SOS, école en danger !

Jack Lang


Point de vue signé par Jack Lang, député du Pas-de-Calais, ancien ministre de l'éducation nationale, paru dans le quotidien Le Monde daté du 8 février 2005

 
A Rodez, 2 500 élèves manifestent pour dénoncer l'insuffisance des crédits. A Nancy, 2 000 lycéens défilent contre la suppression des travaux personnels encadrés (TPE). A Saint-Brieuc, 250 élèves refusent la fermeture de classes. A Saint-Denis, les lycéens et les professeurs du lycée Paul-Eluard refusent la fermeture d'une classe préparatoire créée par la gauche. A Fontenay-sous-Bois, les élèves protestent contre le non-remplacement d'un de leurs professeurs vacataires. Au Kremlin-Bicêtre, une centaine d'élèves se mobilisent contre la réforme du bac...

La liste des écoles fermées, des établissements occupés par les parents d'élèves s'allonge de jour en jour. Un point commun unit tous ces mouvements spontanés de jeunes : le refus déterminé de la casse de l'école. Trop, c'est trop. Il ne sert plus à rien de dissimuler l'appauvrissement de l'école par une loi cache-misère : les dégâts de trois ans de droite au pouvoir sont maintenant clairement apparents. Le gouvernement ne peut plus tricher. Il faut sauver l'école de la République !

Voilà trois ans que je m'évertue à tirer la sonnette d'alarme : jamais la situation n'a été aussi catastrophique. Toutes les académies sont touchées, tous les établissements visés. Si les grandes perdantes sont les académies de Lille, de Reims, d'Amiens et de Metz-Nancy, les académies connaissant de fortes croissances démographiques sont également victimes de la même hémorragie de postes.

Pour la première fois, l'académie de Créteil devra rendre des moyens, alors qu'elle avait toujours bénéficié de renforts en crédits et en postes. Par comparaison à 2002, c'est 85 000 postes qui manqueront dans les établissements scolaires : le plus grand plan social du pays ! L'anticipation des recrutements d'enseignants ? Elle est tout bonnement oubliée. Les concours de recrutement des professeurs de l'enseignement secondaire ont chuté de plus de 40 %, alors que s'accélèrent les départs en retraite. La dynamique du plan pluriannuel de création d'emplois voulu par la gauche est brisée net.

Le gouvernement Raffarin a fait le choix de décourager la vocation des étudiants qui se destinent au beau métier d'enseignant. C'est un véritable crime contre le futur. La violence à l'école ? Elle a augmenté de 12 % pour l'année 2003-2004 dans les collèges et les lycées par rapport à 2002-2003. Le gouvernement a brutalement réduit l'encadrement éducatif par la suppression de 60 000 postes d'aides-éducateurs, de surveillants et d'emplois aidés.

Les coupes claires ne visent pas seulement les postes : elles touchent également les ambitions mêmes de l'école. Alors qu'il faut viser haut et tout faire pour mettre en œuvre des pédagogies sur mesure adaptées aux projets des élèves, le gouvernement s'évertue depuis trois ans à casser tous les dispositifs imaginatifs.

Les travaux personnels encadrés plébiscités par les lycéens ? Le gouvernement a décidé leur suppression en classe terminale et veut les limiter à la seule classe de première. Pour récupérer quelques centimes d'euro et satisfaire les lobbies les plus rétrogrades, le gouvernement met à bas un dispositif des plus innovants. Les crédits pédagogiques ? Ils sont violemment rabotés. L'enseignement des langues, des lettres, des sciences et des arts est touché de plein fouet.

L'illettrisme grandit ? Le gouvernement, lui, a supprimé les groupes de remise à niveau en 6e. La dynamique en faveur des langues initiée par le gouvernement Jospin ? Elle a été malheureusement brisée. Le gouvernement peut bien verser des larmes de crocodile sur la défense du plurilinguisme, la réalité est que l'enseignement des langues est sacrifié. Toute une série d'agrégations, de capes, dans les langues vivantes et anciennes, est supprimée. La diversité culturelle ? Le gouvernement veut ériger l'anglais de communication en seconde langue nationale.

Le plan des arts à l'école ? Il est littéralement sabré. Ce plan avait pourtant permis à des élèves de toute origine d'accéder au monde de la culture et de la création. Le gouvernement préfère dédaigner l'épanouissement des enfants et abdiquer devant la privatisation des esprits. Les filières professionnelles et technologiques ? Elles s'évanouissent.

La gauche avait créé les lycées des métiers et magnifié la noblesse de l'enseignement professionnel. La droite ne supporte pas que l'excellence soit partagée et ne rêve que de relégation. La santé scolaire ? Pas un poste de médecin ou d'infirmière créé. C'est dès l'école que commence la médecine à deux vitesses.

Un sursaut s'impose. Il est urgent de revenir à une politique éducative digne de ce nom. L'avenir de l'école ne passe pas par des lois verbeuses, creuses, qui servent à dissimuler l'impuissance des actes : il passe par des moyens et des ambitions. La poudre aux yeux ne dupe plus personne.

C'est un véritable SOS, école en danger ! que lancent aujourd'hui les élèves, leurs parents et les enseignants. Nous devons les entendre. Dans l'immédiat, deux mesures s'imposent : le retrait de la loi Fillon et un plan d'urgence de reconstitution des budgets et des postes. Sauvons l'école de la République !
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