Les responsables du désastre doivent se retirer

Jean-Luc Mélenchon

Point de vue signé par Jean-Luc Mélenchon, sénateur de l'Essonne, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 4 juin 2005. Propos recueillis par Nicolas Barotte et Myriam Lévy


 

Qu'attendez-vous de ce conseil national ?
Je crains le pire. Les cadres du parti sont obsédés par les questions de discipline. Ils veulent punir le pays en se vengeant au PS sur les tenants du non. 70 % de l'électorat populaire a voté non et la seule conclusion, ce serait de virer Fabius du poste de numéro deux ? La direction du Parti socialiste ne comprend plus le peuple. En tout cas, que l'on n'attende pas de moi que je vienne m'excuser. J'irai pour constater que j'avais raison et qu'ils avaient tort.

N'est-ce pas logique, pourtant, d'avoir une direction homogène à la tête du parti ?
De quelle cohérence parle-t-on ? De celle du contenu ou de celle de la compétition des ambitions ? La direction réclame la cohérence sur la ligne du oui alors qu'elle vient de se faire raboter par les électeurs sur cette ligne. Elle devrait plutôt faire amende honorable et comprendre qu'après un signal pareil la vérité est dans le vote des électeurs. Les tergiversations d'une direction en perdition aggravent l'isolement du PS.

La direction actuelle devrait-elle démissionner ?
Il y a un précédent : en 1993, Laurent Fabius a dû quitter la direction du PS après un désastre électoral. Il n'était pourtant pas davantage responsable que les autres. Aujourd'hui, la situation est encore plus grave. Si on transformait le résultat du référendum en législatives, nous aurions moins de députés qu'en 1993.

Le PS, pourtant, a gagné haut la main les régionales de 2004...
Ces élections ont été très mal interprétées. Comme si c'était un acte d'adhésion au PS ! En fait, le bulletin de vote a été utilisé comme un bulletin de grève contre le gouvernement. Mais les socialistes ont cru que c'était un bulletin d'affection à leurs personnes... Aujourd'hui, une vague se lève. Tous ceux qui se mettront en travers de cette énorme vague antilibérale et républicaine seront balayés.

Faut-il que les partisans du non s'unissent pour réorienter le parti ?
Pour ma part, j'y suis favorable. L'échec de la direction actuelle est total. Au contraire, la diversité des partisans du non au PS permet de définir une orientation en phase avec la réalité de ce qui s'est passé.

Vous avez besoin de Laurent Fabius ?
Evidemment. Sa participation est décisive.

Vous contestez l'idée d'un congrès à l'automne. Comment faudrait-il procéder ?
Il faut procéder en trois étapes. Première étape : le principe de responsabilité. Ceux qui sont responsables du désastre pour le PS devraient se retirer au lieu de se cramponner.
Deuxième étape : réunir des états généraux. Il faut ouvrir les portes et les fenêtres, pour entendre et écouter. Ce serait aussi une manière de s'adresser à tous ceux qui ont été éjectés loin du PS.
Troisième étape : réunir le congrès, à la fin du processus. Un congrès qui doit s'atteler à la difficulté à laquelle est confrontée toute la social-démocratie : comment avoir une stratégie cohérente, efficace, qui nous permette d'en finir avec le modèle néolibéral. Il ne suffit plus d'amuser le peuple avec des mesures sociétales. Et l'invention du RMI ne doit pas être notre horizon absolu. Je ne dis pas qu'il faut proposer le grand soir. Mais il faut prendre résolument le tournant socialiste et républicain. Il faut construire une nouvelle union des gauches.

Les partisans du non n'ont-ils pas la responsabilité de proposer quelque chose au niveau européen ?
Il faut commencer par arrêter le processus de ratification : le texte constitutionnel est mort. Si on continue, nous allons nous retrouver dans une situation dangereuse pour la démocratie : d'un côté, des parlements qui votent oui et, de l'autre, des peuples qui disent non.

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