Réservons notre réponse sur le référendum sur la Constitution

Jack Lang


Entretien avec Jack Lang, député du Pas-de-Calais, accordé au quotidien Le Monde daté du 20 juillet 2004
Propos recueillis par Isabelle Mandraud


 

Jacques Chirac a annoncé qu'il consulterait les Français par référendum en 2005 sur le projet de Constitution européenne. Le PS peut-il faire campagne avec la droite ?
Les socialistes sont les premiers à avoir demandé un référendum. C'est donc pour nous une victoire importante. Notre débat interne doit s'ordonner autour de trois questions intellectuellement distinctes : notre appréciation du traité, notre ambition européenne pour le futur, le référendum. Personnellement, je réponds oui à la première question. Sur la deuxième, je souhaite que notre parti imagine un projet d'envergure. Sur la troisième, je propose que nous réservions notre réponse aussi longtemps que nous ignorerons la date, les conditions et le contexte de la consultation. Je ne serai pas étonné que, de 2005, la date passe à 2006...

Les socialistes réclamaient un référendum. Maintenant qu'il est annoncé vous semblez ne plus être pressés...
Je retourne l'argument utilisé par Jacques Chirac : cette consultation ne doit pas être " polluée " par la " petite politique ". N'oublions pas que nous avons été trompés à deux reprises au moins. La première fois, le 5 mai 2002, quand nous avons apporté notre soutien au candidat Chirac. Ce contrat moral a été déchiré comme un chiffon de papier au bénéfice d'une politique de régression sociale et de sectarisme politique. La deuxième fois sur l'Irak alors que nous avons été les meilleurs soutiens du président. Croyez-vous que nous avons été ensuite consultés, associés ? Pas une seule fois.

Pour les élections régionales et européennes, vous aviez insisté sur le vote-sanction. Le PS doit-il changer de stratégie ?
Ce sont des scrutins de nature différente. Pour le référendum, il ne s'agit pas de choisir des partis ou des candidats mais les règles d'un traité qui définira le mode de fonctionnement de la maison commune européenne.

Vous êtes partisan du " oui ". Comment allez-vous le justifier ?
Le traité apporte des améliorations modestes mais incontestables : renforcement des pouvoirs du Parlement européen, désignation d'un ministre des affaires étrangères européen, mais aussi intégration de la Charte des droits fondamentaux que le gouvernement Jospin avait d'ailleurs négociée. Dans la campagne interne au PS, je compte bien m'engager au côté de François Hollande, qui a choisi une ligne juste et courageuse.

Comment allez-vous convaincre les militants socialistes alors que tous les responsables du PS affirment que ce texte a été " mal négocié " par M. Chirac ?
C'est vrai. Mais nous sommes les héritiers d'un long combat européen de Jaurès à Mitterrand et Jospin. Soyons fidèles à ce legs internationaliste. La mémoire est révolutionnaire. Accomplissons un pas en avant, même timide vers la réalisation de l'utopie concrète des Etats-Unis d'Europe. Le devoir de vérité et de courage nous interdit de nous soumettre à la doxa du moment et nous invite à nous projeter vers le futur.

Vous ne partagez donc pas les réserves de Laurent Fabius ?
La règle de l'unanimité critiquée par Laurent Fabius est habituelle au droit international des traités. Elle n'a jamais été un obstacle au progrès de la construction de l'Union européenne. En même temps, je déplore, comme lui, l'absence de dispositions relatives à l'harmonisation fiscale et au dumping social. L'amitié que je lui porte me laisse cependant pressentir qu'il sera naturellement au rendez-vous de l'Europe.

En 1999, vous appeliez à voter contre le traité d'Amsterdam, en critiquant la perspective d'un élargissement de l'Europe sans réforme au préalable. Qu'est-ce qui a changé ?
Une occasion a effectivement été ratée à ce moment-là. Ce traité approuvé par tous les socialistes n'apportait rien ou presque. Celui de Nice n'était guère plus glorieux. Pourquoi faire la fine bouche sur le traité de Bruxelles, qui est autrement plus novateur ?

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