Rassembler les forces de la reconquête

Marie-Noëlle Lienemann

 Contribution générale présentée par Marie-Noëlle Lienemann.
18 janvier 2003

 
Le 21 avril 2002 restera une date importante dans les annales du socialisme français et donc de toute la gauche. Ce rendez-vous manqué avec l'histoire et avec les Français doit nous interroger sur notre corps idéologique et sur notre discours comme sur notre pratique politique ; pour autant il ne doit pas nous aveugler en provoquant une interminable période de réflexion masochiste dont nous ne saurions sortir.
Le moment est venu, non de réinventer le parti socialiste, mais de lui redonner les moyens de convaincre et, donc de gouverner, en renouant avec sa base sociale par la reconquête des couches populaires. En premier lieu, il nous faut assumer notre mission première, essentielle, d’opposition. Pour cela, il nous faut :
     refonder la pratique militante du parti socialiste ;
     définir un projet socialiste pour la France d’aujourd’hui ;
     mondialiser notre engagement et notre projet.

Oui, nous avons encore un idéal ! Le socialisme s’est fondé sur la condition ouvrière et la révolte contre le joug capitaliste. Le mouvement humaniste, la création des coopératives et des mutuelles, comme l’affirmation du rôle de l’Etat et des services publics, démontraient le caractère collectif de notre vision de la société à construire et du projet porté par les socialistes. Aujourd’hui, ne nous résignons ni à la montée de l’individualisme et des corporatismes, ni au succès des discours démagogiques et populistes et, pas davantage, au recul du sens collectif et des valeurs partagées au profit du consumérisme. Non, s’épanouir, accéder au bonheur, ce n’est pas acquérir et consommer toujours plus et plus vite, sans se soucier de l’autre, qu’il soit notre voisin ou qu’il vive à l’autre bout de la planète.

En remettant en cause les modes de production capitalistes, les socialistes se sont toujours attachés à assurer une juste redistribution des richesses. Sans faiblir sur cette exigence, nous devons prendre en compte l’impact écologique et les menaces qui se profilent pour la Terre en inventant un nouveau modèle de développement. Le socialisme d’aujourd’hui, c’est la synthèse entre l’héritage jauressien et une vision républicaine du développement durable.

Le Congrès de Dijon doit donner le signal de la reconquête et non des règlements de comptes ; il doit nous permettre de refonder collectivement une véritable alternative à la droite, basée sur une identité renouvelée, plus ambitieuse et plus rayonnante. Souvenons-nous que nous sommes à la fois des descendants d’une longue tradition et des défricheurs d’idées nouvelles. Cet objectif est essentiel pour l’avenir de la gauche et de la République mais nous n’y parviendrons que si nous savons dépasser les faux débats entre archaïques et modernes et nous souvenir que l’histoire ne commence pas demain.

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REFONDER LA PRATIQUE MILITANTE DU PARTI SOCIALISTE

 
Inventer des réponses nouvelles rétablissant le lien entre le citoyen et la République, l’individuel et le collectif, l’intérêt particulier et l’intérêt général, c’est combattre le populisme, le Front National et réduire l’indifférence civique. Il est indispensable de trouver les conditions du retour de liens étroits et sincères entre les socialistes et leur base sociale. Nous n’aurons raison politiquement, et a fortiori électoralement, que si nous avons raison socialement. Rien n'est possible sans le renforcement du rôle et du pouvoir des militants assurés que, dans l’opposition comme au pouvoir, notre action sera en phase avec les aspirations populaires.

Accomplir la rénovation dans la clarté

La rénovation de la Gauche passe par la rénovation du P.S. ; il revient aux militants et à toutes celles et tous ceux qui, tirant sérieusement les leçons de ce cycle de défaites (municipales, présidentielles, législatives) savent qu’un nouveau cap à gauche s’impose, d’avoir le courage de dépasser leurs querelles passées ou récentes, de respecter le rythme et l’identité de chacun, de privilégier le fond, le mouvement, le rassemblement et d’aller à l’essentiel.

Soit le P.S. réussit cette mutation politique, idéologique, culturelle et permet une large unité de toutes les forces de Gauche, une dynamique nouvelle d’implication citoyenne, une confiance retrouvée en un projet d’avenir, soit il se contente d’un simple réajustement « plus social », « plus à gauche » ou « plus moderne » et il laissera alors le champ libre à l’émergence de pôles de « radicalité ». Si nous n’y prenons garde, ils incarneront la contestation, mais aussi une certaine défiance face à l’accès au pouvoir, aux responsabilités et minimiseront l’enjeu des changements concrets. L’histoire nous dit, hélas, que cette polarisation, non seulement impuissante la gauche, mais, dans les périodes difficiles et troublées, laisse un espace béant aux partis populistes ou fascisants. Or nous le savons bien, la rénovation exige un changement d’orientation.

Être les révolutionnaires du réel

Jean Jaurès affirmait : « le vrai socialiste, c’est celui qui part du réel ! ». Cette définition de notre vocation a aujourd’hui encore tout son sens. C'est bien la réalité quotidienne du monde du travail, des conditions de vie de nos concitoyens, qui doit être la source de notre détermination au changement et l'inspiration de notre projet. Nous devons donc retrouver notre place parmi les Françaises et les Français et nous exprimer en leur nom, c’est à dire parler d’eux et non leur parler à eux ! Notre fonction n’est pas seulement de suivre le mouvement social, c’est de l’incarner, de le vivre, voire de l’initier.

Pour cela, il nous faut nous doter des moyens de notre temps et de nos ambitions et donner un nouveau souffle au socialisme d’action municipale qui, pendant plus de vingt ans, a déjà su concrétiser les idées, favoriser les innovations, engager les expérimentations et fédérer les énergies. L’innovation locale est une pédagogie du changement. Ainsi, l'un des champs principaux de notre action doit redevenir celui de l’éducation populaire qui ouvre la voie à de nouvelles formes de pratiques collectives d'émancipation. Faisons de nos communes des ambassadrices de notre projet, tissant les liens d’une solidarité locale dynamique, promouvant le développement durable dans le quotidien de l’action politique et faisant émerger des propositions à vocation nationale.

