Le sport
dans le projet municipal


Intervention du Premier ministre, Lionel Jospin, en conclusion du colloque du Parti socialiste " Le sport dans le projet municipal ", le vendredi 20 octobre 2000.


 
Labège (banlieue de Toulouse),
le 20 octobre 2000

Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élu(e)s,

Je suis heureux d'être ici, parmi vous, afin de conclure ce colloque consacré au sport dans le projet municipal. J'ai plaisir, bien sûr, à me trouver en Haute-Garonne. Plaisir aussi à vous rencontrer ou à vous retrouver, mes cher(e)s camarades, élus, militants et amis. Et plaisir, enfin, à pouvoir aborder un thème qui me tient à cœur. C'est pourquoi je voudrais remercier de leur invitation les organisateurs de cette journée, François Holande, premier secrétaire du Parti socialiste, Kader Arif, premier secrétaire fédéral de Haute-Garonne, Adeline Hazan, secrétaire nationale aux questions de société, et Valérie Fourneyron, déléguée nationale aux sports. Je salue nos hôtes, Claude Ducert, maire de Labège, et François-Régis Valette, président du SICOVAL, ainsi que Martin Malvy, président du Conseil régional Midi-Pyrénées, et Pierre Izard, président du Conseil général. Je suis heureux de retrouver également mes collègues de cette assemblée et les parlementaires de Haute-Garonne. Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants et participants qui, élus, athlètes, cadres du monde sportif ou universitaires, ont fait de cette journée un fructueux moment de réflexion.

Les élus socialistes sont bien placés pour parler de sport. Dans un palmarès des grandes villes les plus sportives, L'Equipe magazine a placé en tête Nantes - la médaille d'or va donc à Jean-Marc Ayrault -, Besançon, Montpellier et Clermont-Ferrand. Le bilan de ces villes - mais l'on pourrait en citer d'autres - souligne combien la volonté d'une équipe municipale est déterminante pour le développement de la pratique sportive. Il ne faut pas voir là seulement le résultat du travail persévérant de municipalités dynamiques, mais aussi la force de la démarche qui relie le sport à notre vision de l'Homme et de la société.

Le sport participe de l'humanisme qui inspire notre famille de pensée. En invitant à une interrogation sur le goût du jeu et du plaisir, sur le sens de la réussite, de l'effort et de la souffrance, en proposant une réflexion sur soi-même et ses propres limites, le sport permet un approfondissement et un épanouissement de la personnalité. Ecole du respect - respect de son propre corps, respect des autres, respect de règles communes -, le sport - s'il est pratiqué authentiquement - sert aussi la société dans son ensemble. Il a une fonction d'éveil à l'esprit d'équipe et à la solidarité. Lorsque les activités sportives se développent, c'est la vie locale qui s'étoffe, des citoyens qui se rapprochent, des différences qui s'estompent, un lien social qui se renforce au profit de l'insertion et de l'intégration. Ces rôles joués par le sport, tant pour l'individu que pour la société, étaient déjà connus des anciens Grecs. Il n'est pas fortuit que ceux-ci, qui ont donné au monde la philosophie et à notre continent les fondements de sa civilisation, aient élevé à un tel niveau le sport, activité noble dont l'importance culminait lors de la trêve rituelle des Jeux Olympiques. Aujourd'hui, ces mêmes Jeux continuent de symboliser la forme d'universalisme à laquelle le sport concourt.

Partout en France, fidèles à cet humanisme, les élus que vous êtes agissent en faveur de la démocratisation du sport, du " sport pour tous ".

C'est là une ambition que le Gouvernement partage avec vous.

Le sport ne se résume pas aux grandes compétitions - le Tournoi des Six Nations ou les Jeux Olympiques -, même si nous vibrons avec ces champions qui nous offrent un beau spectacle et l'exemple du dépassement de soi et de la perfection du geste. Le sport, c'est aussi - et peut-être surtout - un plaisir pour treize millions de licenciés et, au-delà, pour les Français et les Françaises de tous âges et de toutes conditions qui, sans rechercher forcément l'exploit, font du sport à leur rythme. Le football ne se limite pas aux Bleus, au Stade de France et à la première division. C'est l'ensemble des clubs, jusque dans les moindres villages, qui font que le football est profondément populaire. C'est bien cette réalité là, celle du sport pour tous, qui doit retenir notre attention.

Les communes sont au cœur de cette réalité. Elles sont propriétaires de 85 % des équipements sportifs. Avec 25 milliards de francs par an, elles assument la majeure partie du financement du sport. Elles accueillent et soutiennent les clubs engagés dans les compétitions, mais aussi les quelque 150.000 associations qui font vivre, partout en France, un dense réseau d'activités sportives proposées au grand public.

