La « santé durable » au cœur de l'Etat



par Jean-Marie Le Guen, député de Paris.

Tribune parue dans les pages " Rebonds " du quotidien Libération daté du lundi 6 octobre 2003


 
Quelles que soient ses insuffisances, le Parti socialiste a choisi au congrès de Dijon une orientation, celle du réformisme. Encore faut-il que cela ne reste pas une catégorie abstraite mais qu'il se traduise par des projets suffisamment concrets pour être crédibles, suffisamment ambitieux pour mobiliser. Nul doute que les questions de santé soient le premier test important. Devant la conjonction du drame sanitaire de cet été et la situation catastrophique des comptes de l'assurance maladie, le PS trouvera à juste titre matière à dénoncer la politique gouvernementale. C'est en effet en ce domaine que l'échec du gouvernement est le plus profond, le plus durable et le plus déstabilisant.

Certes, il est mal venu de demander aujourd'hui au PS, alors qu'il n'est pas en charge de gestion, ses recettes pour combler des déficits qui résultent pour l'essentiel d'une politique qu'il n'a cessé de critiquer. Ce serait aussi confondre le contingent aussi grave soit-il avec l'essentiel, les réformes de structures. Au moment de prendre son élan pour réformer, nos insuffisances d'hier apparaissent. Non qu'il faille se morigéner d'un bilan qui fut honorable, ni céder au simpliste « plus de moyens » qui traduit souvent «moins de réflexion» et « moins de courage ». Simplement le changement à opérer apparaît comme radical parce qu'il implique un changement de paradigmes.

Le drame sanitaire de cet été est un nouveau témoignage du retard considérable de notre pays en matière de santé publique. Pour la gauche, comme pour l'opinion publique, les questions de santé se sont longtemps bornées à assumer par la protection sociale la solvabilisation collective des dépenses de soins. La première rupture à opérer est la place que doit prendre la santé dans le projet. La santé, redéfinie en catégorie politique comme « santé durable », avec l'éducation, doivent devenir les valeurs premières d'un projet socialiste.

Environnement, nutrition, conditions de travail et de logement mais aussi défense civile, tous ces sujets doivent être revisités à l'aune de cette priorité. La santé est désormais au coeur des enjeux politiques. Il faut lui reconnaître cette place et l'installer au coeur de la gestion de l'Etat.

La seconde rupture touche au concept de maîtrise des dépenses. Vu de gauche, ce concept avait pour vocation de maintenir compatible la demande de soins et la protection sociale. L'inconvénient était double : il apparaissait aux yeux des démagogues et des corporatistes comme porteur de l'idée de rationnement. Plus grave, il s'est avéré incapable, en tétanisant les comportements de tous les acteurs, d'entraîner la transformation de l'offre de soin qui pourtant décide de tout. Le récent rapport de la Cour des comptes ne dit rien d'autre en dressant l'échec de nos politiques de régulation.

Dès lors, une force restructurante plus légitime doit être recherchée. Nous proposons que cela soit celle du principe de qualité. La dimension éthique doit l'emporter désormais sur l'économique, non qu'il faille d'une façon irresponsable oublier l'une pour l'autre. Si l'on partage le diagnostic que c'est la désorganisation de notre système de soins qui explique tout à la fois l'inflation des actes, le désenchantement des professionnels et la montée d'une insatisfaction des patients, c'est bien la transformation de notre système de soins selon ce principe de qualité qu'il faut privilégier. Cette recherche de la qualité, par ce qu'elle implique de circulation d'informations, de coordination des soins, de professionnalisation accrue des intervenants, est de nature à conforter l'efficience de notre système de soins.

Reste qu'il faut assumer le financement et le pilotage de l'ensemble du système. Là encore, il faut procéder à des changements profonds. Il faut donner avec la démocratie, plus de responsabilités à tous les acteurs. Le temps n'est plus où la santé pouvait être gérée d'en haut : par le pouvoir médical, par la gestion administrée de la santé. Ces modèles sont dépassés, inefficaces et pour tout dire con testés dans leur légitimité. Il faut donc responsabiliser le patient, l'assuré, le citoyen.

C'est ce qu'avait commencé à faire Bernard Kouchner avec la loi «droit des malades», c'est ce qu'il faut poursuivre en repensant l'articulation des demandes individuelles et du système collectif. Il faut donner plus de représentation aux associations de malades dans tous les lieux scientifiques ou administratifs où s'élabore la politique de santé. Il faut donc tendre à la contractualisation encadrée des rapports entre l'individu et sa protection sociale sans recul de la sécurité collective, par exemple en favorisant une meilleure prise en charge pour celui qui décide de s'inscrire dans une stratégie de soins coordonnés. Plus généralement, il faut à tous les niveaux, faire vivre une démocratie participative qui ne contredit en rien la responsabilité de la démocratie élective, mais qui la nourrit.

Principe de qualité, responsabilité : c'est autour de ces deux valeurs que nous voulons mettre en oeuvre la définition d'un nouveau projet, en lui donnant une priorité nouvelle, la santé durable.
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