre commerce extérieur est en excédent. Et surtout, les 35 heures ont atteint leur objectif de créations d'emplois : déjà 360 000 emplois grâce à elles. Des millions de Françaises et de Français ont gagné, grâce à ce qu'on appelle maintenant dans ce pays " les jours RTT ", du temps libre, une autre façon de vivre sa vie, du temps pour les amis, du temps pour l'engagement, du temps pour soi, pour se cultiver ou pour aimer. Ce temps libre supplémentaire n'est-il pas une nouvelle façon de résister à l'emprise du marché que tant dénoncent par ailleurs ? On nous disait que nous devrions abandonner toute ambition de progrès social : la mondialisation nous ferait entendre raison. Nous avons au contraire prouvé qu'il était possible de rechercher l'efficacité économique sans renoncer au progrès social. La loi contre les exclusions, la couverture maladie universelle, l'allocation personnalisée à l'autonomie en ont porté témoignage. Russie, Asie du Sud-est, souvenez-vous des crises financières. A chaque fois on nous expliquait que c'était fini, que nous avions " mangé " notre pain blanc. Chaque fois, jusqu'à présent nous avons franchi le " trou d'air ". Chaque fois, nous nous en sommes tiré mieux que nos voisins. C'est encore vrai aujourd'hui même si nous devons rester très réactifs face aux évolutions de la conjoncture. Grèves, mouvements sociaux, crises de l'essence, crise de la " vache folle ", combien de fois avons-nous lu : " premier véritable écueil pour le Gouvernement ", les " vraies difficultés commencent " ? Nous nous sommes efforcés de les régler - ces difficultés réelles - une à une par un travail attentif et patient. Les Français ont continué de nous témoigner une confiance raisonnable. On nous expliquait que nous ne saurions pas débloquer la société française. Et elle était pour une part, c'est vrai, traumatisée par la brutalité du gouvernement précédent. Mais on nous disait que de toutes façons les Français resteraient crispés et négatifs. Eh bien nous avons débloqué la société française et nous l'avons remise en mouvement parce que nous l'avons aidée à retrouver confiance en elle-même. Nous y sommes parvenus parce que nous avons respecté les Français en tenant nos engagements - ceux du pacte républicain, ceux du pacte de développement et de solidarité que nous avions passés avec eux en gouvernant autrement et en retrouvant le chemin de la croissance -, en réhabilitant la réforme - la parité, le personnel, le quinquennat, la réforme de l'IVG, l'accès au Norvelo, les réformes du droit de la famille et de la justice, la limitation du cumul des mandats même amputés par la droite, l'indépendance de la justice même limitée dans son ampleur. La réponse de l'Etat et de l'intercommunalité, les mesures en faveur de l'environnement, les nouvelles propositions pour la décentralisation. Le débat sur la décentralisation semble revenir dans la discussion politique et on entend ceux qui ont voté contre les grandes lois de 1982-1983, ceux qui se sont opposés aux nouvelles mesures de notre gouvernement essayer de reprendre à leur compte le thème de la décentralisation. Moi, je voudrais porter à votre attention une nouvelle, tombée récemment, et qui ne me semble pas avoir eu tout l'écho qu'elle méritait. J'ai appris comme vous sans doute que Mme Alliot-Marie, président du RPR, avait nommé elle-même tous les représentants départementaux de son parti. C'est-à-dire que le principe de l'élection qui est au cœur même de la démocratie continue à ne pas fonctionner au sein d'une formation politique qui aspire à regouverner la France. Oui, je crois que François Hollande avait raison de parler de nostalgie bonapartiste et il paraît quand même difficile de faire confiance en matière de décentralisation à ceux qui ne sont même pas capables de laisser une élection fonctionner au niveau départemental. On avançait que la majorité plurielle ne tiendrait pas la distance et que nous ne durerions pas. Le Gouvernement n'a jamais été en minorité et nous avons même montré qu'il n'y avait pas de fatalité de l'usure