Tabac :
Il faut informer plus encore



Entretien avec Bernard Kouchner, ancien ministre de la Santé, paru dans Le Figaro daté du 10 décembre 2003
Propos recueillis par Pascale Sauvage


 

The Lancet, dans sa dernière parution, préconise l'interdiction totale du tabac. Quelle est votre réaction en tant qu'ancien ministre de la Santé ?
Je m'étonne de l'émoi suscité par une telle enquête, certainement fondée car cette publication est connue pour son sérieux. Mais qu'y a-t-il de nouveau   Nous savons combien fumer est nocif, les scientifiques l'affirment depuis longtemps. Mais curieusement, en France, la preuve par la gêne causée à autrui était renversée : au nom des droits de l'homme, on militait pour le droit de fumer. Bien sûr, tout le monde a le droit de fumer, le suicide n'est pas passible de punition !

L'interdiction totale et absolue du tabac est-elle la solution appropriée à ce que vous décrivez comme un danger de mort ?
L'histoire et la sociologie nous enseignent que ce n'est pas si simple. Oui, il conviendrait de ne pas fumer et peut-être pourrait-on interdire le tabac dans un monde parfait (et encore, la liberté n'est-elle pas indispensable à ce monde parfait ?), mais pas dans un monde réel. Les interdictions autorisent la transgression. Souvenons-nous de l'échec de la prohibition de l'alcool aux Etats-Unis ! Il faut prévenir plus encore, informer plus encore, réglementer plus encore mais surtout convaincre. On fume parce qu'on est mal dans sa peau et parce que ça fait plaisir. On commence sous la pression, pour manifester son appartenance à un groupe social, on continue parce qu'on est intoxiqué et qu'on a besoin de cette drogue.

Cette action relève-t-elle de la médecine ou de la politique ?
La différence entre la théorie et la pratique s'appelle la politique. Les consultations anti-tabac que nous avons mises en place dans les hôpitaux, un effort poursuivi par Jean-François Mattei, portent leurs fruits. Il faut généraliser l'aide aux produits de substitution mais aussi, et ça, c'est de la politique, donner du rêve aux gens. L'interdiction totale n'est pas la solution. On y viendra peut-être, mais allons-y doucement !

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