C'est aussi à partir de l'échelle locale que le combat pour la garantie des services publics doit être mené et permettre un engagement militant rassemblant largement autour de nous.

Ainsi, créons des Conseils citoyens de défense du service public, fédérés nationalement, chargés, en partenariat avec le mouvement associatif, syndical et politique, de recenser les atteintes au service public et de mobiliser les usagers pour garantir l’égalité d’accès au service. Des bilans réguliers serviront à trouver les voies et moyens permettant, lors de notre retour au pouvoir, d’en redéfinir les contours, d’en garantir l’efficacité et la pérennité. Les socialistes doivent être particulièrement présents sur ce front ouvert par la droite d’atteinte à l’identité de notre République.

Garantir le respect des militants

Notre parti doit, lui-même, être innovateur et exemplaire, en diversifiant son recrutement, en changeant les modes de sélection de ses cadres et de ses candidats, en renouant avec le militantisme, en tenant compte des formes contemporaines de l’action. A ce titre, la désignation de nos candidats aux élections locales, comme aux législatives et sénatoriales, doit demeurer pleinement de la responsabilité des militants et des fédérations. Nous ne pouvons plus défendre l’idée que l’identité nationale du parti est fondée sur la possibilité pour la Direction d’organiser, seule, la désignation de nos candidats.

Ce qui fait la force du Parti socialiste, c’est le débat interne, le fracas des idées ; nous devons le mener sans crainte des clivages qui peuvent apparaître et en privilégiant toujours ce qui nous rassemble sur ce qui nous sépare. Commençons par respecter les votes des militants et soumettons-leur des questions précises, lors de conventions ou de référendums.

Il nous faut construire les relais indispensables de toute politique ou y participer lorsqu’ils existent déjà (associations de locataires, de parents d’élèves, de quartier, …). Notre place est, chaque jour, aux cotés de ceux que nous devons défendre ; au delà du discours, c’est dans la pratique qu’il nous faut traduire ce changement de cap qui garantira notre crédibilité.

Nous savons bien que, en France, les médias ne peuvent remplacer les indispensables campagnes militantes, le travail de conviction, d’explication et de mobilisation sur le terrain. Cela s’impose en permanence, que l’on soit au pouvoir ou dans l’opposition, c’est l’essence du militantisme. Les socialistes ne doivent plus se voir accusés d’aller à la rencontre des Français uniquement à l’approche des élections.

Réinvestir les entreprises et les quartiers

Écouter, discuter et convaincre, c’est, plus que jamais, l’une des missions des socialistes ; cela signifie qu’il faut être là où vivent nos concitoyens. C’est bien dans les entreprises et les quartiers que se joue la lutte contre le FN. C’est aussi là que s’effectue le véritable brassage de la société française.

Quelle serait notre légitimité à porter les demandes du monde du travail si l’entreprise n’était pas considérée comme un lieu pertinent l’action militante ? Les groupes et sections d’entreprise, à côté des organisations syndicales, doivent retrouver une véritable place dans le travail de réflexion du parti sur le rapport entre socialisme et production, comme dans la mission d’explication des propositions socialistes aux salariés.

C'est aussi dans les quartiers populaires que la reconquête de la Gauche doit s'organiser. Nous devons réunir les militants et sympathisants socialistes qui vivent dans ces quartiers pour leur permettre d'exprimer les attentes de leurs concitoyens, de faire des propositions pour y répondre et d'être représentés effectivement dans les instances de notre parti à tous les niveaux. C'est une garantie pour leur réelle représentation dans les mandats électifs.
Le P.S. doit redevenir un parti militant présent sur tous les territoires.

Assumer notre mission d'opposition

François Hollande l’affirmait en décembre dernier : « C’est une régression générale qui se prépare et le pire est à venir : plan de rigueur budgétaire en janvier, plan d’austérité sociale au printemps. ». Les mobilisations sociales qui se préparent contre le nouveau train de privatisations ou d’élargissement de l’actionnariat privé dans les entreprises publiques ou sur les retraites seront l’occasion d’une clarification politique. Notre façon d’agir dans l'opposition sera très révélatrice des leçons que nous avons tirées de notre échec.
Après le refus des privatisations et des ouvertures de capital, la défense de notre système de protection sociale, sans concession aux fonds de pensions et autres logiques individuelles, est décisive pour bon nombre de nos concitoyens. Nous devons aujourd’hui trouver les moyens de garantir qu’il existe une réelle continuité entre les combats que nous menons quand nous sommes dans l’opposition et l’action que nous entreprenons lorsque nous sommes en situation de gérer. Les revirements du type « Vilvoorde » doivent être définitivement bannis de nos pratiques comme de nos réflexes.

Le principe de notre action doit être la confrontation directe avec la Droite. Même en matière d’insécurité, il est possible de considérer qu’il existe une autre voie que l’activisme médiatique du ministre de l’Intérieur. Portons davantage l’accent sur l’inacceptable ou les manques plutôt que sur ce qui est perçu aujourd’hui comme étant de l’intérêt national. Ainsi, par exemple, nous porterions une lourde responsabilité à accréditer la thèse que la destruction du site de Sangatte a définitivement réglé le dossier des « sans papier ». La politique du gouvernement est claire : médiatiser les formes d’un maintien de l’ordre public pour mettre en place, subrepticement, une forme de désordre social, fragmentant la société, isolant chacun et fragilisant un nombre croissant d’individus ; il est de notre vocation de l’affirmer clairement et de porter haut et fort, et en permanence, la question sociale et, plus particulièrement, celle du salariat.

Assurer l'unité de la Gauche par l'union des forces populaires

L’expérience de la gauche plurielle doit être analysée. D’abord, n’oublions pas qu’elle a permis la victoire, en 1997. Par la suite, l’absence d’un accord programmatique scellé entre tous les partenaires a contribué à des difficultés dans l’action gouvernementale et entretenu des déceptions et des divisions. Enfin, elle n’engageait pas réellement les partis et fut incapable, au cours de ces cinq années, de trouver ce nouveau souffle qui aurait pourtant été indispensable au milieu de la législature. L’union de la Gauche reste le talisman de la victoire et l’émiettement des forces pèse toujours lourdement sur le résultat des élections.