d'un gouvernement. Cela est évidemment important pour la gauche au pouvoir mais c'est peut-être aussi important pour la France. On nous prévenait encore : soit vous vous résignerez à la gestion, soit vous échouerez en mettant en oeuvre ce que la droite appelle notre "idéologie". Nous sommes restés fidèles à nos valeurs. Nous avons montré que l'on pouvait être animé de convictions sans être figés dans des certitudes, que l'on pouvait déployer une volonté politique sans céder au dogmatisme, tout en prenant en compte les exigences de la réalité, en évoluant quand cela était nécessaire. Nous sommes restés fidèles à notre identité socialiste. Nous avons montré ce qu'est une politique économique et sociale de gauche et moderne. Une politique fidèle aux fins qui sont depuis toujours celles de la gauche : la croissance, l'emploi pour tous, la justice sociale, la réduction des inégalités, la progression du pouvoir d'achat. Une politique moderne qui pour mieux servir ses fins adapte ses moyens au monde et à l'économie d'aujourd'hui. Une politique volontariste qui continue de s'appuyer sur un Etat actif, en particulier dans le domaine industriel avec l'essor des nouvelles technologies de l'information ou le regroupement d'entreprises pour former des groupes français de taille mondiale, ou européens de taille mondiale, capables d'affronter la concurrence internationale. Je voudrais dire aussi ma fierté de ce que nous avons fait en faveur des femmes. Nous avons fait voter la loi du 9 mai 2001 sur l'égalité professionnelle, nous avons fait voter la réforme relative à l'IVG et à la contraception, nous poursuivons notre combat contre la violence - toutes les violences faites aux femmes : la détermination du gouvernement contre la traite des femmes est totale. Il tirera toutes les conclusions qui s'imposent y compris sur le plan de la loi pénale de la mission parlementaire en cours. Un projet de loi de ratification de la convention de Palerme sur la lutte contre la criminalité internationale et la traite des êtres humains sera présenté en Conseil des ministres à la fin de l'année. Nous avons inscrit la parité dans la Constitution et je suis sûr que nous montrerons une nouvelle fois l'exemple, l'an prochain, lors des élections législatives en désignant de nombreuses candidates en mesure de gagner. Nous pouvons être fiers aussi d'avoir ouvert de nouveaux droits aux Français : le Pacs, le congé paternel, l'allocation personnalisée à l'autonomie, la validation des acquis professionnels, et bientôt le renforcement des droits des malades et la mise en place de la commission nationale pour l'autonomie des jeunes. J'entends qu'on nous presse, notamment à gauche de faire plus. Et nous le ferons, graduellement. Mais ne sommes nous pas, nous gouvernement, le plus à gauche de toute l'Europe, de tous les pays industrialisés ? Et n'avons nous pas mené cette politique de gauche, sans rompre avec l'indispensable réalisme qu'implique pour ceux qui gouvernent, le rude monde d'aujourd'hui, au risque sinon de s'y briser ? Cela, nous l'avons accompli en travaillant à insérer notre pays dans le courant de la modernité - je pense en particulier à l'effort déployé dans le domaine des nouvelles technologies - en affrontant la réalité, celle de la mondialisation, mais en ne s'y résignant pas. En effet, chers camarades, nous avons la volonté de peser sur le cours du monde. La France ne vit pas à l'écart du monde. Comme toutes les grandes nations, elle est ouverte sur l'extérieur ; elle est la quatrième puissance commerciale de la planète, elle a des responsabilités politiques sur la scène internationale, elle a besoin de ces échanges avec ses partenaires pour alimenter sa croissance comme pour assurer son rayonnement. Pour notre pays, l'autarcie ou le repliement, auquel nous conduiraient nécessairement les mesures préconisées par certains, est impossible. Mais en même temps, la dilution dans la mondialisation serait inacceptable. Attachée à son identité, à sa culture, à ses modes de vie, la France sait que son avenir passe