Soutenir le oui était une obligation morale

Jack Lang
Entretien avec Jack Lang, député du Pas-de-Calais, paru dans le quotidien Libération daté du 4 juin 2005.
Propos recueillis par Didier Hassoux


 

Heureusement que Laurent Fabius était là pour être en phase avec l'électorat de gauche...
Pourquoi personnaliser ? Dans un pays de tradition plébiscitaire, les électeurs approuvent ou désavouent le pouvoir en place. Aussi bien avais-je, à titre personnel, écrit à Jacques Chirac voici deux ans, pour lui déconseiller de recourir à cette consultation qui, en période d'impopularité, risquait d'aboutir à un rejet du traité. Je n'ai pas attendu le 29 mai pour entendre la bronca populaire, la colère antilibérale et la désespérance sociale qui ont tout emporté sur leur passage, et notamment l'Europe. Le seul vaincu, c'est Chirac. Le seul vainqueur, c'est le peuple et non tel ou tel dirigeant.

Souhaitez-vous l'exclusion de la direction de ceux qui ont fait campagne pour le non ?
Le désaccord ne porte pas sur des personnes. Il est avant toute chose idéologique. Elevé à l'école de Pierre Mendès France, je considère qu'un homme d'Etat a, vis-à-vis du pays, un devoir d'honnêteté et de fidélité à son idéal. Dès lors que ce traité me semblait le plus progressiste des traités européens, nous avions l'obligation morale d'appeler à voter oui. Trois règles d'or n'ont pas été respectées par certains des nôtres : le respect de la vérité, le respect des autres peuples, le respect des militants. Ces principes sont constitutifs de l'éthique socialiste. Notre maison commune perd son âme et ses fondations si l'on s'en affranchit. Les camarades qui ont décidé de ne pas respecter le vote des militants et de tourner le dos à l'internationalisme se sont écartés d'eux-mêmes. Je voudrais aussi rendre grâce à ceux des responsables et des militants qui, favorables au non dans le débat interne ­ je pense notamment à Serge Janquin (député et premier fédéral du Pas-de-Calais, ndlr) ou au NPS ­, n'ont pas fait campagne contre le parti.

Désavoué dans les urnes, François Hollande peut-il continuer à diriger le parti ?
François Hollande n'a nullement été désavoué par le pays. Nous n'étions pas candidats à une élection législative. Je le répète : c'est Chirac qui a été rejeté. Si la parole avait été rendue au peuple par une dissolution, les socialistes l'auraient remporté haut la main. Je soutiens François Hollande qui a témoigné, au cours de cette période, d'un réel courage intellectuel et moral et qui s'est engagé avec netteté et clarté pour l'Europe.

Le PS peut-il encore rassembler les gauches en 2007 ?
Le PS est la colonne vertébrale de la gauche. Avant même cette campagne, nous avions imaginé, avec Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn, de soumettre aux militants un manifeste qui définirait notre doctrine. Nous le présenterons au congrès de l'automne. La condition sine qua non pour l'emporter en 2007 est de changer la politique, de changer la République et de placer l'exigence morale au coeur de notre ambition.

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