Lettre ouverte à Tony, Lionel, Gerhard et les autres...

Marie-Noëlle Lienemann
A l'échelle européenne, vous avez les moyens économiques et aujourd'hui les moyens politiques d'agir. Le temps est venu de faire converger nos normes sociales vers le haut.
par Marie-Noëlle Lienemann, députée (PS) européenne et maire d'Athis-Mons.


Point de vue paru dans les pages " Débats " de Libération daté du lundi 26 octobre 1998

Choisissez peut-être la stratégie du pas à pas, mais chaussez des bottes de sept lieues ! En tout cas l'urgence est sociale

Onze Premiers ministres de l'Union européenne sont désormais socialistes, sociaux-démocrates ou de gauche. Notre gouvernement participe à treize des quinze exécutifs européens. Cette situation exceptionnelle est à la fois un signe, un appel, et nous confie une responsabilité historique.

Un signe, celui du refus des politiques libérales menées par les gouvernements conservateurs.

Un appel, un appel au changement, pour prendre en compte les exigences sociales, et faire reculer massivement le chômage...

Au-delà, se profile l'espérance d'une Europe incarnant à nouveau un projet humaniste et une certaine idée du progrès.

Voilà notre responsabilité historique. Si les citoyens ont voté pour des programmes ajustés à chaque pays, on peut voir dans ces votes convergents l'européanisation de fait des enjeux et des choix. Oui, votre responsabilité collective est européenne! Car, vous le savez bien, si notre continent n'offre pas à nos peuples la possibilité de maîtriser leur destinée dans un univers globalisé, le risque est grand de les voir se laisser bercer par les sirènes nationalistes ou fascisantes. Nos peuples en ont assez de payer un lourd tribut à cette mondialisation sans règle, à cette dérégulation qui les réduit à l'état de pions dans une planète ou une Europe sur laquelle ils n'ont plus prise. Le renforcement démocratique de l'Union politique et la mise en œuvre d'une véritable Europe sociale sont les deux piliers de la relance européenne que l'on attend de vous !

La faiblesse de l'Union politique exige des réformes institutionnelles radicales. Ne vous enlisez pas dans les discussions en cours, ne tombez pas dans le piège tendu par Jacques Chirac et Helmut Kohl focalisant le débat sur la subsidiarité, là où, au contraire, l'avancée démocratique de l'Union devrait être décisive. Choisissez peut-être la stratégie du pas à pas, mais chaussez des bottes de sept lieues ! En tout cas, l'urgence est sociale. Oskar Lafontaine, lors du congrès de Hanovre du SPD, le disait justement: « L'Etat fondé sur la justice sociale fait partie du patrimoine européen. Les gouvernements sociaux-démocrates le protégeront et s'opposeront à son démantèlement à l'ère de la mondialisation. Il serait tout à fait inacceptable que l'argument fallacieux des néolibéraux visant à contrer la mondialisation par le dumping salarial et social soit mis en pratique dans la Communauté européenne. D'ailleurs, nulle part dans la communauté l'on n'accepterait de nous faire confiance et de nous soutenir si nous continuions de le promouvoir en sachant que les travailleurs en feraient les frais .»

Or, ce mouvement destructeur est en marche. Voyons le chômage, la pauvreté, la précarité! Pensons à la grève des routiers, ou à Vilvorde, regardons les délocalisations ! Bref, tout va très vite, et risque de s'accélérer davantage car, désormais, ni les institutions politiques européennes, ni nos gouvernements ne pourront plus intervenir de façon déterminante sur les taux de change et la monnaie, ni sur l'emprunt et les déficits publics. Les seules marges de manœuvre qui resteront pour faire face à la compétition risquent d'être le niveau des salaires, les conditions de travail et les coûts sociaux.

Pour enrayer ces dérives, nous avons besoin rapidement d'un véritable Traité social. Une charte avec de vagues intentions ne suffit plus.

Le temps est venu de faire converger nos normes sociales en les harmonisant vers le haut, comme le préconise le traité de Rome. Aux critères de convergence économique ajoutons des critères de convergence sociale.

C'est possible. En effet, 90 % de notre PIB et 70 % de nos échanges se font dans l'Union européenne, qui constitue aussi un espace peu vulnérable.A l'échelle européenne, vous avez les moyens économiques et aujourd'hui politiques d'agir. Nous comptons sur vous !

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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