aussi par son influence dans le monde. Ce monde, quel est-t-il ? Il est désormais, dit-on, " globalisé." Par le mouvement des techniques, la vitesse des informations, la circulation des capitaux, les frontières s'estompent et les distances s'amenuisent. Le temps s'accélère. C'est cette unification du monde que l'on appelle " mondialisation. " Cette mondialisation est une réalité mêlée. Elle crée de la richesse, mais fait naître des inégalités croissantes ; elle favorise la croissance mais menace l'équilibre de la planète : les ressources naturelles sont exploitées à un rythme tel que le développement des générations futures peut s'en trouver menacé. Elle favorise la découverte de la diversité des hommes, des sociétés et des cultures ; mais à mesure que se profile la domination d'une seule et unique " culture " globale, elle fait courir le risque de l'uniformisation et entraîne des replis identitaires. Elle libère des énergies, celle de la création, de l'innovation, mais fait courir le risque d'un hypercapitalisme. Or la mondialisation libérale n'est pas une fatalité. Les lois de l'économie ne sont pas des lois de la physique. Ce sont des intérêts économiques et des forces politiques qui font la mondialisation, c'est-à-dire, au bout du compte, des hommes. Mais ce que des hommes font, d'autres hommes peuvent le changer ou le maîtriser. Le sens de la mondialisation dépendra donc de ce que nous ferons. Nous devons donc affronter lucidement la mondialisation ; et pour cela, d'abord, la comprendre. Nous sommes socialistes. Notre vision est internationale. Nous sommes pour un partage des richesses et pour que les pays du Sud trouvent toute leur place dans le commerce international. Nous sommes aussi pour que les questions qui engagent toute l'Humanité et son sort ultime, soient discutées aussi au niveau mondial, aux Nations-Unies en particulier. Nous sommes favorables à l'émergence d'une opinion publique mondiale. Nous sommes attachés au développement d'une justice pénale et internationale, et nous y avons travaillé dans les instances internationales. Nous ne sommes donc pas contre toute mondialisation mais nous voulons une autre mondialisation. Pour la construire, nous devons nous appuyer sur l'Europe. Une Europe forte, faisant vivre son modèle de civilisation. C'est pourquoi j'ai voulu récemment rappeler que l'Europe est un projet politique avant d'être un système institutionnel, un " contenu " avant d'être un " contenant. " Elle est une communauté de valeurs, un espace de solidarité économique et sociale, un acteur décidé à jouer tout son rôle dans le monde. Du moins doit-elle aspirer à l'être. D'un même mouvement, au fond comme vous, je suis attaché à l'originalité de la France, à l'affirmation de l'Europe et à l'organisation du monde. Nous pouvons compter sur une prise de conscience internationale. Et je me réjouis du débat qui est né à travers la planète. Il est le fait d'intellectuels, d'universitaires, d'étudiants, de syndicalistes, parfois de paysans. Sont-ils vraiment des " anti-mondialisation ", comme on le lit ou comme on l'entend souvent ? Ils sont eux-mêmes, en un sens, une expression, mais c'est vrai, une expression critique de la mondialisation ; ils forment une nouvelle réalité internationale qui utilise d'ailleurs les outils de son temps - je pense à l'Internet. Ils proposent au fond une autre mondialisation qui tienne compte du développement des pays du sud, de la protection de l'environnement, des droits du travailleur, des attentes du consommateur, de la diversité culturelle, de la qualité de l'alimentation. Mais, socialistes, nous n'avons pas l'impression de nous battre pour autre chose. Nous agissons dans le même but : celui, ancré au coeur de notre identité, de la maîtrise collective de notre destinée. Cet effort de maîtrise collective porte un nom : la régulation. La mobilisation internationale des ONG est utile ; elle est sans doute même nécessaire mais elle ne peut, à elle seule, construire la régulation dont le monde a besoin. Celle-ci requiert aussi l'engagement