Régionales : Un scrutin à revoir | |
Point de vue signé par Jean-Marie Le Guen et Nicole Bricq paru dans le quotidien Le Monde daté du 7 juin 1990 | |
Après avoir réussi nos fiançailles avec la Région en l'émancipant en 1982 et en lui donnant, en 1986, la légitimité du suffrage universel, allons-nous rater, en 1990, nous, socialistes, un mariage d'amour et de raison ? D'amour, parce que nous avons l'occasion de rapprocher le citoyen de l'exercice du pouvoir, répondant par là même à un principe qui nous est cher. De raison, car les fiancées de 1982 ont su à merveille se servir de leurs nouveaux pouvoirs, se faire reconnaître et apprécier. Elles sont aujourd'hui des partenaires recherchées. Curieux retournement, où les précurseurs d'hier se replient et les regimbeurs d'hier se font aujourd'hui les chantres de nouvelles avancées. S'il faut être polémique pour attirer l'attention, disons que nous ne sommes pas d'accord pour nous laisser voler notre oeuvre. Le moment est donc venu d'apporter les clarifications grâce auxquelles chaque collectivité trouvera sa place dans l'organisation territoriale de la République. La décentralisation a généré à l'usage quelques effets pervers initialement mal mesurés : dilution des responsabilités, superposition des compétences, multiplication des financements croisés, confusion politique. Pourtant, les régions ont un rôle essentiel à jouer dans le développement local. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater la masse et le volume des investissements en faveur des transports, du développement économique et de la formation professionnelle réalisées au titre du IX et du X Plan. Sans elles, le retard pris dans la rénovation et la construction des lycées n'aurait jamais pu être rattrapé. Elles s'engagent désormais avec l'accord de l'Etat dans des secteurs d'intervention comme l'enseignement supérieur et le logement. Enfin, dans la compétition qui ne manquera pas de s'amplifier, avec l'émergence à l'Est de nouveaux espaces, elles se déclarent prêtes à relever le défi d'une telle concurrence. La confusion menace si les initiatives ne sont pas la conséquence de transferts de compétences. Encore faut-il que toutes les conditions soient réunies pour qu'ils soient efficaces. L'absence de majorité stable, homogène, est le principal handicap. L'examen annuel du budget en Ile-de-France est de ce point de vue caricatural. La majorité relative UDF-RPR s'appuie systématiquement et alternativement sur l'un ou l'autre des groupes minoritaires pour faire adopter son budget. L'idée que les socialistes puissent être considérés - au même titre que le Front national - comme une force d'appoint nous est intolérable. Aux uns, on cède quelques millions, certes non négligeables ; aux autres, on vend son âme au détour d'amendements aux relents pestilentiels. Où est la démocratie dans ces marchandages qui n'honorent personne et contribuent à éloigner le citoyen de la classe politique ? Le seul moyen de rompre avec une telle logique, qui dévalue l'institution régionale, consiste à modifier l'actuel mode de scrutin. Cette réforme est d'autant plus nécessaire que le paysage politique de 1992 ne sera pas celui de 1986. Scénario catastrophe L'apparition sur la scène politique des Verts, la banalisation du Front national, la multiplication des listes d'intérêts catégoriels, qui ne manqueront pas de se manifester, conduiront à un émiettement de la représentation. Cette situation discréditera les régions et les rendant ingérables, leur interdisant ainsi toute possibilité de relever les enjeux qui les attendent. Ce scénario catastrophe n'est pas inéluctable. Deux principes doivent être respectés. Il est tout d'abord indispensable d'instaurer une circonscription unique dans chaque région. Cela aura le mérite de permettre une meilleure identification de l'institution, de son rôle, de ses compétences. Ensuite, il convient de mettre en application un correctif qui dégagera une majorité stable et durable. Une limitation de la prime majoritaire à la liste arrivée en tête permettra la représentation des minorités. C'est au plus tard à la session parlementaire d'automne qu'un projet de loi inspiré de ces principes devra être discuté. Ne stérilisons pas le débat en le limitant à l'affrontement Etat-Région. Ceux qui sont ici peuvent être là demain, et vice-versa. Pas de discours à géométrie variable. Mais des règles simples, celles de l'intérêt général. La politique y regagnera quelques galons. Ce n'est pas du luxe, par les temps qui courent. |
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