Nous devons être les acteurs inlassables de l’unité de toutes les forces de Gauche autour d’objectifs de transformation sociale. Il y a urgence à mettre en oeuvre une fédération de tous les partis et forces de Gauche travaillant à un manifeste de refondation. Il convient d’associer à cette réflexion les mouvements et associations prêts à s’engager pour le succès de cette démarche. Reste que le PS lui-même doit cesser de sous-traiter, par exemple, le social aux communistes et l’écologie aux verts.

Le temps est venu de donner corps et réalité à l’Union des forces populaires. Notre vision de l’expression du rapport de forces doit désormais se confondre avec une explicitation permanente intégrant les rendez-vous électoraux, sans les surestimer. Si nous souhaitons redevenir des mandataires des attentes populaires, nous devons dialoguer, réfléchir et travailler avec toutes les forces de transformation sociale.

DIX PROPOSITIONS CONCRÈTES :
     Créer le Mouvement socialiste des quartiers pour fédérer nos adhérents et sympathisants qui y vivent et, ainsi, mieux les associer ;
     Redonner à la F.N.E.S.R. une mission de valorisation et de soutien aux initiatives municipales pour préparer des propositions innovantes pour l’avenir ;
     Créer des forums thématiques permanents rassemblant des responsables nationaux et fédéraux du PS, les associations et ONG répondant à de grands objectifs mobilisateurs pour changer la vie ;
     Engager toutes les municipalités socialistes dans la réalisation d’un « agenda 21 local » ;
     Créer des Conseils citoyens de défense du service public, fédérés nationalement, chargés, en partenariat avec le mouvement associatif, syndical et politique, de recenser les atteintes au service public et de mobiliser les usagers pour garantir l’égalité d’accès ;
     Créer un Secrétariat national à la lutte contre l’extrême droite pour affirmer notre volonté d’assumer le combat pour les valeurs républicaines et pour définir et engager les actions de lutte, sur le terrain, contre les thèses d’exclusion ;
     Valider les programmes d’action fédérale comme ceux des directions des sections locales par un vote annuel de quitus dont un rejet, acquis à une majorité de 2/3 des militants, entraînerait la démission du premier secrétaire fédéral ou du secrétaire de section ;
     Renouveler, à chaque Congrès, au moins un tiers des membres des instances nationales ;
     Soumettre à un référendum militant les résolutions adoptées par les Conventions nationales ;
     Organiser des conventions thématiques sur des sujets d’actualité ou d’avenir (avec des choix d’options précises soumis au vote des militants) comme nos propositions fiscales, sur l’Europe , l’élargissement et la future constitution de l’UE, la défense de la protection sociale, de nouvelles institutions pour la France.

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DÉFINIR UN PROJET SOCIALISTE
POUR LA FRANCE D’AUJOURD’HUI

 
Une orientation claire, une volonté effective de changer la société et l’ordre établi doit inspirer, à nouveau, toutes les forces de progrès. Il faut désormais rendre réellement compatibles la logique de l’alternance et l’objectif de faire émerger une alternative à la domination du capitalisme financier transnational. C’est nécessaire et c’est possible. Les temps changent, l’heure n’est plus au libéralisme triomphant, à l’ode en faveur du tout marché, du tout marchand. Nos concitoyens attendent de nous un projet, une vision, radicalement différents de ce qui se profile à l’horizon, mais aussi un passage à l’acte effectif et des résultats tangibles. Il nous revient donc la responsabilité d’initier les bases du réformisme radical, aujourd’hui dans l’opposition et demain au pouvoir.

Combattre l'économie du « tout marché »

Depuis les années 70, on assiste à un retour en arrière, y compris sur le plan de la théorie économique ; le libéralisme et la pensée néo-classique imposant leur règne. Pourtant, les limites intrinsèques du marché sont établies depuis longtemps par les économistes eux-mêmes. Le triomphe du dogme libéral est venu saper les acquis du socialisme les uns après les autres, servi par le consensus de Washington et les modes d’action des institutions européennes. Or, après une première période libérale qui s’est achevée avec la crise de 1929, une seconde a commencé au début des années 80 avec Reagan et Thatcher et le mouvement s’est ensuite accéléré, débouchant sur l’ultra libéralisme et une nouvelle crise. Nous sommes à un nouveau tournant ; maintenant, c’est à nous d’inventer le « New Deal de l’Europe du XXIème siècle » !

Changeons de perspective, revenons à un raisonnement dans lequel ce sont d’abord les besoins, ceux des humains et de leur écosystème, qui déterminent nos choix et les politiques mises en oeuvre et non pas simplement la loi de l’offre et de la demande qui conduit, elle, à tout marchandiser. Le marché ne répond qu’à la demande solvable. Or, de nombreux besoins humains et écologiques ne le sont pas. Nous devons nous opposer à l’extension sans fin de la sphère marchande.
Ainsi, il faut créer des secteurs économiques protégés pour l’éducation, la santé, la culture, la gestion du patrimoine génétique ou des ressources naturelles comme l’eau. Mais aussi lorsque les infrastructures (urbanisme, courrier, transports, énergie, …) y ont une part essentielle, incompatible avec les impératifs de rentabilité dictés par les marchés ou lorsque la cohésion territoriale est en jeu.
C'est tout l'enjeu des services publics. L’essentiel consiste d’abord à en fixer le périmètre et c’est à la Nation, et à elle-seule, de déterminer les biens et les services qui échappent aux règles de l’économie de marché, pour adopter celles de l’économie des besoins. Ensuite, se pose la question de la gestion de ces services et donc de la propriété. Cette propriété doit être entièrement publique chaque fois que l’ouverture du capital altère les principes mêmes du service public : égalité, péréquation, aménagement du territoire voire indépendance nationale. C’est le cas pour EDF. Enfin, la propriété ne suffit pas. Ce sont aussi les critères de gestion et les règles qui doivent distinguer les services publics des services purement marchands, avec des règles de contrôle strictes sur leurs dirigeants et sur l’efficacité du service rendu, car ce sont des fonds publics qui sont en cause.