des peuples souverains à travers les Etats et les organisations internationales. Plus le monde se globalise, et plus il a besoin de règles. C'est ce que défend dans les instances internationales, le Gouvernement que je dirige depuis 1997. C'est nous, et personne d'autre, qui avons mis fin à l'AMI - vous vous souvenez -, après cette déclaration du refus de la France que j'ai faite à l'Assemblée nationale. L'AMI, nom étrange, pour cet accord qui remettait en cause la souveraineté des Etats dans leur politique économique, sociale, culturelle et éducative. Nous sommes à la pointe de l'action contre la criminalité financière, les paradis fiscaux et le blanchiment d'argent. Et, je l'ai dit, nous sommes prêts à engager une initiative européenne sur la taxe Tobin. La régulation que nous voulons passe par un cadre stable pour l'économie mondiale, qui prévienne les crises financières ; des règles équitables pour le commerce, qui ne sacrifient pas le développement et le progrès social ; un partage des richesses plus harmonieux ; la préservation de notre environnement - d'où l'importance de l'engagement de Kyoto et de l'accord de Bonn - ; la protection de la diversité des cultures. Or pour réaliser ces grands objectifs à l'échelle internationale, on voit bien qu'il faut refuser, critiquer, tout en dialoguant avec nos amis américains, le nouvel unilatéralisme des Etats-Unis. Mais celui-ci n'est-il pas au fond un avatar du "souverainisme" que certains en France voudraient nous proposer comme solution ? Chers camarades, nous ne voulons pas seulement un monde plus juste ; nous voulons un monde en paix. Et vous comprendrez qu'aujourd'hui, ma pensée aille vers le Proche-Orient, où la situation est si grave. Après l'immense espoir soulevé par les pourparlers de Camp David, les peuples israélien et palestinien s'entre?déchirent à nouveau. Le nombre des victimes s'alourdit chaque jour. J'ai moi-même reçu à Paris le Président de l'Autorité palestinienne, puis le Premier ministre israélien. J'ai rappelé à tous deux la condamnation sans appel par la France du terrorisme, mais aussi l'impératif de restauration de conditions de vie dignes pour la population palestinienne. J'ai insisté sur le fait qu'un cessez-le-feu, pour être durable, devait s'inscrire dans une perspective politique. La voie menant à une désescalade et à une reprise du dialogue est connue. Elle a été tracée par la commission Mitchell et approuvée par la communauté internationale. On n'arrêtera pas la spirale de la violence sans revenir au principe de l'échange de la terre contre la paix, fondement même des accords d'Oslo. Les Palestiniens doivent confirmer leur engagement solennel à respecter la sécurité d'Israël. Israël doit accepter de comprendre, dans son intérêt même et pour son avenir au Proche-Orient, qu'une paix véritable suppose l'avènement d'un Etat palestinien indépendant et viable. On ne pourra pas rester les bras croisés si Palestiniens et Israéliens se précipitent vers le gouffre, en entraînant avec eux toute la région. La communauté internationale s'est déjà exprimée l'an dernier lors du sommet de Charm-El Cheikh. Elle devra manifester de façon plus nette et plus forte sa volonté d'agir pour empêcher que le drame israélo-palestinien ne tourne à la catastrophe. Mais c'est à l'échelle de la planète tout entière que nous devrons promouvoir la paix : le désarmement, la prévention des crises, le respect des droits de l'Homme, la montée en puissance d'une justice pénale internationale. C'est à cela que le Gouvernement consacre tout naturellement ses efforts. Organiser la mondialisation dans le sens du droit et de la justice : voilà ce que nos peuples attendent de nous ; voilà comment nous construirons le monde que nous voulons laisser à nos enfants. Chers camarades, je le disais en commençant, je vis cette Université d'été avec une émotion particulière. Mais cette émotion n'est pas de celles qui conduisent à la mélancolie ou qui détournent de l'action. Je reste mobilisé. Nous devons tous rester mobilisés. Le Gouvernement