| Allez-vous arbitrer avant votre départ de Matignon le délicat dossier des 70 000 logements miniers ? Les élus peuvent-ils être majoritaires dans l’établissement public ? Le transfert peut-il se faire pour l’euro symbolique ?Mon gouvernement s’attache à trouver une solution qui permette à chacun de disposer rapidement d’un logement de qualité. Cette solution doit concilier trois impératifs : garantir les droits acquis, en particulier la gratuité du logement pour les ayants droit du pacte minier ; redonner un avenir à l’ensemble du parc ; prendre en compte les attentes des habitants. Nous avons voulu donner aux élus locaux la maîtrise de l’avenir de l’habitat minier. Un établissement public local, l’EPINORPA, a été créé. Le transfert des logements à cet établissement fait l’objet d’une négociation entre gouvernement et acteurs locaux. Les négociations se poursuivent pour trouver une issue positive.
Nous agissons en ayant à l’esprit l’histoire de ce patrimoine, la culture et les luttes ouvrières qu’il symbolise, tout en assurant le respect nécessaire des règles de finances publiques. Faut-il se résoudre à l’existence durable du centre d’accueil des réfugiés de Sangatte ?Non. Le centre de Sangatte a été créé en 1999 par la Croix-Rouge pour répondre à une urgence humanitaire : offrir à ces réfugiés des conditions d’hébergement décentes et éviter leur errance dans le Calaisis.
La situation est paradoxale : la France doit héberger sur son sol des demandeurs d’asile qui souhaitent s’installer au Royaume-Uni ; nos policiers contrôlent la sortie du territoire, afin de sécuriser le tunnel sous la Manche, et non l’entrée. Cette situation ne pourra pas durer éternellement. Mon gouvernement y travaille. Nous cherchons à tarir le flux d’arrivées. Nous cherchons également à traiter le cas des réfugiés présents à Sangatte. Nous travaillons en ce sens avec le gouvernement britannique, et j’ai à plusieurs reprises évoqué le sujet avec Tony Blair, qui envisage désormais de faire évoluer la législation de son pays, afin de la rendre moins attractive. Nous demandons également que les réfugiés puissent présenter leurs demandes d’asile auprès des autorités britanniques. Le dossier est enfin traité au sein de l’Union européenne. La France n’est pas la seule concernée : les autres pays riverains de la Manche (Belgique, Pays-Bas) connaissent les mêmes difficultés En quoi votre programme contre l’insécurité se différencie-t-il de l’impunité zéro prônée par Jacques Chirac ?Je refuse l’impunité, à tous les niveaux de la société. Mais, contrairement aux propositions de la droite, notre approche est globale. Il s’agit en effet à la fois de " mieux prévenir et de mieux punir ", de sanctionner dès qu’un acte de délinquance a été commis, bien sûr, mais aussi en même temps d’éviter que des jeunes ne deviennent délinquants et donc d’intervenir très tôt, dès qu’un comportement est anormal. La droite ne parle que d’enfermement et de prison. Si on s’en tient là, on ne résoudra rien, on n’évitera pas que des jeunes ne deviennent délinquants et l’insécurité ne faiblira pas. Quand il faut sévir et emprisonner, la justice doit le faire. Mais il faut également responsabiliser les familles et mieux prendre en charge les jeunes pour éviter les dérives, leur donner leur chance par l’éducation, la formation, le sport, les actions civiques ou humanitaires et les aider à préparer leur avenir. L’ordonnance de 1945 sur les mineurs n’étant pas un tabou à vos yeux, quelles modifications envisagez-vous ?Ce texte a déjà été modifié à de multiples reprises. Il peut donc l’être encore. Il ne s’agit pas de ma part de remettre en cause les principes, justes, de ce texte mais seulement de répondre à la situation qui nous est posée très concrètement. Si pour mieux répondre à la situation des mineurs délinquants particulièrement difficiles il faut modifier la loi, nous le ferons. Sur les retraites, votre opposition à une forme d’épargne individuelle ne traduit-elle pas un autre