Ressuciter l'État comme acteur économique

Le capitalisme contemporain est marqué par une financiarisation généralisée qui joue contre la production, le travail et aggrave les inégalités. On ne peut durablement laisser disparaître des entreprises, voire des pans entiers d’activités parfois stratégiques, pour la seule raison que leur rentabilité pourtant assurée n’est pas suffisante et n’atteint pas le seuil exigé de 15 %. Parmi les choix qui incarneront la rénovation de la Gauche, ressusciter l’Etat comme acteur économique, pour faire vivre des services publics de qualité, accessibles à tous, pour soutenir des politiques industrielles libérées de la dictature boursière, inventer de nouvelles formes de planification est certainement un des changements les plus radicaux à assurer. Les socialistes doivent en ce début du XXIème siècle, plus de 10 ans après la chute du mur de Berlin, non seulement promouvoir des régulations économiques, sociales et écologiques mais redéfinir les contours d’une économie mixte (ou plurielle) au sens où, à la complémentarité public-privé, devrait s’ajouter le champ de l’économie sociale.

La rupture avec les dérives néo-libérales suppose une refonte fondamentale de l’ensemble de notre système fiscal qui permette une redistribution entre riches et pauvres, entre revenus du capital et du travail. L’impôt direct doit être privilégié par rapport à l’impôt indirect, la progressivité doit être systématiquement recherchée, en particulier pour la CSG et les impôts locaux. L’impôt sur le revenu doit être revalorisé et rendu plus juste. Du coté des entreprises, les prélèvements sociaux doivent être assis sur la valeur ajoutée pour alléger les cotisations des entreprises de forte main d’oeuvre et accroître la contribution de celles de forts profits et de peu d’emplois. Cette stratégie doit accompagner une relance salariale, la lutte contre la précarité des statuts et la montée du nombre des salariés pauvres. Nous n’avons pas su, en cinq ans, mettre en oeuvre une réforme fiscale juste, redistributive, favorable à l’emploi, au travail et à l’environnement.

Rapprocher écologie et socialisme de production

Trop longtemps, nous avons confondu le progrès avec le productivisme. Nous connaissons désormais les profonds déséquilibres, les lourdes menaces, les réelles pollutions que cette logique génère. Or il est clair que la recherche du profit maximum, accumulé à court terme, joue à plein pour déstabiliser l’écosystème de la planète et détériorer notre environnement. Les inégalités écologiques s’ajoutent la plupart du temps aux inégalités sociales : une vision écologique de nos pratiques et de notre projet s’impose et l’idée du développement durable doit être complètement partie prenante de notre action. Mais le concept n’est pas pour autant inéluctablement de gauche ; il peut être décliné par les libéraux ou récupéré par les firmes multinationales pour faire prévaloir leurs intérêts. Nous le voyons bien avec les droits à polluer, la multiplication des taxes injustes et impôts indirects au nom du principe pollueur-payeur, l’accumulation de profits au nom de la dépollution par des groupes qui parfois en sont les responsables. Ne leur laissons pas le champ libre : nous devons promouvoir une vision de gauche du développement durable et rompre avec certaines formes de notre mode actuel de production et de consommation.

Si le socialisme de la redistribution doit être indéfectiblement lié à celui de la production, il faut réviser nos conceptions des « quoi », « comment » et « pourquoi » produire et examiner l’impact global des biens et services que nous réalisons. Les libéraux ont fait croire qu’il n’était plus possible de mener des politiques industrielles, porteuses de l'intérêt général sur le long terme que cela soit au niveau national ou Européen. « Agir localement et penser globalement » rend encore plus indispensable une planification rénovée qui programmerait des actions vigoureuses de lutte contre les pollutions, tant pour restaurer un état satisfaisant de l’environnement que pour prévenir et réduire les nuisances à la source.

Parfois, comme dans le cas de l’eau, le service public devrait s’imposer ; dans d’autres cas, il est possible de créer des contrats liant l’Etat et les branches industrielles autour d’innovations technologiques ou de défis écologiques (développer les énergies renouvelables, assurer une forte qualité environnementale dans les bâtiments, réduire la consommation d’énergie, lutter efficacement contre l’effet de serre, baisser le bruit en milieu urbain, organiser une observation systématique de l’état de l’environnement sur tout notre territoire). L’Etat peut intervenir par des politiques normatives, par des commandes publiques, mais aussi par des investissements financiers et des fonds d’innovations, voire des prises de participation, au service de grandes causes écologiques, de la modernisation de notre économie et donc de l’emploi.

En matière d’environnement, comme hélas dans bien des domaines, l’action publique se met en oeuvre au travers des procédures, des dispositifs, sans que les intentions affichées soient atteintes dans la réalité. Le développement durable doit aussi induire une profonde rénovation de l’État autour d’objectifs précis, concrets, mesurables qui permettent à nos concitoyens de juger de l’efficacité de l’action publique, mais aussi de s’impliquer et d’agir pour une cause d’intérêt général.

Affirmer l'égalité républicaine et l'universalité des droits

Le contrat civique qui se noue autour du pacte républicain est fondé, d’une part sur la reconnaissance des mêmes droits pour tous, sans distinction d’origine, de couleur, de naissance, de fortune, de confession et, d’autre part, sur des devoirs, l’adhésion et l’implication citoyennes de chacun. Manifestement ce pacte est en crise dans ses deux dimensions. Mais n’oublions jamais que cet équilibre n’est pas une sorte de troc, une comptabilité notariée, une conditionnalité généralisée à l’octroi des droits. La République ne sera convaincante que si nous rendons plus concrète l’égalité républicaine et si sont effectivement assurés, à tous ceux qui vivent sur notre sol, des droits fondamentaux :
     la garantie du droit au logement pour tous ;
     l’affirmation du droit à la sécurité pour chacun ;
     la priorité donnée à l’école ;
     le refus de toute ségrégation et discrimination
L’idéal républicain doit aussi mieux rimer avec laïcité car seule la République laïque assure la liberté des consciences et des croyances et permet de lutter contre tous les communautarismes.

