Le spectacle vivant connaît en France un remarquable renouveauAllocution du Premier ministre devant la Fédération Nationale des Élus Socialistes et Républicains. |
Mesdames les ministres,
Chère Frédérique Bredin, Cher Bernard Poignant, Cher Yannick Goin, Mesdames, Messieurs, Chers amis, Jai plaisir à participer, pour la première fois en tant que Premier ministre, aux rencontres de la Fédération Nationale des Élus Socialistes et Républicains. Le plaisir est, tout dabord, de me trouver ici, au Festival dAvignon, au milieu de visages connus, de celles et ceux - comédiens, metteurs en scène, auteurs, techniciens, administrateurs - que la passion de la scène fait vivre et qui en retour, avec le public, font vivre le théâtre. Le plaisir est aussi, en prenant part à cette fête de lart dramatique, de vivre des émotions que jai toujours partagées, comme lecteur et comme spectateur. Le plaisir est, enfin, de dialoguer avec vous. Je le ferai en évoquant ici ce Festival nous offre sans doute le meilleur lieu et le meilleur moment de le faire le spectacle vivant en France, son renouveau et le soutien que le Gouvernement et en particulier Catherine Tasca, la ministre de la Culture et de la Communication lui apporte dans le cadre de sa politique culturelle. Le spectacle vivant connaît en France un remarquable renouveau. Cet élan puise à des courants culturels féconds. De façon croissante, les diverses disciplines du spectacle vivant le théâtre, la danse, la musique, le cirque, les spectacles multimédia se rencontrent, sallient et sinspirent mutuellement. Le développement des arts de la rue et de ceux de la piste, un certain retour du théâtre ambulant ou encore lappropriation par les artistes de nouveaux lieux ont contribué à cet engouement. Celui-ci sest appuyé sur lattention grandissante portée par-delà lexploration de notre patrimoine à lécriture contemporaine et à la place plus marquante donnée à lauteur, aux côtés du metteur en scène. Ce renouveau sest nourri du réveil des pratiques amateurs qui exigent beaucoup des collectivités locales, de la multiplication des coproductions et des coopérations internationales, comme du succès rencontré faut-il le rappeler ici, à Avignon par les festivals. Certaines troupes qui ont tourné à travers la France mais aussi à létranger symbolisent cette vitalité nouvelle : les Zingaro dont je goûterai tout à lheure la dernière création et la troupe du Royal De luxe dont le spectacle mavait ravi lan dernier, par exemple, marient les inspirations de diverses cultures en un spectacle populaire qui fait appel à une faculté universelle démerveillement. Notre pays renoue ainsi avec la tradition pionnière dun théâtre populaire. Un théâtre vraiment populaire, cest dabord un théâtre qui souvre à un public large, à la fois fidèle et renouvelé, un théâtre qui parvient à attirer même ceux qui simaginent dabord quil nest pas fait pour eux, ceux qui nosent pas aller vers lui, ceux qui tout simplement ne connaissent pas la scène. Un théâtre vraiment populaire, cest aussi un théâtre " élitaire pour tous ", comme laurait dit Antoine Vitez, un théâtre qui offre au plus grand nombre le meilleur de la scène et des auteurs, un théâtre qui obtient de chacun des spectateurs limplication la plus forte. Un théâtre vraiment populaire, cest également un lieu de convivialité, je dirais même de fraternité. Cest un spectacle qui rassemble des hommes et des femmes différents autour dune même émotion esthétique. A mes yeux, un théâtre vraiment populaire doit aussi être un espace où sexpriment la liberté et la contestation, lenceinte où, sil le faut, sorganise une résistance. Les débats qui ont traversé récemment la communauté artistique en Autriche, comme lengagement de certains metteurs en scène au Kosovo, soulignent que le théâtre est parfois au cur du combat pour la liberté, quil est souvent un des lieux où vit et vibre la Cité. Ce théâtre là cherche, à travers la création artistique, à interroger le désordre du monde, à aider chacun à donner un sens à sa vie. Et notre pays paraît avoir conservé avec bonheur le secret dune telle alchimie. Cest à ce théâtre que Edward Bond rend hommage en soulignant quétant Anglais, il choisit de faire créer ses pièces en France parce que, je le cite, " dans ce pays le théâtre