Le temps du mépris

André Laignel


Entretien avec André Laignel, secrétaire général de l'AMF (Association des maires de France), paru dans L'Hebdo des socialistes daté du 6 novembre 2004
Propos recueillis par Alain Herbeth
 

Quel est le message que les élus socialistes vont faire passer à l’occasion du 87e congrès des maires de France ?
Notre premier souci va être de lancer un signal fort au gouvernement, lui dire que la casse territoriale doit cesser, comme doit cesser le mépris des collectivités locales. Ce mépris se traduit à travers toutes les mesures prises les unes après les autres : suppression de la taxe professionnelle décidée sans aucune concertation par Jacques Chirac, ce même Jacques Chirac qui annonce dans le Cantal la suppression du foncier non bâti, mesure qui va sinistrer de nombreuses communes rurales. En moins d’un an, le président de la République aura annoncé aux maires ruraux et urbains qu’il leur supprime leurs principales ressources. Où est la liberté des communes ? Que devient la capacité de développement de nos collectivités territoriales ?

Les méfaits de la politique gouvernementale se font sentir de la même façon sur des collectivités dirigées par la gauche ou par la droite. Pourquoi prendre le risque de « contrarier » ainsi ses propres amis  ?
Je crois que le président de la République, et le gouvernement à sa suite, font le pari que les élus de droite vont continuer à les soutenir et que l’addition des mauvais coups n’aura aucune incidence. S’il devait y avoir des conséquences, mieux vaut, dans ce cas-là, faire ses mauvais coups tout de suite... C’est ce que fait le gouvernement. Nous sommes totalement dans le temps du mépris à l’égard des collectivités locales et de leurs élus : ceux de gauche sont ignorés et ceux de droite sont censés se remettre docilement dans le rang le moment venu. Ce mépris est particulièrement grave pour l’avenir car il asphyxie la démocratie locale.

Vous êtes le candidat unique de la gauche à la présidence de l’AMF. Quels sont les axes de votre campagne ?
Mon projet s’ordonne autour de trois mots : liberté, justice, égalité.
    Le premier volet, essentiel, est celui de la liberté. Sans liberté, celle des moyens notamment, il n’y a pas de liberté communale. Pour paraphraser Camus, qui disait « supprimez le pain du travailleur, il n’aura plus sa liberté », sans moyens, les collectivités n’auront plus leurs libertés. Sans la liberté de voter l’impôt et de le répartir équitablement, il n’y a pas de libre administration de nos collectivités.

    Deuxième volet, celui de la justice. Il faut en terminer avec la casse de l’aménagement du territoire et la fin annoncée des contrats de plan. Ceux-ci étaient un moyen de corriger les injustices. L’État, en les signant, essayait de compenser les inégalités territoriales. Tirer un trait sur ces contrats, c’est accepter ces inégalités. L’épuisement des fonds structurels européens renforce cette tendance : l’élargissement de l’Europe à dix nouveaux pays sans augmentation du budget européen ne peut, en effet, que conduire à leur disparition. Or, eux aussi, étaient un moyen de lutter contre les inégalités territoriales.

    La seule solution, pour restaurer la justice, c’est de mettre en place une véritable péréquation. L’autonomie financière, si elle n’est pas corrigée par la péréquation, renforce le riche et affaiblit le pauvre.

    Troisième volet, celui de l’égalité, en particulier devant le service public. La mairie est le premier service public de proximité. C’est également souvent le dernier. Il ne se passe pas une semaine, dans nos départements ou nos communes, sans qu’une gare, une poste, une école, un hôpital, une maternité, une perception, ne ferme… L’égalité des citoyens devant le service public doit être garanti !
Voilà les trois axes sur lesquels doit s’organiser la campagne de mobilisation des maires, pas uniquement ceux de gauche mais de tous ceux qui veulent un avenir pour leur commune.

Votre programme pointe bien les menaces qui pèsent sur les collectivités mais, en définitive, n’est-ce pas le pacte républicain lui-même qui se trouve ainsi menacé ?
Tout à fait ! Aujourd’hui, nous sommes face à deux menaces.
La première est celle de l’affaiblissement de la démocratie. Or, le socle de la démocratie, c’est la démocratie locale. Le maire est encore l’élu le plus aimé et le plus respecté par nos concitoyens. Si on l’affaiblit, c’est l’ensemble du principe démocratique qui va être entraîné vers le bas.

La deuxième menace, c’est en effet l’affaiblissement du pacte républicain. Ce pacte, ce sont les libertés locales, l’égalité, la justice... tout cela recule. C’est le schéma républicain qui recule au profit du schéma libéral. C’est pourquoi notre combat est un combat pour la défense de l’idéal républicain.

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