continuera à travailler au service des Français. D'abord pour la croissance et l'emploi. Pour le troisième mois consécutif, le chômage est à la hausse et en juillet plus fortement. A l'occasion de cette hausse, peut-être parce que nous avions accompli des pas considérables, certains semblent "redécouvrir" le chômage. Nous, non. La baisse considérable du chômage intervenue depuis 4 ans ne nous a jamais fait oublier que celui-ci restait le problème social numéro un. Aujourd'hui, plus que jamais, ma mobilisation contre le chômage doit être générale. Nous soutenons la croissance par la baisse d'impôts, par la prime pour l'emploi qui donne des revenus à des catégories sociales parmi les moins favorisées - salariés avec faible salaire -, par l'allocation de rentrée scolaire. Notre politique fiscale est adaptée à la conjoncture car elle donne du pouvoir d'achat et soutient la demande. Elle est de gauche. Nous mobilisons tous les outils de la politique d'emploi : programme TRACE, CES, contrats de formation et de requalification. Car en même temps qu'il y a ces nouvelles tensions sur le chômage, dues à l'affaiblissement du rythme de la croissance, on sait pertinemment, notamment dans les secteurs professionnels, qu'il y a des besoins d'emplois, que l'on recherche des salariés. Et donc nous avons insisté davantage sur la formation professionnelle et la capacité de faire passer, en cas de plans sociaux, les hommes et les femmes qui ont des qualifications vers d'autres secteurs où ils pourraient être accueillis. Nous allons rendre plus aisé le passage aux 35 heures pour les PME de moins de 20 salariés. Nous le faisons pour que les 35 heures soient un succès économique et ensuite un succès social, afin qu'elles créent, au bout du compte, le plus d'emplois possibles. Nous allons créer 40 000 emplois à l'hôpital à l'occasion du passage aux 35 heures. Et c'est emblématique pour nous, même si c'est aussi surtout indispensable pour ce secteur, de savoir que nous faisons cet effort pour l'hôpital, où je sais combien les conditions de travail des personnels sont exigeantes. L'hôpital qui, en France, pour nous tous, symbolise à la fois l'excellence des soins et l'égalité devant la santé. Nous sommes vigilants et actifs sur le front des plans sociaux. C'est vrai qu'il y a eu, récemment, une vague de plans sociaux qui a touché toutes les économies développées et donc la nôtre : Moulinex, AOM-Air Liberté en sont les derniers exemples. Chaque plan social est un choc pour les salariés concernés et leur famille. C'est pourquoi le Gouvernement met tout en oeuvre pour éviter ces drames, travaille en amont comme en aval. Et lorsqu'ils surviennent malgré tout, pour trouver des solutions au cas par cas pour les salariés, nous mobilisons toutes nos forces. Je veux à cet égard saluer le travail exemplaire accompli sur le dossier d'AOM-Air Liberté par le Gouvernement, et en particulier par le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot, à qui les circonstances de mon interrogation à la télévision, ne m'avaient pas permis de rendre hommage. Mais ne noircissons pas le tableau. La France continue de créer plus d'emplois qu'elle n'en perd : 200 000 de plus depuis le début de l'année. Et les licenciements économiques ont baissé de près de moitié en quatre ans. La loi de modernisation sociale, votée par l'Assemblée nationale et qui sera examinée par le Sénat en octobre, nous permettra d'aller plus loin : les salariés doivent avoir vraiment leur mot à dire sur les stratégies des entreprises pour éviter les licenciements ; les procédures de reclassement et de réindustrialisation des bassins d'emplois seront renforcées. Dans le même temps, nous nous mobilisons contre l'insécurité. L'insécurité est un fléau et une inégalité grave. Elle frappe de nombreux Français, et d'abord les plus modestes d'entre eux, ceux dont les conditions de vie sont déjà les plus difficiles. Ce phénomène est ancien. Il s'est développé au milieu des années 70, notamment sous l'effet du chômage de masse, d'une urbanisation incohérente, de