tabou idéologique ?Je ne fais pas d’idéologie. Nous avons d’ailleurs développé l’épargne salariale par une loi qui a été votée l’année dernière et dont les partenaires sociaux se sont déjà saisis. Et je ne suis pas opposé à l’épargne retraite individuelle. Je souhaite d’ailleurs mettre à disposition des salariés des instruments d’épargne mieux adaptés à la préparation de la retraite. Mais je veux le faire en préservant le contrat fondateur de la répartition, qui ne doit en aucune manière être érodé. Je veux aussi que ces nouveaux instruments soient développés dans un cadre collectif, et que ne soient pas incités à y avoir recours ceux-là seuls qui bénéficient déjà de revenus confortables ou travaillent dans une entreprise prospère. Les considérations de justice et d’égalité sont essentielles. La majorité plurielle peut-elle renaître intacte entre les deux tours, sans concessions majeures de votre part à Jean-Pierre Chevènement, aux Verts et aux communistes ?La majorité plurielle a été rassemblée au sein de mon gouvernement pendant cinq ans. Au Parlement, elle n’a jamais fait défaut pendant la mandature. La campagne présidentielle entraîne l’expression des différentes sensibilités de cette majorité : cette différenciation est naturelle, c’est une bonne chose pour la démocratie. A l’issue de la campagne, elle aura naturellement vocation à se rassembler à nouveau. L’Europe est la grande absente de ce début de campagne. Si vous êtes élu, agirez-vous en faveur d’une Constitution pour l’Union élargie ?Oui. Ma conviction européenne est profonde. Je crois qu’une Constitution (ou un " traité constitutionnel ", pour éviter les querelles sémantiques) sera l’aboutissement naturel de la Convention sur la réforme des institutions, lancée en décembre au Conseil européen de Laeken et présidée par Valéry Giscard d’Estaing. La question est plutôt celle de son contenu.
Je souhaite qu’elle affirme le modèle de société européen : l’Europe est porteuse de valeurs spécifiques - les droits de l’homme, la paix, la justice sociale, le rôle de la régulation publique -, qu’elle doit désormais porter sur la scène mondiale. Au-delà, c’est le contenu du projet européen, le " nouvel horizon " de l’Europe qu’il faut faire émerger. « Présider autrement », est-ce possible dans le cadre actuel de nos institutions ?Je crois que nous avons déjà réussi à " gouverner autrement " : mon gouvernement a été entièrement à sa tâche, il a été un lieu de débats, la parole donnée a été respectée. Présider autrement, c’est donc avant tout une question de volonté et d’état d’esprit, même si les institutions méritent également d’être réformées, par exemple pour consacrer l’indépendance de la justice, renforcer la limitation du cumul des mandats ou modifier les conditions de mise en jeu de la responsabilité pénale du chef de l’Etat. Êtes-vous prêt à reconnaître que le fossé s’est sensiblement creusé entre la sphère politique et la population ?Pour moi, la politique est et doit être la chose de tous les citoyens. Cette distance, qui est réelle même si elle ne date pas d’hier, me préoccupe et doit interroger tous les responsables publics. Ce que les Français exigent à juste titre, c’est la vérité dans les propos, la constance dans les choix et la sincérité dans les comportements. On parle beaucoup du livre de Philippe Alexandre, qui critique l’action et la personnalité de Martine Aubry. L’autre jour, des ministres sont venus spécialement la réconforter à Lille... Et vous ?L’action de Martine Aubry a incarné bien des grandes réformes de mon gouvernement : 35 heures, emplois-jeunes, loi contre l’exclusion, couverture maladie universelle. C’est une femme de conviction, de tempérament, d’énergie, de cœur : ces qualités sont nécessaires pour que les choses avancent en politique. Elle a toute mon amitié et mon affection. Tous les amis qui se sont réunis avec elle ont montré la force des liens de fraternité qui nous unissent.
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