L’éducation est certainement l’enjeu essentiel qui permet de relever tous les défis qui viennent : l’égalité, la promotion sociale, la diffusion du savoir, la citoyenneté, l’accès aux qualifications donc à l’emploi, l’usage des nouvelles technologies mais aussi le civisme et l’intégration.
Un projet socialiste, c’est d’abord un projet éducatif, qui vaut pour tous les âges de la vie et qui dépasse les lieux même de l’école : lutte contre les inégalités scolaires, éducation tout au long de la vie, formation aux emplois de demain, éducation populaire. Tout se tient.
Dès 2003, le PS doit s’engager, avec tous les partenaires de l’action éducative, dans un grand chantier de réflexion afin de définir un plan global pour fonder la société de la connaissance, indispensable à la réussite économique et sociale de notre pays mais aussi à l’intégration républicaine. L’accès de tous les jeunes à l’enseignement supérieur où à une formation qualifiante de qualité nécessite la création d’une allocation autonomie accompagnant le grand pari culturel qui doit identifier la France du XXIème siècle.

Le concept de droit à la santé pour tous s’est imposé au fil des années, parallèlement à la matérialisation des conséquences de la « maîtrise comptable des dépenses » (inégalités territoriales, manque de personnel, pénurie de médecins spécialistes, …). Par ailleurs, il serait faux de croire que c’est la seule mise en oeuvre de la R.T.T. qui a fragilisé l’hôpital public et mis en danger grave l’équilibre et la performance de notre système de santé. Aujourd’hui, notre modèle est au bord de l’implosion.
Nous avons à répondre aujourd’hui au défi majeur de l’égalité d’accès des citoyens, quel que soit leur lieu de résidence, du quartier défavorisé au bourg rural, à une santé de qualité qui accueille, soulage et traite tous les patients.
Nous devrons repenser l’articulation entre médecine de ville et structures hospitalières, affirmer le droit à l’information du malade et de sa famille dans le système de santé et faire de la CMU l’outil universel de prévention et de traitement des maladies.

Construire la République sociale

Notre action politique doit d’abord s’identifier socialement. Elle ne peut être une sorte d’offre publique où chacun se servirait suivant sa catégorie et jugerait à l’aune de ses intérêts particuliers. Nous devons être le parti du salariat et notre action doit viser à renforcer son rôle et sa situation dans la société. Notre notion de l’ordre social conduit à limiter le recours à l’intérim, pénaliser la précarité, renforcer la démocratie sociale et encadrer les licenciements. Notre engagement dans cette voie doit être résolu et efficace pour ne pas déléguer à d’autres ce front ouvert des fractures sociales. Dans ce sens, la valorisation du travail et du travailleur est centrale dans la lutte contre les thèses du FN.

Pour nous il ne saurait y avoir revalorisation du travail sans la valorisation et la reconnaissance des salariés ou de ceux qui ne vivent que de leur travail, de leur créativité. Réaffirmons le lien indissociable entre nos deux objectifs, celui du plein emploi et celui du « well fare state » garantissant un haut niveau de protection sociale. Le chômage touche durement ceux qui sont frappés mais freine toute amélioration du sort des salariés. A contrario, nous devons combattre de façon radicale l’émergence des salariés pauvres.

La défense du salariat, c’est aussi la volonté de garantir une progression régulière des revenus. Il n’y a pas d’autre voie que la revalorisation du SMIC, l’interdiction d’avoir des minima de branche qui lui soient inférieurs et, surtout, la création d’une Conférence salariale, instaurée comme une obligation institutionnelle, à l’instar de ce que font nos voisins allemands. Car il convient aussi de renouer avec la promotion sociale qui doit reconnaître les compétences et formations acquises au cours la vie professionnelle ainsi qu’avec le progrès collectif.

La défense et l’élargissement de notre protection sociale doit en être l’un des piliers et le combat pour le maintien de notre système de retraite doit clairement refuser tout recul. En matière de retraite, la question majeure est celle du financement. Nous devrons prévoir simultanément un changement de la base de calcul et une augmentation du niveau des cotisations qui devront restées adossées aux entreprises et consolider de façon imaginative de Fonds de répartition. Nous voulons la retraite à 60 ans, à taux plein, et défendons une durée des cotisations qui devrait revenir progressivement à 37,5 années pour le privé et, au moins dans un premier temps, pour tous ceux qui ont un emploi pénible. La possibilité de partir à la retraite avant 60 ans pour ceux qui ont atteint leur durée légale de cotisation est un impératif de justice sociale. Car rappelons-le avec force, nous ne saurions accepter, de près ou de loin, les fonds de pensions individuels ou par entreprise. Tant qu’il y aura du chômage, tout recul de l’âge de la retraite revient à une double pénalisation. Celle des plus âgés contraints à partir plus tard et celle des jeunes qui ont des difficultés à trouver du travail et voient leur avenir amputé.

Être le parti du salariat, c’est aussi inventer la sécurité sociale professionnelle qui doit accompagner un monde économique en mutation où l’on n’accepte pas la précarité, les licenciements des salariés comme des « kleenex » et une fragilisation des droits sociaux.

Faire vivre l'urbanité républicaine

La qualité de vie sous tous ces aspects (logement et cadre de vie, mobilité, environnement, sécurité, services de proximité..) est un élément essentiel pour la dignité de chacun, comme pour une société fraternelle et émancipatrice. Ne nous voilons pas la face, il y a en France de réels ghettos qui se constituent, et pas seulement dans quelques sites limités. Une ségrégation urbaine et sociale s’opère presque partout. Elle vient en écho et en amplificateur de la logique inégalitaire du libéralisme. Il y a une urgence absolue à inverser la donne avec un vrai « Plan Marshall » pour les banlieues ; mais la réparation ne suffit pas il nous faut repenser la ville.
Nous devons faire vivre l'urbanité républicaine, c'est à dire promouvoir une ville vivante et humaine, ouverte et tolérante, en cassant les ghettos, en faisant vivre la mixité sociale et en défendant un développement urbain plus harmonieux, respectueux de l'environnement, donnant du sens au développement durable. Contribuons à redonner à la ville son rôle de carrefour de cultures, de rencontres, d'activités et de créations. Portons une vision de la ville humaine et humaniste ; une ville sûre, belle et conviviale. La république c’est la Fraternité, le vivre ensemble, le refus du communautarisme.