la dislocation de nombreuses familles, d'une perte des repères et d'une crise de l'autorité. Mais il est vrai qu'il a pris au cours de cette dernière décennie une dimension nouvelle et alarmante. La violence affecte toutes les sphères de la société : l'école - jadis sanctuaire -, le sport - discipline de convivialité et de fraternité -, les services publics, les transports en commun, les pompiers, les hôpitaux - pourtant au service de chacun. L'actualité le montre à nouveau aujourd'hui à Béziers où un forcené a tué le chef de cabinet du maire de la ville - et je pense à sa famille -, tiré sur les policiers et a dû être abattu, de façon à ce qu'il n'y ait pas de nouvelles victimes innocentes. Face à ces dérives, le Gouvernement a défini de nouveaux outils - la police de proximité, les contrats locaux de sécurité, les structures particulières pour les jeunes -, a mobilisé tous les ministères concernées et a dégagé des moyens humains et matériels très importants pour encourager les policiers et les gendarmes dans leurs tâches. Reste que les actes délictueux renvoient de manière irréductible à la responsabilité individuelle de ceux qui les commettent ou, pour les très jeunes, et notamment ces moins de 13 ans dont on nous parle, à la responsabilité de leurs parents. Le Gouvernement restera totalement déterminé dans l'engagement des moyens de l'Etat dans la lutte contre l'insécurité. Il attend aussi de chacun - parents, éducateurs, élus - qu'il prenne sa part d'une mobilisation indispensable. Il attend d'ailleurs aussi de chaque mouvement ou de chaque groupe, de chaque organisation dans la vie sociale, que dans les choix de ses modes d'action, et même pour des objectifs qu'il juge légitimes, qu'il respecte la loi, qu'il respecte la règle, qu'il ne s'arroge pas le droit de trancher à la place des autres, parce que sinon, c'est constamment des exemples d'incivisme qui sont donnés, justement, à ceux dont par ailleurs on condamne la tentation de la violence. L'ampleur de la tâche n'entamera pas notre détermination. Quant à la droite, qui n'a jamais été efficace dans ce domaine, elle agite aujourd'hui des propositions inacceptables et inapplicables. Comment peut-on à la fois prétendre vouloir instaurer ou restaurer l'autorité de l'Etat, et, dans le même temps, préconiser de créer des polices municipales, c'est-à-dire de suggérer devant les Français que l'Etat lui-même renonce à sa responsabilité et à ce qui a toujours été dans les Etats modernes, y compris démocratiques, la prérogative de l'Etat : un pouvoir régalien, la puissance légitime de la force face à la violence illégitime ? Qu'on ait un peu de cohérence du côté de la droite, à tous les niveaux. Nous assumerons nos responsabilités, mais nous ne suivrons pas la droite sur le terrain de la surenchère démagogique. Nous avons, pendant ces années, fortement réduit le chômage sans démanteler la protection sociale. Je suis convaincu qu'à terme, nous pourrons faire reculer l'insécurité sans renoncer à la liberté. Mes chers camarades, au-delà de l'action au service des Français, nous devons veiller à notre mobilisation politique. Et le combat à venir contre la droite doit être une préoccupation constante des forces de gauche. L'opposition de droite n'épargne aucune critique à la gauche. L'heure est maintenant venue, pour les partis de la gauche plurielle, de ne plus ménager la droite dans le débat politique. Dressons-nous contre le discours défaitiste et anxiogène que tient la droite. La droite utilise le discours de la peur, parce que cela sert sa conception du pouvoir. Une conception autoritaire, et autoritaire parce que déresponsabilisante ; une conception paternaliste, et paternaliste parce qu'infantilisante. Les plus hauts responsables de la droite caricaturent les Français et la France. Ils utilisent un discours démagogique : sur la sécurité, sur la Corse, sur l'évolution économique. La France, les Français méritent mieux que cette opposition stérile. Ils ont besoin d'un discours de lucidité, de confiance et de responsabilité. La droite