Le Parti socialiste combattra toute politique de déremboursement

Jean-Marie Le Guen



Entretien avec Jean-Marie Le Guen, député de Paris, paru dans le quotidien Le Monde daté du 27 avril 2004
Propos recueillis par Claire Guélaud
 

Le gouvernement propose de confier une large délégation de gestion aux partenaires sociaux. Qu'en pensez-vous ?
Je crois surtout que le nouveau ministre de la santé concentre sa réflexion sur la gouvernance comme s'il cherchait une formule magique pour repasser le dossier à d'autres. Le risque est alors grand que ses projets aboutissent à une construction sans lendemain.

A la différence de la méthode empruntée par Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, Philippe Douste-Blazy ne semble pas désireux d'impliquer l'ensemble des organisations syndicales dans une vraie concertation. J'en veux pour preuve le fait qu'il est apparemment entré dans la discussion en présentant les éléments d'un projet discuté avec d'autres. En s'en tenant à ce schéma prénégocié, le ministre exclut certains syndicats. Il se met totalement à la merci du Medef - mais peut-il vouloir autre chose ? - et se prive des moyens de réussir.

Dans le cadre de ses consultations, M. Douste-Blazy a plusieurs fois évoqué les abus et les gaspillages. Est-ce, selon vous, un problème majeur ?
Qu'il y ait du gâchis dans notre système de soins, c'est un fait. Il est fréquent, par exemple, qu'un malade hospitalisé soit obligé de refaire des examens qui ont déjà été faits en ville, ou qu'un patient se voit prescrire trop de médicaments sur une même feuille de soins. De tels excès, bien connus, plaident pour la mise en place d'une maîtrise médicalisée des dépenses et de références opposables aux médecins et aux assurés. Nous y sommes favorables.

En revanche, il n'est pas question, sous couvert de traquer les abus, de culpabiliser les assurés sociaux ni de rechercher des boucs émissaires. Une telle attitude n'est pas à la hauteur des enjeux politiques, structurels et financiers auxquels nous sommes confrontés. Je vous rappelle que le ministre vient d'estimer à 14 milliards d'euros le déficit 2004 de l'assurance-maladie. J'ai indiqué, il y a déjà plusieurs mois, que je pensais qu'il serait de près de 15 milliards.

Que vous inspire l'augmentation, relevée par la Cour des comptes, du nombre des indemnités journalières et des affections de longue durée (ALD) ?
La progression du nombre des indemnités journalières n'a pas grand-chose à voir avec la paresse. Elle renvoie, en grande partie, aux difficultés des plus de 50 ans. Rien n'est fait, dans notre pays, pour favoriser le maintien dans l'emploi des salariés vieillissants dans de bonnes conditions, pour eux et pour leur entreprise. Mener la chasse aux indemnités journalières sans poser cette question, alors que loi Fillon du 21 août 2003 organise le recul de l'âge de la retraite, aboutira à une impasse.

En revanche, les affections de longue durée (ALD) constituent bien l'un des principaux moteurs de la croissance des dépenses de santé. Et il nous faut les placer au cœur de la réforme, en transformant complètement notre approche des maladies chroniques qui vont augmenter avec le vieillissement de la population. Il est absolument indispensable que les patients atteints de telles pathologies puissent bénéficier d'une prise en charge précoce et de protocoles de soins qui l'intègrent. Un diabétique, par exemple, devrait consulter au moins une fois par an un ophtalmologiste.

L'idée d'une franchise annuelle semble à nouveau à l'ordre du jour. Qu'en pensez-vous ?
D'une manière générale, nous combattrons toute politique de déremboursement. Le transfert de dépenses de l'assurance-maladie obligatoire vers les complémentaires accroît les injustices, sans corriger en rien les comportements. Bien au contraire : il les aggrave car il freine le recours primaire aux soins qui est la base même d'une bonne politique. Tous les économistes de la santé le savent : les cadres supérieurs coûtent moins cher à la Sécurité sociale que les ouvriers spécialisés, car ils consultent plus fréquemment et plus tôt leur médecin traitant, sans attendre d'être gravement malades pour le faire. Par ailleurs, nous sommes résolument opposés à l'idée d'une franchise annuelle même modulable selon les revenus. Cela reviendrait à concentrer l'assurance-maladie obligatoire sur le risque le plus lourd et à la désengager du " petit risque ". Ce serait ouvrir la voie à la privatisation de notre système, et sonner le glas de la Sécurité sociale.

Le président de la Mutualité, Jean-Pierre Davant, pense que le gouvernement envisage de toucher à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS)...
Prolonger la durée de versement de la CRDS, tout en diminuant l'impôt des plus riches, ce serait le pire des choix et la décision d'un gouvernement en fuite devant ses responsabilités. Une telle mesure ferait peser sur les générations futures les conséquences de la mauvaise gestion actuelle. C'est ce qu'a d'ailleurs dit à l'unanimité le Haut Conseil. Pour nous, socialistes, c'est totalement inacceptable.

© Copyright Le Monde


Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]