peut encore poser des questions pour lesquelles il a été créé ". En ce sens, ce renouveau du spectacle vivant est non seulement un témoignage de la vitalité artistique de notre pays, mais aussi une expression de la vigueur de sa vie démocratique. Ce renouveau, la gauche sest employée à laccompagner. Fidèle à sa volonté douvrir à tous la culture et de favoriser lémancipation de la personne humaine, la gauche a su engager en 1981 grâce à la volonté de François Mitterrand et à limpulsion donnée par Jack Lang, une ambitieuse politique culturelle, en particulier en faveur du spectacle vivant. Une politique avec laquelle nous avons renoué depuis trois ans et que fait vivre aujourdhui Catherine Tasca. Encourager le théâtre, cest encourager le risque, la liberté de la création. Cest le rôle de la puissance publique, avec les collectivités locales, de soutenir des spectacles difficiles, dencourager des paris artistiques, de promouvoir de nouvelles formes dexpression, quand bien même celles-ci nattirent encore quun petit nombre de spectateurs. A cet effet, la pluralité des financements État, collectivités locales constitue un gage essentiel de la liberté de programmation, contribue à enrichir la variété des spectacles pour mieux répondre aux attentes du public. De cette liberté de programmation, lÉtat demeure, sur tout le territoire, le garant. Cette liberté, nous lavons défendue par une politique volontariste daide aux compagnies. En donnant de vrais moyens à des projets ambitieux ou en garantissant, par exemple pour trois ans, la viabilité dune entreprise culturelle, il sagit en effet de concilier la nécessité de faire émerger de nouveaux talents et le besoin dune certaine permanence indispensable à la liberté de création et au rayonnement des spectacles. Chaque année, sur lavis dexperts indépendants, 600 compagnies théâtrales reçoivent ainsi un soutien financier. Le nombre de celles qui bénéficient dune convention pluriannuelle a par ailleurs nettement progressé entre 1998 et 2000. Un effort budgétaire sans précédent en faveur du spectacle vivant a été décidé par le Gouvernement que je dirige. En lan 2000, cet effort atteindra 3,8 milliards de francs. Il rejoint celui, considérable, des collectivités locales. La poursuite de la déconcentration en deux étapes, celle des scènes nationales en 1998, puis des centres dramatiques en 1999 a porté à 75 % la part des crédits dintervention du ministère de la Culture en faveur du spectacle vivant gérés par les DRAC. Cette augmentation permet dinstaurer une meilleure collaboration entre lÉtat et les collectivités territoriales et contribue à un aménagement plus efficace du territoire. Le cadre fiscal des activités du spectacle vivant est aujourdhui plus lisible. La clarification des règles applicables à la fiscalité des associations sest traduite, pour les gestionnaires, par une plus grande visibilité. Nous avons dans le même temps maintenu une fiscalité relativement allégée : un taux réduit de TVA et la possibilité désormais légale pour les collectivités locales de dispenser les entreprises de spectacles du paiement de la taxe professionnelle, possibilité quelles ont largement utilisée. Surtout, nous avons voulu ouvrir le théâtre à un public plus large. En instaurant un tarif réduit le jeudi dans les cinq théâtres nationaux, le Gouvernement marquait sa volonté de démocratiser laccès aux institutions culturelles. Là encore, les collectivités locales peuvent jouer un rôle majeur. Le chèque daccompagnement spécialisé prévu par la loi de lutte contre les exclusions votée en 1998 contribuera à attirer des publics nouveaux vers le spectacle vivant. Cette politique volontariste sinscrit naturellement dans la durée. Cest pourquoi nous continuerons daider le spectacle vivant à faire face aux difficultés quil rencontre. La pérennité du régime de lintermittence est une préoccupation essentielle du Gouvernement. La mise en place par la loi, en 1998, dun fichier unique pour la protection sociale des intermittents embauchés par des entrepreneurs occasionnels constitue dores et déjà un progrès. En matière dassurance chômage, il me paraît indispensable que les partenaires de lUNEDIC trouvent au niveau national et interprofessionnel les moyens de garantir la pérennité de ce régime