Je n'accepte pas le caporalisme

Jack Lang
Entretien avec Jack Lang, député du Pas-de-Calais, paru dans le quotidien Libération daté du 12 juillet 2007.
Propos recueillis par Paul Quinio


 

Pourquoi annoncez-vous vous-même votre démission des instances du Parti socialiste ?
Le climat humain s’est détérioré au PS. Et aujourd’hui, je ne me sens pas heureux dans cette maison. Je n’accepte pas le caporalisme. J’ai depuis cinq ans participé activement à de nombreux combats: les campagnes électorales, l’ouverture aux nouveaux adhérents, l’inscription des jeunes sur les listes électorales, l’élaboration du projet présidentiel. J’ai consacré beaucoup de temps, auprès de François Hollande, au PS. Je ne m’en plains pas. Je ne demande aucune reconnaissance. Ce serait trop demandé, car le mot « merci » est absent de la langue pratiquée actuellement dans les instances du parti. Mais au moins pourrait-on espérer une attitude respectueuse des personnes de la part de ses dirigeants

Vous visez le premier secrétaire ?
J’ai soutenu François Hollande dans des circonstances parfois très difficiles pour lui. Mais je ne peux pas ne pas constater que la liste est longue, de Fabius à Strauss-Kahn, de Kouchner à moi-même, des personnalités à qui on a coupé les ailes. Mitterrand, lui, n’avait pas peur de s’entourer de personnalités fortes.

Vous en voulez à Hollande ?
Non. C’est une faiblesse en politique d’en vouloir aux autres. Et ce n’est pas mon tempérament. J’ai pris plaisir à travailler avec lui. Mais j’attends des dirigeants du PS plus d’humilité. Nous avons connu une grave défaite. Pas un mot d’autocritique ni d’analyse. Au lieu de cela, on jette l’anathème, on pratique l’excommunication. Ces méthodes sont si décevantes que je n’ai aucune raison de m’infliger la tristesse de participer aux travaux de nos instances.

Pouvait-il ne rien dire face aux débauchages ?
Mais de quoi parle-t-on ? S’agit-il d’entrer au gouvernement ? Evidemment pas. S’agit-il de renoncer à ses convictions ? Je suis plus opposant que jamais. Il s’agit d’une mission pluraliste sur la rénovation des institutions. C’est l’un des combats de ma vie. Il n’est pas anormal que le pouvoir exécutif, avant de saisir le Parlement, veuille se forger une opinion et se tourne vers des personnalités qui ont une compétence en la matière. C’est quand même le Président qui a le pouvoir d’initiative en matière de réforme institutionnelle. J’ajoute que ce n’est pas la première fois que des personnalités socialistes sont ainsi sollicitées. Quand Michel Delebarre a participé à une mission sur la laïcité créée par Jaques Chirac, personne n’a poussé les mêmes cris d’orfraie. De plus, j’ai été totalement loyal. Quand j’ai été approché par l’Élysée, j’ai aussitôt demandé l’avis de Hollande et Ayrault. Je n’ai pas agi en catimini. Et au moment où ils lancent indirectement une fatwa contre moi, je n’ai toujours pas donné ma réponse au pouvoir exécutif. C’est hallucinant !

Allez-vous oui ou non accepter la proposition de Sarkozy ?
Je réserve ma réponse. Ma réflexion n’est pas achevée. Je veux connaître l’ampleur des réformes que le Président souhaite réaliser. Je ne suis pas du tout sûr d’accepter. Mais foin d’hypocrisie. Croit-on que DSK eût été choisi - et je m’en réjouis - pour le FMI, si Sarkozy ne l’avait ardemment soutenu. Et Hubert Védrine, même non élu, est l’un des nôtres.

Sarkozy n’a-t-il pas d’arrière-pensées ?
Qui n’a pas d’arrière-pensées ! Mais le tam-tam orchestré autour d’une participation non encore acceptée à une commission transparente est surréaliste. Le PS se fait du mal à lui-même. Il s’autodétruit alors qu’il faudrait positiver. Car l’amalgame qui est fait entre l’entrée dans un gouvernement et l’acceptation d’une mission transparente est inacceptable. C’est malhonnête d’entretenir la confusion, alors que je combats tous les jours la politique économique, sociale et scolaire du gouvernement. Là, il s’agit de réfléchir à la loi fondamentale de la maison commune de la République. En entretenant la confusion, on fait le jeu de Sarkozy.

Êtes-vous toujours au PS ?
Le PS est mon parti. Je suis socialiste et en même temps un citoyen libre de ne plus côtoyer des personnes qui manquent de rigueur intellectuelle et d’élégance humaine.

Vous êtes amer ?
Nullement. Je suis libéré. Ils m’ont rendu service en me permettant de prendre une décision que j’aurai dû prendre depuis longtemps. Vive la liberté ! Vive la vie !

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