Mais c’est aussi l’égalité, l’universalité des droits fondamentaux de la personne humaine. Le droit à un logement décent doit devenir non seulement un objectif, mais une obligation de résultats ; il doit être inscrit dans notre Constitution, devenir opposable. Et pour relever ce défi, il nous faut de nouveau outils comme la Couverture Logement Universelle. Avec la CLU, la France pourrait se doter d'une nouvelle forme de protection sociale pour faire vivre le droit au logement.

Trop de gens vivent dans des logements indignes, trop petits, trop chers, ou n’en trouvent pas. Rien ne sera possible sans un plan exceptionnel de réalisation de logements sociaux, bien répartis sur tout notre territoire, accessibles pour les jeunes, les couples qui s’installent, nos aînés qui ont besoin de logements mieux adaptés, les familles nombreuses, les personnes en grandes difficultés, et bien d’autres. Pour nous, une politique de logement social concerne une bonne moitié des habitants. En ce sens arriver à ce qu’ il n’y ait plus de SDF vient comme un impératif à l’urbanité Républicaine. Mais soyons clairs, il ne s’agit pas de se contenter de quelques pansements pour les plus pauvres mais bien d’un progrès collectif pour tous.

Ancrer la citoyenneté comme valeur identitaire

Ceux d’entre nous qui ont assumé le dialogue avec les Français ont bien perçu la nécessité d’affirmer plus lisiblement la place du citoyen dans le processus démocratique de notre pays. Trop de gens se considèrent comme exclus de la décision publique. Nous devons réinventer les règles de la démocratie et favoriser une nouvelle implication citoyenne.

C’est, en réalité, tout ce qui fonde le pacte républicain qui doit être revisité et réaffirmé.
Aussi, c’est à la République, en premier, d’offrir à ses enfants ce qui fait leur identité de citoyen sans en monnayer, socialement ou non, l’octroi ; le Contrat civique peut devenir l’expression de ce rapport nouveau entre la nation et celles et ceux qui la composent. D’un côté, chaque jeune doit pouvoir bénéficier d’un apprentissage utile à la société et valorisant pour lui-même. Dans cet esprit, l’apprentissage, obligatoire et gratuit, de la conduite automobile permettrait de mieux former les conducteurs et d’assurer à tous un passeport pour le monde adulte et, notamment, le monde du travail. Permettre à tous de sauver une vie est une façon concrète de développer l’altruisme. Gageons que si la préservation de la vie d’autrui redevenait une valeur partagée par tous les citoyens, et ceci dès leur plus jeune âge, les rapports sociaux gagneraient en respect mutuel. Le rapport à la justice, voulue comme rendue au nom des Français, pourrait également être profondément transformé si on imaginait un système décentralisé et généralisé d’échevinage ; aux côtés des magistrats professionnels, la participation des citoyens rapprocherait la justice du peuple. Il s’agit ainsi de redonner sens à l’esprit républicain.

Renforcer la démocratie avec la VIème République

Les pesanteurs de la Vème République enferment les partis dans une logique propre et contribuent très largement au décalage croissant entre l’action publique et les citoyens. A la forte influence de la technocratie, au recul des visions collectives et à une certaine illégitimité de l’intérêt général, il nous faut opposer un système institutionnel plaçant le citoyen au centre de la pratique démocratique. Nous devrons défendre une transformation majeure de nos institutions et le passage à une VIème République plus parlementaire et sociale.

Le rôle du parlement, son droit à l’initiative, le renforcement du législatif face au réglementaire, la limitation des mandats dans le temps et dans le nombre, la répartition des compétences entre les différentes institutions de la République, l’initiative citoyenne sont autant de sujets qui peuvent permettre une adaptation de nos institutions à une pratique moderne et démocratique. Il est vain d’imaginer que nous pourrons sortir de la crise politique actuelle sans une réforme institutionnelle majeure ; aussi, les socialistes doivent définir leur propre projet de Constitution.

Si la réalité du contenu de la VIème République reste à définir précisément, nous devons affirmer notre désir d’en finir avec la pratique que nous connaissons depuis 45 ans. Encore faut-il que nous fassions le choix d’assumer notre volonté de rupture avec la pratique institutionnelle actuelle.

DIX PROPOSITIONS CONCRÈTES :
     Créer des Conseils départementaux de la transformation sociale rassemblant l’ensemble des partis de progrès, des forces syndicales, des représentants du monde associatif réformiste et de l’économie solidaire prêts à s’engager dans la définition de plate-formes d’action départementales ;
     Définir des secteurs économiques protégés du marché pour l’éducation, la santé, la culture ou lorsque les infrastructures y ont une part essentielle, incompatible avec les impératifs de rentabilité ou lorsque la cohésion territoriale est en jeu ;
     Promouvoir une vision rénovée de la planification et de la politique industrielle autour des objectifs écologiques et du développement durable avec la rédaction d’un Manifeste pour l’écologie et le développement durable ;
     Redéfinir le projet socialiste des « 35 heures » pour en faire une réforme soutenue par les salariés parce que considérée comme viable et véritablement porteuse de garanties sociales nouvelles ;
     Instituer une Conférence salariale annuelle qui cadre, dans le secteur privé comme pour les fonctions publiques, le champ minimal des négociations à intervenir par branche pour la définition des évolutions des salaires ;
     Instaurer un Contrat civique, ouvert aux filles comme aux garçons dans leur dix-septième année, permettant les apprentissages fondamentaux de la citoyenneté et de la solidarité ;
     Inscrire dans la Constitution un « Droit au logement » permettant à chacun de vivre dans un lieu décent et instaurer la C.L.U. comme nouvelle forme de protection sociale et mettre en œuvre un plan Marshall pour les banlieues ;
     Limiter strictement les mandats électifs dans le temps et dans le nombre ;
     Présenter un projet de Constitution
    , affirmant un régime parlementaire et élargissant, dans la sphère sociale et sur le terrain, l’initiative citoyenne ;
     Rendre le recours au référendum obligatoire pour les grands sujets de société et la ratification des modifications constitutionnelles afin de renforcer la démocratie citoyenne.

