Hollande, incarnation du mi-chèvre mi-chou

Jean-Luc Mélenchon



Entretien avec Jean-Luc Mélenchon, co-animateur du courant Nouveau Monde, paru dans le quotidien Le Figaro daté du samedi 15 mars 2003
Propos recueillis par Pascale Sauvage
 

François Hollande fait état de nombreux soutiens. Le congrès de Dijon vous semble-t-il joué ?
Bien au contraire, il est arithmétiquement plus ouvert depuis la décision de Marc Dolez de déposer sa motion. Pour la première fois, le total des oppositions est à peu près équivalent au total enregistré par la coalition dirigeante. Celle-ci tient par son prête-nom, François Hollande, premier secrétaire désigné par Lionel Jospin. Son bilan à ce poste est faible : les cinq années écoulées n'ont pas été une période de renforcement et d'épanouissement du PS. A côté du gouvernement, il a été absent. Pour finir, il a été mis à l'encan dans un système inouï de marchandages de circonscriptions avec nos partenaires, résultat d'une vision pauvre et desséchée de l'union des gauches. Autant dire que ce n'est pas le bilan personnel de François Hollande qui va lui permettre de s'imposer. Enfin, comment imaginer que le PS à la fin de son congrès soit le seul parti de gauche à s'absoudre de toute responsabilité dans le désastre du 21 avril avec pour message: dorénavant c'est comme auparavant, même ligne, même équipe !

Quel est le sens de votre opposition à la « coalition » dirigeante ?
Avec Nouveau Monde, je me prononce pour une réorientation profonde du PS. Il faut passer à un programme de ruptures avec la logique de la mondialisation libérale. Il y a, à la tête du PS, tout un petit monde qui n'a pas pris la mesure de la situation révélée par le 21 avril, pas plus que la droite gouvernementale d'ailleurs. Les uns et les autres continuent comme s'il ne s'était rien passé. Mon sentiment est qu'une course de vitesse est engagée pour savoir qui va prendre la tête de l'alternative au libéralisme: nous-mêmes ou l'extrême droite ? Mais nous, les progressistes, nous ne sommes pas audibles ni crédibles si nous n'avons rien à proposer sur les licenciements boursiers, contre la privatisation des services publics, sur les retraites ou, pire encore, si on tient un double langage.

Et sur l'Europe ?
Il faut refuser l'élargissement de l'Europe tel qu'il se présente. Si nous l'acceptons, c'en est fini du projet socialiste d'une Europe politique intégrée avec des institutions sous contrôle citoyen. Les libéraux auront accompli leur programme européen et nous serons les dindons de la farce. L'Europe des directives antisociales sera installée pour très longtemps et les peuples n'auront d'autres voies de recours pour s'y opposer que le nationalisme. Le désastre est en marche.

Vous avez obtenu des garanties ?
Oui. Pour éviter que ce texte ne soit oublié ou critiqué dès le lendemain du congrès par ceux-là mêmes qui l'ont voté, nous souhaitons, comme François Hollande s'y est engagé, que ceux qui l'auront défendu soient contraints de quitter les instances nationales s'ils en rejettent les choix. C'est une question de crédibilité et de morale politique.

Là-dessus, vous êtes donc d'accord avec le Nouveau Parti socialiste ?
Tout à fait. Je suis persuadé que, si on consultait les socialistes, il y aurait une majorité en ce sens.

Cette convergence avec le NPS peut-elle aboutir à une coalition anti-Hollande, et pour quoi faire ?
Il est clair que les oppositions seront mises au pied du mur et dans l'obligation de proposer une alternative de direction. En toute hypothèse, Nouveau Monde ne proposera jamais une « synthèse molle » à qui que ce soit. Car l'enjeu, c'est la prise en charge rapide d'un programme d'action clair sur les questions essentielles que sont l'Europe, la mondialisation, les services publics et les retraites. Il est urgent de tourner la page du mi-chèvre mi-chou dont François Hollande est l'incarnation.

Proposerez-vous un candidat au poste de premier secrétaire ?
C'est dans l'ordre des choses et dans la logique de ce que nous faisons. La fonction n'est la propriété de personne. On a besoin d'un dialogue fracassant dans le PS pour un retour fracassant du PS dans la politique.

© Copyright Le Figaro


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