Il faut crever l'abcès

Pierre Larrouturou



Entretien avec Pierre Larrouturou paru dans le quotidien Sud Ouest daté du 20 novembre 2003
Propos recueillis par Jean-Louis Hugon
 

Après votre candidature aux élections européennes, puis votre tentative à la présidentielle, où en êtes-vous ?
J'ai repris ma carte au Parti socialiste où j'essaie de faire avancer mes idées, notamment sur l'Europe. Au moment où l'on prépare l'adoption d'une constitution européenne, nous estimons que le volet social doit en être aussi important que le traité de Maastricht et son pacte de stabilité monétaire. D'où notre proposition d'un traité de l'Europe sociale, seul moyen d'éviter une crise économique majeure.

Quels en sont les principes ?
De même que le traité de Maastricht, il comporte cinq critères que tous les pays de l'Union européenne doivent remplir : un taux de chômage inférieur à 5 % ; un taux de pauvreté inférieur à 5 %; un taux de mal-logés inférieur à 3 % ; un taux d'illetrisme à l'âge de 10 ans inférieur à 3 % et une aide publique pour les pays en développement supérieure à 1 % du PIB (produit intérieur brut). Et que l'on ne dise pas que c'est impossible car en Europe, il y a déjà certains pays (Danemark, Hollande, Suède) qui respectent une ou plusieurs de ces conditions.

Comment faire pour que tous y parviennent ?
Il faut surtout arrêter de penser que c'est toujours le seul marché qui commande. En matière de transport, d'énergie, de Poste, de culture, de formation, il faut que la Constitution européenne reconnaisse la place du service public. En Grande-Bretagne, on est en train de le comprendre; même le patronat anglais dit que le libéralisme ne peut pas tout régler.

N'y a-t-il pas un problème d'harmonisation des charges sociales et de la fiscalité ?
La fiscalité est très importante. Depuis vingt ans, on tourne autour du pot sur cette question : le taux d'imposition sur les bénéfices des entreprises est passé depuis 1983 de 45 % à 30 %. L'Irlande en est à 15 %. Certains pays ont choisi de s'endetter pour résister mais aujourd'hui, avec 60 % du PIB, on est arrivé à un maximum. Il faut crever l'abcès car on n'échappera pas à une crise. Sur la monnaie unique, il faudrait que la Banque centrale adopte une politique monétaire qui lutte contre l'inflation, mais qui soit aussi favorable à la croissance, comme aux USA. Un pays où la Banque centrale doit sans cesse rendre compte de sa gestion aux élus, au contraire de ce qui existe chez nous.

Vous êtes toujours partisan de la semaine des 4 jours ?
Plus que jamais, puisqu'on a vu que nos 35 heures sont une mesure ambiguë qui n'a rien résolu. Avec les heures supplémentaires, la moyenne hebdomadaire du travail est de 38,8 heures (source INSEE) et cela n'a pas créé d'emplois. Nous proposons qu'une entreprise qui passe à quatre jours et crée au moins 10 % d'emplois supplémentaires soit définitivement exemptée de cotisations chômage. Ce qui ferait faire des économies à l'UNEDIC. Enfin, la question des retraites. Aujourd'hui, quand un salarié solde sa retraite (en moyenne à 61 ans), il est au chômage ou au RMI depuis trois ans. Rendre obligatoire deux années de cotisation supplémentaire sans avoir fait reculer le chômage ne sert à rien. On ne pourra pas sauver les retraites si on ne sort pas du chômage.

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