Je regrette que l'on se soit infligé cette controverse

Jack Lang
Entretien avec Jack Lang, député du Pas-de-Calais, paru dans le quotidien Libération daté du 9 octobre 2004.
Propos recueillis par Didier Hassoux


 

La campagne interne au PS se tend. Comme François Hollande, votre allié du oui, semble le faire, pensez-vous qu'il faut dramatiser le débat ?
Le maître mot en cette période doit être le respect. Nous devons nous interdire d'user de tout langage qui détruit. Nous devons donner un exemple de dignité. Je regrette les dérives, des dérapages inacceptables entre socialistes. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour préserver notre unité. Lors du conseil national, je lancerai un appel à la solidarité, au respect mutuel. Les militants refusent les affrontements personnels. Et ils ont raison.

Regrettez-vous la démarche du référendum interne lancé par le premier secrétaire ?
Bien que je sois sur une ligne différente de Laurent Fabius au sujet du traité européen, je regrette avec lui que nous nous soyons infligé cette controverse. Franchement, nous avions d'autres urgences : combattre la casse sociale, le démantèlement des services publics, la destruction des emplois encouragée par le gouvernement. J'aurais préféré que la consultation des militants intervienne seulement deux mois avant le référendum national.

Comment vivez-vous ce début de campagne interne au PS ?
Des sentiments mêlés se bousculent en moi. Entre le coup de blues et l'envie de me battre. Le déchirement entre socialistes me peine, alors que partisans du oui comme du non sont animés par la même ambition collective. Mon socialisme se fonde sur un triple engagement : l'internationalisme, l'anti-impérialisme et l'Europe. Ce qui me touche et me blesse, ce sont certains des arguments échangés ici ou là qui tournent le dos à ces engagements. Entendre que ce sont les pauvres slovaques qui vont enlever le pain de la bouche à l'un des pays les plus riches au monde ­ la France ­ n'est guère supportable. Les délocalisations destructrices d'emplois ne sont pas de la responsabilité de Bruxelles, mais de Paris. Nos seuls adversaires sont les boursicoteurs, les trafiquants, les entrepreneurs gangsters, le Medef et les ministres complices. Face au capitalisme sauvage, le nouveau traité européen est le plus social des traités jamais conclu. Pour la première fois sont reconnus les droits sociaux et les services publics.

Le texte ne ligote-t-il pas les politiques nationales ?
C'est une absurdité de le penser. Rien dans ce texte n'empêchera un gouvernement de gauche de conduire une politique industrielle, scientifique ou d'aménagement du territoire audacieuse et innovante. En quoi Bruxelles a empêché le gouvernement Jospin de créer près de 2 millions d'emplois ? A contrario, Bruxelles n'interdit pas Jean-Pierre Raffarin d'orchestrer le plus grand plan social de France en supprimant près de 60 000 emplois dans l'Education nationale. Ne nous servons pas de l'Union européenne comme d'un paravent à notre impuissance, à notre manque de courage.

Si le non l'emporte, le PS perdra-t-il la présidentielle de 2007 ?
Je me refuse à jouer les mauvais augures. Mais si le non était par malheur majoritaire le 1er décembre, le PS en sortirait gravement affaibli et déstabilisé. Mais je suis optimiste pour les partisans du oui. Le bon sens l'emportera. Fidèles à leurs traditions européennes, les socialistes approuveront un traité qui ne comporte que des avancées, et pas un seul recul.

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