Vive les primaires !

Bernard Kouchner
Point de vue signé par Bernard Kouchner, ancien ministre de la Santé, paru dans l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur daté du 15 décembre 2005.


 
Les primaires sont d'abord une nécessité pour la gauche, car l'équilibre global des forces gauche - droite - extrême droite, apparu tristement le 21 avril 2002, n'a pas évolué depuis lors. La perspective d'une extrême droite autour de 20% au premier tour paraît même, hélas !, de plus en plus réaliste. Dans ces conditions, l'union la plus large des forces de gauche dès le premier tour est une nécessité impérieuse.

Une candidature issue de primaires n'empêchera certes pas d'éventuelles prétentions concurrentes, mais elle bénéficiera d'une légitimité incomparable et d'une dynamique profonde. Elle impliquera aussi, sans doute, que soit introduite aux législatives une dose de proportionnelle, qui offrira aux différents courants l'occasion de se compter sans en passer par une candidature présidentielle : la démocratie y gagnerait, à gauche comme à droite.

Les projections électorales ne sont pas seules à plaider pour l'organisation de primaires. La synthèse réalisée au Mans par le Parti Socialiste n'a pas gommé les dissensions majeures qui traversent cette formation et, plus largement, l'ensemble de la gauche, à l'intérieur comme à l'extérieur des partis. C'est quoi être de gauche si l'union repose visiblement sur les non-dits, les fausses réconciliations et les mensonges ?

Les primaires sont une chance pour la gauche si on ne limite pas son périmètre aux politiciens professionnels et aux adhérents. Il faut les ouvrir aux militants, aux mouvements associatifs -bref à cette société civile dont la classe politique se méfie tant car elle est autrement inventive et généreuse.

Faute de clarté et de courage, faute surtout de véritable débat, nous sommes aujourd'hui dans un flou idéologique total, qui empêche la gauche de proposer aux Français des réponses aux crises graves que nous traversons, qui nous interdit de présenter un plan de combat pour rendre la mondialisation positive. Pour faire émerger les idées dont nous avons besoin, il faut que nous soyons capables de lancer ce grand brassage qui a si bien réussi à Bologne avec la Fabbrica. Chaque Français qui se sentirait concerné pourrait y apporter ses propositions.

Les primaires que nous devons organiser seraient avant tout un moment de débat de fond, un moment de créativité et d'invention. Elles permettraient ainsi de faire mieux correspondre le discours et les propositions des partis aux aspirations réelles d'une société qu'ils ne représentent pas assez fidèlement. Trop peu nombreux, trop homogènes socialement, les militants des partis de gauche ne peuvent pas être les seuls détenteurs du pouvoir et du privilège de désigner celui ou celle qui risque d'être élu à la tête de l'Etat.

Tâchons donc d'oublier nos habitudes, nos éternelles querelles d'ambitions et d'appareils, et sachons saisir cette chance : ouvrons la seule voie moderne qui permettra demain à la gauche de renouer avec l'invention, l'ouverture et la victoire.
© Copyright Le  Nouvel Observateur


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