ne craint pas l'incohérence. Elle la cultive. On le voit bien dans le cas de la Corse. Elle nous demande un référendum en Corse, alors que chacun sait qu'un tel référendum local, dans une région, pour deux départements, est inconstitutionnel. Et alors qu'on connaît par ailleurs très bien le sentiment des Corses - ils sont contre l'indépendance et pour le maintien dans la République - elle nous demande de dissoudre l'Assemblée de Corse. Ce n'est pas qu'on soit par principe hostile à toute dissolution, mais il est curieux qu'elle veuille dissoudre une assemblée par ailleurs à majorité de droite - donc une obsession en quelque sorte - et par ailleurs, assemblée avec laquelle nous avons discuté longtemps et de façon ouverte des évolutions raisonnables à faire au plan économique et institutionnel en Corse, en faisant semblant d'ignorer que seul un blocage de l'Assemblée régionale - je parle devant quelques présidents de région - seul un blocage institutionnel de l'Assemblée pourrait fonder légalement une telle décision de la part du Gouvernement. Or, comme il n'y a pas de problème de fonctionnement de l'Assemblée de Corse, cette décision serait illégale. Inconstitutionnel,.illégal, voilà le choix qu'on nous propose. Elle a même été jusqu'à nous demander de renoncer à une loi votée par l'Assemblée nationale, en interrompant une procédure parlementaire. Alors, mes chers amis, si ni les élus de la Corse, ni les élus de la Nation ne sont aux yeux de la droite, légitimes, qui l'est ? Les clandestins, peut-être, avec lesquels plusieurs leaders de l'opposition ont discuté, hier, la nuit tombée ? La droite utilise de façon cynique le thème de l'amnistie, qui resurgit rituellement chaque année, alors que j'ai, une nouvelle fois, répété qu'il n'y aurait jamais, pour moi, aucune amnistie pour les assassins du préfet Claude Erignac. La politique du Gouvernement, en Corse, est claire : elle repose sur un dialogue politique démocratique, c'est-à-dire transparent et conduit avec des instances légitimes ; sur une lutte résolue contre la violence - le Gouvernement, la justice et la police. La justice de façon indépendante, la police sous son contrôle, travaillent à élucider les crimes récents ou plus anciens, qui ont été commis. Elle repose, notre politique, sur ce dialogue politique démocratique, sur cette lutte résolue et constante contre la violence, et sur une prise en compte des aspirations économiques et culturelles de l'île. Alors, ce que je peux demander à ceux qui ont dans le passé échoué si gravement, à défaut - ce qui serait de leur responsabilité et de leur devoir d'Etat - de nous aider dans cette démarche honorable dans sa modalité, ce que je peux leur demander, c'est au moins de ne pas mettre de l'huile sur le feu. Cette droite, incohérente et agressive ne mérite pas - c'est notre conviction à tous, ici, mais il faudra la faire partager - de retrouver les responsabilités. Et pourtant, ils s'y croient déjà. D'après ce que j'entends, des échos un peu indécents qui nous viennent de l'université de Quimper, on me dit qu'ils se disputent déjà ma place à Matignon - ce n'est pas qu'éventuellement elle puisse se libérer - mais je voudrais leur dire, à monsieur Sarkozy, monsieur Juppé, monsieur Douste-Blazy, peut-être monsieur Bayrou, par un cheminement différent, que c'est dur. On y travaille beaucoup, en tout cas, moi j'y travaille beaucoup. Et puis, ce poste, c'est peut-être moins une place qu'une mission. C'est peut-être aussi un lieu où doit d'abord s'exercer le service des autres, plutôt que de penser à se servir soi-même. Surtout, je voudrais attirer leur attention sur une donnée qui, pour la deuxième fois, peut-être, tend à leur échapper : on ne se nomme pas à Matignon. C'est le peuple qui décide, c'est le peuple qui tranche. Il faut d'abord qu'il élise un président, il faut ensuite qu'il élise une majorité parlementaire. Et, honnêtement, je vous le dis, bien que tout soit ouvert, aujourd'hui, c'est loin d'être le cas. Je pense donc que ces dirigeants de l'opposition sont un peu trop