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EXPLICITER
LA VOCATION EUROPÉENNE
DU PARTI SOCIALISTE
POUR AFFIRMER NOTRE VOLONTÉ
D’UN MONDE DIFFÉRENT

 
Le développement durable est désormais objet de débat à l’échelon de la planète et nous devons lui donner un contenu concret et conforme aux idéaux universalistes que nous avons hérités de la Révolution française et de l’internationalisme socialiste.
Au delà de l’exigence écologique qui devra s’imposer à nos modes de production et à nos modes de vie, la reconnaissance de l’universalité des droits fondamentaux de la personne humaine apparaît aujourd’hui comme une vision moderne et exigeante du progrès mondial. Le développement durable ne peut reposer que sur un ordre mondial plus juste, la coopération et la régulation internationale, un partage équitable des richesses, facteur de paix, de prospérité et d’équilibre démographique.

Réorienter la construction européenne

Nous ne pouvons plus repousser sans cesse l’indispensable réorientation de la construction européenne. Le préalable est démocratique. L’avenir de l’Europe ne saurait continuer de se négocier entre gouvernants nationaux et responsables européens, à l’exclusion de toute intervention des populations. Comme en France, en Europe, nous défendrons le rôle déterminant du parlement parce qu’il représente le peuple, l’intérêt général.
Notre choix doit être celui de l’affirmation du droit des peuples à être consultés sur les conditions de l’élargissement de l’Union, bien sûr, mais aussi sur les conclusions de la Convention sur l’avenir de l’Europe. Nous devons immédiatement mobiliser nos concitoyens pour que la future constitution soit obligatoirement ratifiée, en France, par un référendum. Et d’ailleurs, pour l’avenir, il faudrait que la Constitution française prévoie que toute modification des traités européens soit obligatoirement acceptée par voie référendaire ; nul doute que cette automaticité démocratique pèserait sur le contenu des décisions.

L’urgence est sociale. Un traité social doit consacrer le principe de la convergence des standards sociaux en les harmonisant par le haut pour combattre les délocalisations et le dumping, qui instaure dans toutes les entreprises ou groupes présents en Europe des règles de démocratie sociale qui fasse du plein emploi et de la recherche de la croissance les objectifs majeurs des politiques économiques et monétaires de l’UE, s’imposant même a la banque centrale. Pour s’opposer à la politique de dérégulation qui prévaut aujourd’hui, une directive cadre sur les services économiques d’intérêt général, doit garantir les services publics.

L’Union européenne doit devenir l’un des moteurs de la croissance des pays membres en sortant des contraintes monétaristes du pacte de stabilité, en lançant de véritables programmes de grands travaux dont nos pays et nos concitoyens ont besoin, en développant une politique fiscale favorable à l’emploi comme des baisses de TVA qui devront être compensées par un renforcement des impositions sur le capital ou les profits. Ces grands travaux, financés par un grand emprunt ou la création d’un impôt communautaire, permettraient de :
     combattre les inondations et restaurer un bon état écologique de l’eau dans toute l’UE
     développer les infrastructures et les transports collectifs pour le fret, les passagers et en ville ;
     réduire les gaz à effet de serre et développer les énergies propres et renouvelables ;
     renforcer la recherche pour combattre les maladies ;
     initier de véritables programmes de co-développement avec le sud.
Plus largement, pouvoir doter l’Europe d’un réel pilotage économique et d’une influence retrouvée sur la monnaie est vital pour que les peuples retrouvent confiance en la politique et en l’avenir.
Parce que nous sommes résolument européens, nous ne pouvons laisser l’Union se diluer dans un magma informe d’inspiration libérale. L’Europe doit exister au niveau international, face au géant américain, par une politique commune en matière de Défense comme dans le domaine de la politique étrangère ou celui de la régulation économique mondiale.
Même si cela paraît mal parti, il faut tout faire pour que la future Constitution inclut toutes ces dimensions politiques, économiques, sociales ainsi que la Chartre des droits fondamentaux, qui mériterait d’être améliorée. L’élargissement fait peser des risques majeurs sur notre projet d’une Europe, fédération politique, capable d’assurer de vrais arbitrages économiques, monétaires, de défendre un modèle social et culturel ambitieux, d’affirmer sur la scène mondiale une autre voie pour la planète. Aussi la constitution d’un noyau plus restreint et plus cohérent est, sans doute, la solution d’avenir.

Pour mener à bien cette réorientation, nous avons besoin d’un outil efficace ; il nous faut donc faire du PSE un vrai parti, transnational, démocratique, avec une vraie base militante et une vraie ligne politique. Cette mutation nécessite une nouvelle pratique où tous les militants du PSE auront à voter directement sur un ou plusieurs textes alternatifs. Notre parti devrait proposer au prochain congrès du PSE un mémorandum pour préparer cette transformation sur l’avenir du socialisme européen et soumettre aux votes ces lignes directrices. Nous ne sommes pas les seuls à nous interroger et à tirer les leçons de la douloureuse expérience d’une majorité de gouvernements de gauche en Europe qui n’a pas su faire suffisamment avancer nos idées.

L’Europe n’est pas notre seul horizon et l’organisation politique et économique de l’espace méditerranéen doit être un engagement concret de notre génération qui dépasse la réponse à donner aux états, comme le Maroc ou la Turquie, qui ont déjà fait acte de candidature à l’Union. A l’instar de ce qu’avait imaginé, en son temps, François Mitterrand pour les pays de l’Est, nous devons proposer la création d’un Conseil de développement des pays du bassin méditerranéen, partenaire du Conseil de l’Europe, pour répondre par des politiques multilatérales, aux demandes de ces pays d’intégrer l’espace communautaire.

