DSK va progresser !

Jean-Marie Le Guen

Entretien avec Jean-Marie Le Guen, député de Paris, paru dans le quotidien Le Télégramme de Brest daté du 27 octobre 2006.
Propos recueillis par Philippe Reinhard

 

L'équipe de Dominique Strauss-Kahn avait manifesté ses craintes à propos de l'organisation du débat interne au Parti socialiste. Etes-vous rassurés après les deux premiers débats télévisés ?
Nous voulions ces débats parce que nous pensions que c'était nécessaire pour la démocratie. Je crois que les militants sont légitimement fiers de la qualité des discussions entre les candidats et de l'audience que cela donne aux idées socialistes. L'autre intérêt de ces débats tient au fait que l'on commence à voir un certain nombre de différences. Dans un esprit de rassemblement et d'unité, chacun peut constater qu'il y a des options et des priorités distinctes. Cela contribue à éclairer les militants socialistes en vue du choix qu'ils feront les 16 et 23 novembre.

Un certain nombre d'observateurs considèrent que Ségolène Royal est sortie à son avantage du débat de mardi dernier sur les questions de société. Partagez-vous cet avis ?
Sincèrement non. Ségolène a été en difficulté lorsqu'il s'est agi de justifier sa proposition de « jurys populaires ». Elle a par ailleurs atténué ses propos sur l'intervention des militaires auprès des jeunes délinquants. Hier, elle plaidait pour le militaire, aujourd'hui elle parle de l'humanitaire. Il y a là un glissement sémantique qui montre qu'elle a du mal à expliciter ce qu'elle a proposé. Face à elle, Dominique Strauss-Kahn a pu développer son approche de ce qu'il appelle « la nouvelle confiance ». Dominique a la conviction que pour remettre la société en marche et pour obtenir la cohésion sociale, il faut installer la confiance, au plan économique et social et entre les générations. Ségolène de son côté développe plutôt une vision de la société qui repose sur le jugement et la défiance. Il y a ainsi deux approches, toutes deux compatibles avec une vision socialiste, mais qui sont clairement différentes.

DSK prétend sentir un « frémissement » en sa faveur. Le ressentez-vous sur le terrain militant ?
Depuis quinze jours que le débat interne a commencé, l'état d'esprit des militants a incontestablement changé. On est moins dans la spéculation et davantage dans l'examen des positions des uns et des autres. On voit combien une campagne électorale change la nature du débat politique. En dehors du temps de campagne, on privilégie les personnalités et les images. En campagne on réfléchit sur les propositions des candidats et leur cohérence. C'est aussi ce qui se passera en mai prochain.

Les sondages donnent toujours Nicolas Sarkozy très en avance. Cela vous inquiète-t-il ?
Non. Les sondages créditent Sarkozy de 35 %, alors qu'on sait qu'il aura du mal à atteindre la barre des 25 % au premier tour. Les Français ne veulent pas d'une Droite de rupture.

Ségolène Royal n'a-t-elle pas un argument imparable dès lors qu'elle apparaît être la seule en situation de battre la droite en 2007 ?
Il y a deux choses frappantes dans la situation actuelle. 1° on voit qu'à droite il y a des doutes profonds et des divisions. Dès lors les candidats socialistes, tous de qualité, sont en mesure de gagner dans six mois. 2° L'importance du contenu et de la cohérence des propositions s'affirme. Le temps où les choix se faisaient sur des images un peu furtives est dépassé. Voici venu celui du sérieux et du concret.

Contrairement à DSK, Laurent Fabius peut compter au sein du PS sur un courant organisé et structuré. Cela ne lui procure-t-il pas un avantage appréciable sur votre candidat ?
Sincèrement non. Laurent Fabius défend des positions, sans doute, trop tournées vers des postures socialistes traditionnelles. Or, au-delà des personnes, le mouvement actuel est celui de l'aspiration au renouveau. Ségolène et Dominique traduisent cette aspiration dans des registres différents. Dominique est à la recherche de la cohérence alors que Ségolène est à plutôt à le recherche du scintillement. Les idées nouvelles de Ségolène ne participent pas des valeurs et de la tradition socialiste. Elle apporte autre chose, mais ces approches posent un problème aux socialistes et à la gauche.

Que reprochez-vous à la stratégie de campagne de Ségolène Royal ?
Nous avons appris de François Mitterrand qu'un candidat socialiste doit d'abord être en mesure de rassembler sa famille. Après, et le 21 avril nous le rappelle, il faut mobiliser la gauche sur ses valeurs fondamentales, et donc sur les questions économiques et sociales. Il faut d'abord mobiliser le peuple de gauche avant de s'adresser à la nation tout entière. Quel que soit le candidat qui sera désigné, il devra mettre en avant les valeurs qui rassemblent les socialistes plutôt que celles qui les opposent.

Ne craignez-vous pas que vos débats internes n'alimentent en arguments vos adversaires de droite lorsque vous aurez choisi votre candidat ?
Je pense que la qualité du débat nous protège de ce risque. Nous avançons dans la recherche de notre part de vérité. Notre travail actuel est beaucoup plus sain que les proclamations d'autosatisfaction et les manifestations superficielles d'unité de la droite. Celles-ci ne résistent pas à l'épreuve des faits.

La quasi-totalité de la direction du PS soutient Ségolène Royal. François Hollande joue-t-il le jeu loyalement ?
Ségolène a effectivement le soutien de l'appareil traditionnel. Cela ne nous empêche pas de veiller au respect des règles. Nous serons de toute façon très vigilants. En particulier au moment du vote.

Existe-t-il un accord de désistement entre DSK et Fabius dans la perspective d'un éventuel deuxième tour ?
Il n'y a aucun accord de désistement. Les divergences existent entre Dominique et Laurent tout comme entre Dominique et Ségolène. Ce sont les militants qui auront à trancher au second tour et certainement pas des accords d'appareils.

Les plus récents sondages nationaux montrent que le candidat qui progresse le plus dans l'opinion est François Bayrou. Redoutez-vous l'émergence d'un troisième homme ?
Si les socialistes sont capables de choisir un candidat porteur d'idées et de propositions innovantes et cohérentes, je pense que nous sommes la seule alternative crédible à la droite. Quelles que soient les qualités personnelles de François Bayrou, il ne représente pas aujourd'hui une alternative crédible.

À mi-chemin de la campagne interne au Parti socialiste, quel est votre pronostic ?
Dominique va progresser. Il s'est nettement affirmé depuis quelques semaines. Évidemment, Ségolène est en tête. Mais elle pose plus de problèmes aux socialistes qu'elle n'apporte des solutions. Il faut que les socialistes aient confiance en eux, en leurs idées. Il n'est nul besoin de rechercher l'aventure.

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