De l'audace, de l'imagination
et de l'ambition...

Bernard Kouchner
Entretien avec Bernard Kouchner, ancien ministre délégué à la santé, paru dans l'hebdomadaire Paris-Match daté du 5 janvier 2006


 

Vous qui êtes, selon les sondages, le chouchou politique des Français, que leur souhaitez-vous pour 2006 ? De nouvelles réformes ? Des sacrifices ? De la bonne humeur ?
Je leur souhaite de l'audace, de l'imagination et de l'ambition, avec un zeste de tolérance. Que nos compatriotes aient confiance en eux, en leur propre jugement, qu'ils ne suivent pas les slogans passéistes proposés par des timorés et des conservateurs, des hommes politiques qui ont peur de l'avenir et agissent comme si, en 2006, nous étions encore en 1950. Je souhaite que les réformes nécessaires pour que notre pays s'adapte au monde et retrouve son rang, ne soient pas faites sur le dos des plus vulnérable. Partageons le fardeau. Nous avons tous besoin d'aller de l'avant et d'accepter, au-delà des clichés partisans, une période d'entente nationale sur des objectifs simples.

Et pour le parti socialiste, quels vœux formulez-vous ? Qu'il ouvre grand les fenêtres ? Et qu'il organise - enfin - de vraies primaires, même si aujourd'hui il n'en veut pas ?
Qu'il se réconcilie avec son temps sans oublier son histoire. Il n'est pas trop tard pour qu'il choisisse clairement une stratégie social-démocrate moderne. Qu'il choisisse de précéder son siècle et non de ronchonner, mentant sans cesse, sans y croire, pour conquérir des voix de gauche extrème qui ne se porteront jamais sur lui. Qu'il regarde, sans le crible des certitudes toutes faites, ce qui se passe dans les pays de l'Europe du Nord et dans d'autres cénacles que ceux de notre vieille gauche parisienne percluse de combats, de victoires aussi, mais courte en imagination. Qu'il ne se contente pas d'ordonner, mais qu'il fasse participer les Français pleins d'idées et de réalisme en organisant des primaires. Que valent quelques apparatchiks et les chercheurs de poste face à des millions de Français de gauche ? Ni les hommes ni les stratégies ne sont la propriété des seuls militants ou des seuls élus. Ce serait montrer bien du mépris pour le peuple.

Vous avez laissé entendre que vous étiez prêt à être candidat en 2007. Qu'offririez-vous de plus que Hollande, Fabius, DSK, Ségolène Royal ou Martine Aubry ?
Ils ont tous des mérites. Nous ne jouons pas dans la même catégorie : la dimension du ring a changée ; désormais nous affrontons le monde. J'ai une ambition différente qui n'a rien de personnel ; un discours moins idéologique, fondé sur une longue expérience mondiale de la cruauté des compétitions auxquelles nous sommes confrontés .J'ai été dix ans membre du gouvernement de la France ; j'ai administré notre Santé, dirigé un territoire en guerre - le Kosovo ; j'ai fondé des organisations d'importance mondiale ; j'ai été député européen et Président de la commission du Développement. Je connais nos concurrents. Plus vite nous répondrons, collectivement, proportionnellement à nos revenus et plus vite nous redresserons la tête et vaincrons le chômage.

Croyez-vous à un retour de Jospin fin 2006 pour être candidat en 2007 ?
S'il est animé par les idées qu'il expose dans son dernier livre (« Le monde comme je le vois ») et s'il peut rétablir un semblant de cohérence dans le parti socialiste moderne dont la France a besoin, je serais très heureux- outre l'amitié et le respect pour l'homme- de travailler à ses cotés.

La gauche sera-t-elle en mesure de battre la droite ? Aujourd'hui, tout le débat politique semble dominé par Sarkozy, le libéral pur et dur, et Villepin, le réformiste démocrate.
Le spectacle politique français se déroule à l'intérieur de chaque parti. Ce n'est pas ce que les gens attendent. Il faut penser à nos enfants, que chaque heure blesse, à l'avenir compromis par chaque décision erronée. L'enjeu n'est ni D.ominique de Villepin ni Nicolas.Sarkosy, pas plus Ségolène Royal ou DSK, mais une lucidité et un courage politiques qui seuls permettraient à la France de reprendre le flambeau et au chômage chronique de disparaître.

Face à l'usure de la gauche et de la droite, craignez-vous que Jean-Marie Le Pen catalyse le mécontentement des Français en 2007 et gagne de nouveau le premier tour de la présidentielle ?
Le danger demeure comme le souvenir de l'humiliation. Cela prouve à quel point le régime est usé. Le premier tour sert de primaire au sein de chaque camp. Or, le clivage principal majeur oppose,en France, ceux qui ont une perspective, un avenir, et ceux qui n'en ont pas. Battons-nous pour que tous nos enfants aient un futur.

Accepteriez-vous d'affronter Le Pen , dans un débat télévisé ?
Oui.

Vous préparez un livre. Est-ce l'amorce de votre projet politique pour 2007 ?
Oui.. J'y présenterai mes dix commandements de la réforme.Dix projets simples dont les Français doivent être les acteurs , ici, en Europe et dans le monde. Sans perdre leur art de vivre et avant que la situation française ne tourne à l'aigre. Avez vous remarqué combien sont devenus rares les éclats de rire dans notre pays, remplacés par des éclats de voix, trop forts, comme pour se rassurer ?

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