Défendre un développement durable de gauche et l'altermondialisation

Dix ans après le sommet de la Terre de Rio, le bilan est accablant : l’état de la planète n’a cessé de se détériorer, les signes d’alerte d’un réchauffement de notre climat se multiplient. Quant au fossé Nord-Sud, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est plus béant que jamais.
Chaque fois qu’il s’agit de mettre en place des conventions internationales sur l’environnement ou sur les médicaments, les blocages se sont multipliés. L’hégémonisme américain a joué à plein, aujourd’hui renforcé par la politique unilatéraliste de Georges W. Bush. Pour sortir de cette spirale infernale, mais aussi pour faire reculer les replis nationalistes, les idéologies xénophobes, fascisantes ou l’obscurantisme, une alter-mondialisation doit restaurer la primauté du politique sur la finance et les marchés et assurer des régulations sociales et environnementales impératives. Elle doit s’engager par :
     l’affirmation de l’universalité des droits fondamentaux comme guide et objectif de toute action publique.
    Ces droits doivent maintenant dépasser le strict, mais toujours indispensable, respect des Droits de l’Homme. Ils doivent garantir à tous un logement digne, une éducation de qualité, un environnement préservé, l’accès à la santé mais aussi à l’eau, à l’énergie et aux réseaux. C’est le progrès de ces droits qui donne la mesure et le sens des engagements internationaux, au premier rang desquels la nécessaire augmentation de l’aide au développement. Il impose aussi aux pays du Nord un devoir d’exemplarité ;.

     la création de fonds mondiaux pour faire vivre ces droits fondamentaux.
    Sans argent, et notamment sans des programmes d’investissement massifs, ces droits resteront du domaine du voeu pieux. Il faut donc dégager les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre et enclencher ainsi le cercle vertueux du développement durable… Ces fonds, pour être suffisamment abondés et pérennes, doivent s’adosser à une taxation des flux financiers du type taxe Tobin ;.

     un pilotage politique global de l’ONU.
    La création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement (OME) doit s’opérer en lien avec l’OMS, le BIT et l’OMC, au sein de l’ONU. Les nations unies devraient convoquer une conférence spécifique sur la hiérarchie des normes afin des les différends ne se tranchent pas seulement à l’aune des seuls critères commerciaux et que soient reconnues, de façon prioritaire, les normes internationales du travail, des normes environnementales et le principe de précaution. Ensuite, on peut envisager la constitution d’un véritable Conseil du développement durable, chargé de la sécurité économique environnementale et sociale de la planète qui aurait vocation à définir les politiques des organisations internationales, dont le FMI et la Banque mondiale ;.

     la reconnaissance d’un intérêt collectif supérieur limitant la marchandisation.
    Certaines nécessités vitales pour les humains ou pour l’écosystème doivent être satisfaites coûte que coûte. Il est ainsi légitime d’exclure du champ de l’OMC, l’éducation, la santé, la culture ou les services publics. Dans le même sens, s’inscrit le refus de la brevetabilité du vivant.
L’Europe doit reprendre la main pour devenir un acteur majeur et engagé, sur la scène internationale, pour un monde équilibré en proposant aux pays du Sud un pacte et un programme de transition vers le développement durable. Il annulerait la dette du tiers-monde et devrait prévoir une remise en cause de notre modèle productiviste, des engagements de réduction des pollutions au Nord et le soutien à des méthodes diversifiées et bien adaptées au développement.

Le combat ne date pas d’hier et à y regarder de bien près, l’alter-mondialisme est l’héritier naturel de l’anti-impérialisme de naguère ; seuls quelques protagonistes de l’hégémonisme transnational ont disparu et les armes de ceux qui subsistent sont variées. Celles de la guerre demeurent (on le voit en Irak), mais d’autres, toutes aussi redoutables, s’imposent face aux faiblesses des populations. Au delà des manifestants de Seattle, Gènes ou Porto-Alègre, le prix Nobel d’économie et ancien vice-président de la Banque mondiale, Stigliz déclare : « Aujourd’hui, la mondialisation, ça ne marche pas. Ca ne marche pas pour les pauvres. Ca ne marche pas pour l’environnement. Ca ne marche pas pour la stabilité de l’économie mondiale ». Et maintenant, se profile en plus un dérèglement majeur du système financier mondial, atteint en son cœur même, les Etats-Unis plongeant les marchés financiers dans une crise de confiance sans précédent. La faille est là.

En différents points de la planète, des peuples se retrouvent pour engager des luttes parallèles contre un ennemi commun : le capitalisme transnational. Les socialistes doivent prendre leur place dans ce combat, avec la volonté d’offrir des perspectives politiques à cette détermination au changement.
Inventer une autre mondialisation, considérer la révolution écologique comme une chance et soutenir de nouveaux modes de développement est une façon contemporaine de redonner sens à l’intérêt général et de définir un dessein collectif à l’humanité ; c’est cela le socialisme moderne !

DIX PROPOSITIONS CONCRÈTES :
     Proposer la création d’un Parti socialiste européen rassemblant les militants socialistes, socio-démocrates et travaillistes des pays de l’union européenne engagés dans la voie d’une véritable action au niveau européen ;
     Obtenir la mise en place d’une directive sur les services publics qui reprenne les principes d’organisation de notre pays en matière d’égalité d’accès des citoyens et de secteurs économiques protégés du marché ;
     Fixer à l’Union européenne un rôle moteur dans la relance de la croissance des pays membres par le lancement et le financement de grands travaux d’infrastructure et de politiques communautaires sur les secteurs prioritaires ;
     Faciliter le recours au référendum pour tous les sujets ayant trait à la modification du droit français du fait des directives ou décisions européennes pour mieux associer les populations à la construction de notre destin commun ;
     Instaurer un Conseil de développement du Bassin méditerranéen en partenariat avec le Conseil de l’Europe et ouvert à tous les pays concernés désireux de s’associer au modèle social et économique de l’Union ;
     Exiger la création d’une Conférence internationale sur la hiérarchie des normes qui permette que les différends entre états se règlent en prenant en compte des critères sociaux ou de développement ;
     Définir une Charte des droits fondamentaux de la personne humaine garantissant à chacun un logement digne, une éducation de qualité, un environnement préservé, l’accès à la santé, mais aussi à l’eau, à l’énergie et aux réseaux ;
     Militer pour la création de Fonds mondiaux de soutien au développement durable de la planète, alimenté par une taxation des flux financiers et gérés par un outil international mis en place sur l’initiative de l’O.N.U. ;
     Travailler à la mise en place de structures internationales de régulation (Organisation mondiale de l’environnement, Conseil international du développement durable, …) pour garantir les droits des peuples en développement ;
     Proposer la définition d’indicateurs d’ordre social destinés à contrebalancer les seuls indicateurs économiques dans la mise en œuvre des politiques d’aide au développement des pays les moins avancés.

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