spécifique. Le Gouvernement y veille. Par ailleurs, au niveau de la branche, la Fédération des Employeurs du Spectacle, de lAudiovisuel et du Cinéma, et les fédérations CGT et CFDT ont su nouer un dialogue constructif, ce qui montre que des voies daccord négocié sont possibles, et je men réjouis. Le spectacle vivant ne peut lui-même vivre sans lintermittence. Pierre Santini nous la rappelé hier avec force dans la cour dhonneur du Palais. La réaction du public était clair. Soyez certains que le Gouvernement entend bien garantir son avenir. Pour mieux aider encore le spectacle vivant, le Gouvernement entend approfondir ses échanges avec les élus locaux. Vous cherchez le plus souvent, et le Gouvernement sen félicite, à améliorer la qualité du service rendu plutôt quà multiplier les équipements lourds, à mieux cerner la demande du public plutôt quà accroître systématiquement loffre culturelle. Ladoption dun schéma des services culturels et la conclusion entre lEtat et les régions de contrats de plan particulièrement ambitieux dans leur volet culturel ont déjà permis, presque partout, une forte concertation entre les représentants de lEtat et ceux des collectivités locales. Afin dapprofondir cette concertation, la ministre de la Culture et de la Communication a créé, il y a deux ans, le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Au sein de celui-ci, je sais que Catherine Tasca et Michel Duffour, chargé de la décentralisation culturelle, ont lintention de mener un dialogue étroit avec les élus locaux. Au-delà, il nous faut améliorer ensemble les outils des partenariats qui servent le spectacle vivant : entre collectivités locales, entre ces dernières et lÉtat, entre public et privé enfin. Le Conseil dÉtat examine dailleurs actuellement plusieurs décrets réorganisant le fonctionnement des régies personnalisées des collectivités locales. De même, le rôle accru des collectivités locales dans le domaine culturel suppose de créer de nouveaux instruments pour la gestion culturelle. Les réflexions en cours au Parlement, dans les collectivités, au sein de votre Fédération elle-même, sur la notion détablissements publics locaux éclaireront utilement le travail du Gouvernement. Lenseignement artistique doit être une priorité pour lavenir. Celui-ci, en effet, permet de développer les vocations, de préparer de nouvelles générations dartistes, mais aussi daider le plus grand nombre à entrer plus spontanément en contact avec les œuvres, les spectacles, les diverses formes dart. Je me réjouis que ces préoccupations soient partagées par les trois ministres concernés, la ministre de la Culture et de la Communication, Catherine Tasca, le ministre de lÉducation nationale, Jack Lang, et la ministre de la Jeunesse et des Sports, Marie-George Buffet. Nous avons déjà accompli dimportants progrès, grâce à lintervention dans les écoles primaires des professeurs décoles spécialisées de musique, ou encore par la création dateliers artistiques dans les lycées. Il sagit aujourdhui de faire le bilan dexpérimentations souvent fructueuses, grâce à lengagement local des professionnels, et de préparer leur généralisation. Mesdames, Messieurs, Chers amis, De cette politique culturelle au service du spectacle vivant, vous tous, ici, élus socialistes et républicains, êtes des acteurs privilégiés. Au premier chef, bien sûr, ceux dentre vous dont la culture est le champ daction ; mais, au-delà, lensemble des élus locaux qui sont partie prenante dans le développement culturel. Au sein de vos villes, de vos départements, de vos régions, vous accomplissez un important travail pour ouvrir à nos concitoyens un plus large accès au spectacle vivant, à lémotion artistique. Vos projets sont les nôtres. Nous partageons votre détermination. Nous voulons, avec vous, faire que des Français toujours plus nombreux découvrent et aiment le théâtre, la musique vivante, la danse, le cirque, toutes ces expressions du génie humain. Ce sont ces efforts sans cesse réinventés qui, selon le souhait de Jean Vilar, nous permettront dabattre ensemble, lune après lautre, les multiples barrières dressées par la tradition, par les préjugés, par lignorance même, entre le spectacle - tous les spectacles - et le public.. |
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