Redéfinir une ligne stratégique



Entretien avec Pierre Mauroy, ancien premier ministre (1981-1984), sénateur du Nord, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 23 avril 2005
Propos recueillis par Jean Valbay


 

Au lendemain du rejet de la Constitution, comment jugez vous l'attitude des partisans socialistes du non, dont les arguments ont convaincu une majorité d'électeurs socialistes ?
Je n'admets pas que l'on ne respecte pas les règles du parti, surtout quand on y exerce des responsabilités. Le conseil national qui se réunit samedi devra éclaircir la situation et préparer un congrès national pour confirmer la ligne de Dijon. Des camarades ont croisé le fer avec nous et démonté nos arguments. Je ne comprends pas la position de Laurent Fabius, qui fut mon successeur à Matignon. Peut-être a-t-il fait le pari d'une crise sociale qui va s'amplifier.

Que doit faire le parti aujourd'hui ?
Il faut redéfinir la ligne stratégique du parti. Il ne suffit pas de dire béatement qu'on veut rassembler la gauche. Certains cherchent à déplacer cette hypothétique union de la gauche vers l'extrême gauche, le PS en constituant l'aile droite. Nous n'acceptons pas cette évolution. Il n'est pas question de revenir sur nos orientations d'Epinay. Les responsables socialistes qui ont joué comme ça à la politique se sont dégagés de la ligne du parti pour en prendre une autre. Un débat clair est nécessaire, alors que le PS se voit diminué et affaibli.

Quelles seront les conséquences, selon vous, du non français ?
Le non des électeurs ouvre une crise européenne et une crise politique et sociale. Les Français sont d'autant plus exaspérés que le gouvernement n'a pas tenu compte de l'avertissement donné aux élections régionales. Pendant la campagne, la question sociale s'est nouée à la question européenne et nous n'avons pas réussi à les séparer. Le combat pour l'Europe n'en continue pas moins pour les socialistes. En tant qu'ancien président de l'Internationale socialiste, j'ai combattu avec succès contre la troisième voie de Tony Blair. Or, la conséquence du non français est que le premier ministre britannique risque de devenir le maître à penser du socialisme européen car nombre de partis socialistes du continent penchent vers ce socialisme libéral. Ceux qui ont défendu le non aboutiront au résultat inverse de celui qu'ils recherchaient. Or la politique c'est aussi de voir l'avenir. La France qui était dans l'attelage premier ne va plus commander les évolutions de l'Union. Elle se tiendra maintenant à l'arrière-garde et les socialistes qui ont pris ce risque peuvent avoir des surprises.

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