pressés dans leur démarche. Mes chers amis, il nous faut, nous, convaincre les Français qu'on peut parler à leur coeur sans parler à leurs peurs, qu'on peut s'adresser à leur intelligence, sans oublier que tant dans la vie publique, que dans la vie personnelle, en même temps on ne fait rien sans passion, si ses passions sont fortes et saines. Oui, il nous faudra savoir susciter en eux le désir de continuer le chemin avec nous et il faudra que nous nous montrions capables de les entraîner dans l'avenir. C'est dans cet état d'esprit que nous devons préparer les rendez-vous de 2002 avec les Français. De quoi avons-nous besoin pour gagner ? Nous avons besoin de candidats et de candidates. Il me semble que cela devrait pouvoir se trouver pour les législatives, et peut-être aussi pour la présidentielle. Nous avons besoin de vous tous, militants socialistes. L'élection présidentielle sera votre bataille. Les élections législatives seront vos batailles. Vous en serez les acteurs, militants, citoyens et citoyennes conscients. Nous avons besoin d'un Parti socialiste uni, rassemblé, en ordre de marche. Nous pouvons, pour cela, et pour bien d'autres choses, faire confiance à François Hollande et à la direction de notre parti. Nous avons besoin d'une gauche plurielle et cohérente. La majorité plurielle, cette construction politique nouvelle, originale, disait François tout à l'heure, a su, jusqu'ici, je le rappelle, franchir toutes les étapes qu'elle s'était fixées : - le rassemblement des principales forces de gauche, à partir de 1995 - j'y avais travaillé avec quelques autres ; - la capacité à représenter une alternance en 1997 ; - l'aptitude à gouverner le pays durablement, de façon progressiste et efficace. Alors, il lui reste aujourd'hui, face à la droite et à l'extrême droite, à convaincre les Français de lui renouveler leur confiance pour un nouveau contrat. Je sais bien qu'il y a une certaine logique de dispersion dans la diversité des candidatures à l'élection présidentielle. Elle est normale et je la respecte. Mais si nous voulons réussir en 2002, il y a plusieurs choses que nous ne devons pas oublier : - les formations de gauche doivent d'abord réserver leurs critiques à la droite ; - la reconnaissance de nos différences est naturelle, peut-être même utile. Mais la différenciation n'est pas nécessairement une dévalorisation ; - la défense de l'œuvre commune, du bilan partagé, du travail effectué ensemble, est indispensable. Si nous ne nous appuyons pas sur ce bilan, il nous sera difficile de convaincre les Français que nous voulons aller plus loin ensemble. L'esprit de responsabilité et d'équité doit régir les relations entre partenaires. Cela signifie pour nous, socialistes, principale force de la majorité plurielle, de savoir faire à chacun sa juste place. Au-delà de notre bilan, nous avons besoin d'un bon projet. Vous y travaillez. Une grande force du Parti socialiste est de savoir ouvrir des débats, proposer de nouvelles idées, fédérer les imaginations, et je remercie Martine Aubry, aujourd'hui à la braderie de Lille, d'animer auprès de François Hollande, notre réflexion collective. Je sais que vous avez accueilli avec chaleur le rapport qu'elle vous a présenté ici. Notre université d'été a été bien sûr l'occasion pour vous de débattre dans cette perspective, autour du thème, vaste, de la " qualité de la vie ". Ensemble, nous allons donner de la force et des couleurs au projet que nous présenterons aux Français. Mes chers camarades, nous devons aborder sans crainte les échéances de 2002. Nous avons beaucoup travaillé à l'écoute et au service des Français. Nous aurons un nouveau projet à leur soumettre. Depuis plus de quatre ans, tout en assumant ma responsabilité de Premier ministre, j'ai été à vos côtés. Je le serai toujours. Pour les mois à venir, j'ai besoin de votre amitié, de votre force de conviction, de votre engagement. Avec vous, je souhaite faire naître la Nouvelle France dont ce début de siècle apporte la promesse. |
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