Ce gouvernement doit partir

Jack Lang


Entretien avec Jack Lang, député PS du Pas-de-Calais, accordé au quotidien Le Parisien daté du 27 juillet 2004
Propos recueillis par Frédéric Gerschel


 

Jean-Pierre Raffarin justifie l'utilisation du 49-3 par l'obstruction de l'opposition...
A-t-il perdu la mémoire ? A-t-il oublié la guérilla acharnée et hargneuse menée par ses amis au Parlement en 1981 et 1982 contre les lois de décentralisation de Gaston Defferre qui étaient d'une tout autre ampleur ? Aujourd'hui, Jean-Pierre Raffarin prétend qu'il attache une importance morale et politique à sa médiocre réforme. Pourquoi dans ce cas l'imposer au forceps, sans vote ? Rien, je dis bien rien, ne justifie ce coup d'Etat légal contre le Parlement qui, une fois de plus, est humilié et méprisé.

Le PS menaçait d'enliser les débats...
Mais la droite dispose d'une majorité absolue à l'Assemblée ! De la part du gouvernement, c'est donc aussi un coup de force contre ses propres troupes, UDF et UMP. Raffarin devrait prendre exemple sur Lionel Jospin qui, lorsqu'il était Premier ministre, n'a jamais utilisé le 49-3 en cinq ans. Je suis persuadé que cet acte coûtera cher au régime et à ses dirigeants. C'est un geste de trop.

Vous rejetez entièrement la décentralisation version Raffarin ?
Ce sont des lois de décapitation des services publics nationaux, notamment de l'éducation, et de surtaxation des contribuables locaux. Par son comportement et sa méthode, Raffarin aura accompli cet exploit attristant de rendre impopulaire la belle idée de décentralisation. A cause de lui, cette idée est plombée pour longtemps dans la tête des Français. Mais qu'il ne se fasse aucune illusion : quand nous reviendrons au pouvoir en 2007, nous abrogerons ces textes.

La motion de censure n'a aucune chance d'être adoptée...
Cette motion de censure est simplement la conséquence de l'article 49-3. C'est la procédure normale face à un gouvernement qui, en pleine période estivale, cadenasse le Parlement. Au-delà de ce texte malfaisant, ce sera l'occasion pour l'opposition de dénoncer l'ensemble d'une politique gouvernementale qui, aujourd'hui, est largement rejetée par nos compatriotes. Lors des régionales, puis des européennes, le pays a déjà dit non. Les Français sont des citoyens, pas des sujets. Ils en ont assez d'être constamment bafoués. Si demain le peuple était consulté, ce serait un raz-de-marée.

Jean-Pierre Raffarin se voit à Matignon jusqu'en 2005...
Avec de telles méthodes, je ne donne pas cher de son avenir ! Il y a aujourd'hui une défiance définitive et irrévocable des Français vis-à-vis de ce régime et de ses responsables. En 2002, gauche et droite réunies ont réélu Jacques Chirac à l'Elysée. Et au soir du 5 mai, le chef de l'Etat avait dit : « Ce vote m'oblige, la politique doit changer. » Or, le régime est pire que ce qu'était naguère l'Etat RPR. C'est une véritable fracture civique qui est ouverte. C'est dangereux. Je ne suis pas un boutefeu mais je redoute une explosion à la rentrée. Ce gouvernement doit partir.

Il assure que la croissance sera plus forte que prévue...
Il y a eu une amélioration de la consommation en juin, je m'en réjouis. Mais rien ne prouve que ce frémissement sera durable. Et même s'il se prolongeait quelques mois, il ne suffirait pas à remplir des caisses publiques ruinées par deux ans de politique économique irresponsable. Ni à recréer les dizaines de milliers d'emplois détruits au cours de cette période.

Le Premier ministre parle de « mauvaise loi » à propos des 35 heures ?
Le rôle d'un Premier ministre n'est pas de jeter en permanence le doute et ainsi de créer un état d'insécurité économique et sociale. Comment voulez-vous que les travailleurs et les chefs d'entreprise s'y retrouvent ? Ce qu'on demande à un gouvernement, c'est d'être clair, de maintenir un cap visible et lisible. L'équipe Raffarin en est incapable.

Ferez-vous campagne pour le référendum sur l'Europe ?
Je suis un européen pleinement affirmé, mais en ce qui concerne ce référendum, pourquoi nous lier les mains par avance alors que nous ne savons ni quand ni comment il sera organisé ? Aura-t-il même lieu ? En tout cas, quand j'entends Raffarin nous annoncer qu'il veut mener la campagne, je m'inquiète. Autant dire que M. Chirac souhaiterait que le non l'emporte largement. Je ne peux pas le croire.

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