Le sport a besoin d'un esprit d'équipe entre tous les acteurs concernés : les communes, les départements et les régions, l'Etat et ses services déconcentrés, les institutions sportives elles-mêmes, organisées en fédérations, ligues et comités. Pour organiser cette concertation, je sais que les élus socialistes s'appuient fortement sur les offices municipaux des sports, de même qu'ils donnent l'exemple en matière d'intercommunalité. Pour ce qui concerne le sport, il faudra sans doute mieux préciser les compétences de chacun, dans la foulée du rapport que vient de remettre au Gouvernement la Commission Mauroy sur l'avenir de la décentralisation.

Le sport a aussi besoin d'équipements rénovés et performants. Certes, au cours des vingt dernières années, la France a comblé le retard qu'elle accusait face à d'autres grands pays. Ce rattrapage est à mettre à l'actif des collectivités territoriales, grâce aux lois de décentralisation. L'Etat a également joué son rôle, à travers le Fonds national pour le développement du sport. Ainsi, les villes - et la France - se sont équipées. Il n'en reste pas moins qu'une partie de ce patrimoine sportif vieillit. Des installations doivent être mises aux normes. Compte tenu de l'importance des travaux à effectuer, et dans l'esprit d'équipe auquel je viens d'appeler, je souhaite qu'une réflexion soit engagée sur le meilleur moyen d'associer l'ensemble des acteurs concernés par cette remise en état. Je souhaiterais que celle-ci donne la priorité aux équipements de proximité, ces terrains de basket, ces piscines municipales, ces gymnases de quartiers, qui sont la condition même de l'accès de tous au sport et qui peuvent être de plus en plus des lieux de rencontre.

Cette action à venir en faveur des équipements n'est qu'une facette de la politique du Gouvernement, qui s'attache à rénover profondément les structures du sport français.

Par notre politique, c'est un certain idéal sportif que nous voulons défendre et promouvoir.

" Plus vite, plus haut, plus fort ", proclame la devise olympique. Certes, mais pas à n'importe quel prix, pas par n'importe quel moyen. Pour nous, socialistes, la recherche de l'excellence au plus haut niveau ne doit pas se faire au détriment de la pratique populaire du sport. Au contraire, nous sommes convaincus que c'est l'accès de tous au sport qui favorise l'éclosion de talents individuels. Nous pensons que le succès sportif doit se fonder sur le souffle des athlètes, sur le coeur qu'ils mettent à l'ouvrage avec leur club, et non sur un amoncellement d'argent. Le sport perdrait sa raison d'être si les meilleurs n'étaient jamais que les plus riches. Et le sport, bien sûr, doit être " propre ". Telle est la conception que nous traduisons dans les faits depuis plus de trois ans.

Le sport doit être " propre ". Le dopage n'est pas seulement une tricherie. Il représente aussi un danger pour la santé des athlètes. Dans ce dossier essentiel et difficile, je veux saluer la ténacité et la force de conviction dont a fait preuve la ministre de la Jeunesse et des Sports, Marie-George Buffet. Grâce à la loi de protection de la santé des sportifs et de lutte contre le dopage, la France est désormais en pointe au sein de la communauté sportive internationale. A Sydney, pour la première fois lors de Jeux Olympiques, un procédé français de dépistage de l'EPO a été utilisé. Beaucoup reste à accomplir pour bannir le dopage. La France continue son offensive, en particulier dans le cadre de la Présidence de l'Union européenne.

Le sport n'est pas une marchandise. Les sportifs non plus. Que le sport de haut niveau nécessite de lourds investissements est une chose. Mais que le sport tout entier soit soumis à une seule logique financière est, pour nous, inacceptable. Nous voulons introduire un meilleur équilibre dans les relations entre sport et argent.

Promulguée en décembre 1999, à la suite d'une proposition de loi des députés socialistes, la loi sur le sport professionnel va dans ce sens. Elle permet de rénover le statut des clubs professionnels. Je sais que vous êtes particulièrement attentifs, en votre qualité d'élus locaux, au délicat problème des subventions publiques. Le décret relatif à ces aides fait l'objet d'une discussion serrée avec la Commission européenne. La position de la France est fondée sur la notion d'intérêt général, qui peut justifier le recours à des subventions. Nous avons bon espoir d'obtenir gain de cause.

Une autre mesure très significative est la disposition qui, dans la loi de juillet 2000 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, pérennise le fonds de mutualisation créé par la loi de finances pour 2000. Ce fonds est alimenté par l'instauration d'une taxe de 5 % sur les droits de télévision. Représentant au moins 150 millions de francs par an, ce fonds permettra d'aider les disciplines sportives ne bénéficiant pas d'une forte médiatisation. Au sein de chaque discipline, en outre, il favorisera une redistribution au profit des clubs amateurs. Il s'agit là d'une mesure d'équité essentielle, voulue par Marie-George Buffet. J'ai personnellement soutenu ce projet, qui a soulevé des oppositions parfois vives.

