Évitons
un nouveau Rennes !

Jack Lang
Entretien avec Jack Lang, député du Pas-de-Calais, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 25 octobre 2005.
Propos recueillis par Nicolas Barotte et Myriam Lévy


 

Etes-vous hostile à la réforme de l'ISF adoptée vendredi à l'Assemblée ?
Le voile de l'hypocrisie est définitivement déchiré. Les Français ne se font d'ailleurs plus d'illusions. Ce gouvernement de classe est au service exclusif des privilégiés.

Les fabiusiens ont des mots très durs contre vous. Ils ne vous pardonnent pas de les avoir quittés ?
Je déplore les attaques ad hominem, notamment contre la personne du premier secrétaire François Hollande. Il est le premier des socialistes et, en tant que tel, il mérite le respect. Ces batailles de chiffonniers sont déshonorantes. En frappant l'un des nôtres, c'est la maison commune que l'on affaiblit. On doit au contraire la protéger.

Où en sont vos relations avec Laurent Fabius ?
Je suis en désaccord idéologique avec lui depuis un an. Cet éloignement réciproque ne me réjouit pas. J'en ressens encore aujourd'hui beaucoup de tristesse et ça n'efface pas le souvenir d'un travail en commun dont nous pouvons être fiers. Mon estime pour sa vive intelligence et sa finesse d'esprit est restée intacte.

C'est finalement sur la question européenne que s'est faite la rupture entre vous...
Je suis internationaliste et européen jusqu'au bout des ongles, et je ne me reconnais pas dans un combat qui a mis l'Europe en panne. La campagne du non a construit une sorte de nouvelle lutte des classes entre les pauvres de notre pays et les pauvres de Pologne, de Lituanie, de Turquie ou d'ailleurs.

Les socialistes du non et du oui peuvent-ils encore se parler ?
Je le souhaite de toutes mes forces. Depuis un an, dans ce parti, les rapports humains se sont beaucoup dégradés. Viendra un moment où se produira un sursaut. Rappelons-nous Rennes ! L'une des raisons pour lesquelles je conjure les militants socialistes de voter pour la motion Hollande, c'est d'éviter la réédition de Rennes. Ce fut un désastre. Nos militants n'ont pas envie de revivre ça. Pour la stabilité du PS, pour le renforcement de son autorité morale, il est vital que la direction actuelle remporte clairement le congrès.

Quel est pour vous l'enjeu de ce congrès ?
A quoi bon nous disputer sur le niveau du smic ou la participation de l'Etat au capital d'EDF, s'il n'est pas admis clairement par avance que la conclusion de nos débats sera acceptée par l'ensemble des responsables socialistes ? Avant de prendre notre décision collective sur le traité européen, nous avons eu trois mois de débat, et le vote des militants a compté pour du beurre. Le congrès prendra donc la forme d'un nouveau référendum interne.

Les questions posées sont simples. Oui ou non, camarades, voulez-vous que le PS reste l'axe central de la gauche, en fidélité avec le combat historique de François Mitterrand ? Ou bien voulez-vous aller chercher vos mots d'ordre auprès de je ne sais quel parti ou de je ne sais quelle ligue ? Quant à nos règles internes, voulez-vous qu'elles soient respectées ou jetées aux orties ? Si un double oui gagne largement au Mans, chacun aura sa place dans la maison commune. Mon vœu le plus ardent : retrouver au plus vite le chemin de l'amitié et de la confiance partagée avec Henri, Laurent, Arnaud, Vincent, Benoît et tous les autres camarades qui sont d'abord des socialistes. Au service de notre idéal commun : changer la vie, transformer la société.

François Hollande a évoqué l'idée d'une « procédure » pour que votre motion ne présente qu'un seul candidat à l'investiture pour la présidentielle. Comment faire en pratique ?
Je n'ai pas trouvé la solution. Certains évoquent la consultation des cadres, mais l'idéal c'est le vote des militants. Faut-il s'inspirer de l'exemple italien, qui est assez remarquable ? Les quatre millions d'électeurs qui ont désigné Romano Prodi lui ont donné une autorité morale et politique très forte face à Berlusconi.

Désigner votre candidat en novembre 2006, n'est-ce pas prolonger la bataille interne ?
Le sens de l'intérêt supérieur du PS et de la gauche l'emportera sur les contestations ou les rivalités personnelles. Je suis sûr, par exemple, qu'un homme comme Henri Emmanuelli, authentique camarade de gauche qui a toujours été attaché au PS, contribuera à apaiser les choses. Il y aura un après-congrès du Mans. Les militants auront été le tribunal suprême d'appel, et auront tranché nettement. Avec le congrès, commencera une autre époque, la reconquête du pouvoir d'Etat.

Vincent Peillon a-t-il raison de considérer qu'avec 54 %, la majorité aurait perdu politiquement le congrès parce qu'elle serait incapable de dépasser le oui et le non ?
J'apprécie le brio de Vincent Peillon, mais ce raisonnement dépasse mon entendement de démocrate. Il faut aussi tordre le cou à une autre contrevérité. Les électeurs du 29 mai n'ont pas été les arbitres des élégances socialistes. Ils n'ont pas choisi entre Hollande, Lang, Strauss-Kahn, Peillon, Montebourg ou Emmanuelli. Inutile de sacraliser le vote du 29 mai. Il est de même nature que celui qui nous a permis de remporter deux victoires historiques aux élections régionales et européennes en 2004. Dire autre chose c'est détourner le sens du vote. Puis-je faire une prédiction ? Si la gauche a un bon candidat, sait s'organiser, si le PS sort du Mans en ordre de marche, nous avons toutes les chances d'être largement en tête dès le premier tour. La mémoire du 21 avril est là.

Lionel Jospin publie Le Monde comme je le vois cette semaine. Croyez-vous à son retour ?
Quoi qu'on lui prête comme intention, il comptera, il aura son mot à dire et ce n'est que justice. Il n'a jamais décidé de se mettre du sparadrap sur la bouche. Par sa parole, sa présence, sa magistrature d'influence, il fait du bien à la gauche.

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