Le sport doit tenir compte des évolutions de la société. Celle-ci exprime des attentes auxquelles le sport français, grâce à cette loi, pourra mieux répondre. Attente d'un approfondissement de la démocratie, tout d'abord, au sein du monde sportif. Cette loi crée les conditions d'une meilleure représentation des femmes dans les instances fédérales. Elle fait aussi dépendre la désignation des dirigeants nationaux d'un vote direct des clubs affiliés. Attentes du monde scolaire, ensuite, qui aspire au développement des enseignements d'éducation physique et sportive. Cette loi crée l'obligation de mettre à disposition des établissements scolaires les équipements nécessaires. Pour cela, les collectivités territoriales de rattachement, les établissements eux-mêmes et les collectivités locales propriétaires des équipements devront signer des conventions. En matière d'implantation des équipements sportifs, cette loi confirme et complète les dispositions de la loi d'aménagement durable du territoire créant un schéma de service collectif du sport.

Il faut aussi mieux répondre aux attentes et à l'engagement des femmes et des hommes qui font vivre le sport français. Plusieurs dispositions leur sont consacrées. D'une part, la loi reconnaît et valorise l'engagement des bénévoles. Les responsabilités associatives pourront désormais être retenues dans les procédures de validation des acquis. Les frais supportés par les bénévoles pourront être pris en compte sous forme de dons partiellement déductibles de l'impôt sur le revenu. Les dirigeants bénévoles pourront bénéficier de congés de formation. D'autre part, la loi réforme le système de qualification et de diplômes permettant d'accéder aux métiers du sport. Ainsi, nous favorisons l'émergence d'une branche professionnelle des métiers du sport, avec toutes les caractéristiques du droit commun : convention collective et paritarisme social. Des dispositions ont également été prises pour permettre aux étudiants diplômés en STAPS de bénéficier de ces modalités. Ils auront ainsi la possibilité d'accéder aux emplois du sport et d'assurer la sécurité des usagers dans les disciplines réclamant un encadrement spécialisé.

Cette politique trouve un prolongement dans notre action européenne.

La France a été la première à saisir les instances européennes de la question du sport.
C'était au sommet de Vienne, en décembre 1998, à propos du dopage. Cette initiative a conduit la Commission européenne à déposer, au sommet d'Helsinki de décembre 1999, un texte relatif au rôle social du sport en Europe. En effet, le sport n'est pas mentionné dans le traité fondateur de l'Union européenne. C'est donc au titre de la dimension économique du sport que celui-ci a jusqu'ici été abordé par les institutions européennes. Ainsi, l'arrêt Bosmann a été rendu au nom de la libre circulation des travailleurs et des règles communautaires de la concurrence. La France estime qu'il faut reconnaître une spécificité au sport afin que certaines de ses activités puissent trouver des aménagements au sein des règles communautaires. Cette démarche doit naturellement être négociée et il convient de déterminer, avec nos partenaires européens, les sujets sur lesquels un consensus peut se dégager.

La Présidence française de l'Union européenne est un moment privilégié pour faire avancer nos conceptions. Marie-George Buffet et ses collègues européens travaillent sur cinq thèmes principaux. La lutte contre le dopage, au premier chef : un accord semble à portée de main pour que l'Union européenne adhère en tant que telle à l'Agence mondiale antidopage. Ensuite, un accord est possible pour interdire les transactions commerciales concernant les très jeunes sportifs. Un troisième sujet fait l'objet de discussions serrées : les prérogatives qui sont celles des fédérations sportives - et elles seules - d'organiser des compétitions. Enfin, il y a les deux questions, liées, des centres de formations des clubs professionnels et des transferts de joueurs.

Sur ces thèmes, je souhaite que le Sommet de Nice, en décembre prochain, voie un accord aussi large que possible.

Cher(e)s Ami(e)s,

La France peut être raisonnablement fière de son système sportif. Un premier motif de satisfaction est celui apporté, bien sûr, par les succès que les champions français enregistrent dans les compétitions internationales. Il y a eu la Coupe du monde puis la Coupe d'Europe de football, la finale de la Coupe du monde de rugby, et bien sûr les Jeux Olympiques. A cet égard, je voudrais saluer l'exemple que nous donnent les compétiteurs de la délégation française aux jeux paralympiques qui se déroulent actuellement à Sidney. L'excellence du sport de haut niveau en France peut s'appuyer - et c'est là le second motif de satisfaction - sur le dynamisme de la pratique sportive chez nos concitoyens et sur la qualité de nos formateurs et de nos cadres techniques. Vos municipalités en apportent la démonstration : là où les responsables locaux s'en donnent la peine avec leurs partenaires, les sportifs sont nombreux, les disciplines diverses, le sport florissant. Et, en retour, là où le sport va bien, la ville se porte mieux. Cette vitalité, nous la devons en particulier à tous ceux qui encadrent et forment des jeunes, qui animent des clubs, qui organisent des rencontres et des compétitions, à tous ces professionnels qui font partager leur passion, à tous ces bénévoles qui ne comptent pas leur temps. Pensant à leur dévouement, auquel je rends hommage, je vous assure que le Gouvernement poursuivra sa politique volontariste en faveur du sport - des sports - et de tous les sportifs.


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