Traité constitutionnel :
Je voterais non, sans hésitation

Jean-Luc Mélenchon



Entretien avec Jean-Luc Mélenchon, co-animateur du courant Nouveau Monde, paru dans le quotidien Libération daté du jeudi 1er juillet 2004
Propos recueillis par Paul Quinio
 

Toujours résolument contre ?
Jacques Chirac a négocié de manière déplorable. Je voterais non, sans hésitation. Mais encore faut-il que Chirac organise un référendum ! Ce projet de Constitution institutionnalise le libéralisme. C'est la première fois depuis la constitution de l'URSS qu'un régime économique est ainsi coulé dans le bronze d'un texte constitutionnel ! C'est un voyage sans billet de retour dans la mesure où la règle de l'unanimité rend la transformation du texte impossible. C'est décisif pour un socialiste ! Car je veux rappeler que l'Europe n'a jamais été une fin en soi pour notre mouvement. Elle est devenue un objectif central pour nous après 1983, quand nous avons compris que nous ne pouvions plus accomplir le projet socialiste dans un seul pays. Je reproche aux gens de gauche qui foncent tête baissée vers le oui de tourner le dos à cet idéal. J'ai la conviction que la France sera plus forte pour négocier une nouvelle Constitution ou la création d'un noyau fédéral avancé si le non l'emporte. L'intérêt des Français, c'est l'Europe fédérale, c'est la création d'une République européenne ! Tout ce qui s'en éloigne ou rend cet objectif impossible est contraire à notre intérêt national.

Faut-il mener une campagne unitaire pour le non ? Y compris avec l'extrême gauche, avec qui vous avez tenté de créer des synergies il y a quelques mois ?
Je ne crois pas que le moment soit venu. La campagne du non de gauche ne doit pas être l'occasion d'une exacerbation des divisions avec ceux qui prônent le oui à gauche et encore moins d'un recul de l'idée européenne. En 2007, si la gauche est au deuxième tour de l'élection présidentielle, il faudra bien tous se rassembler de nouveau. De même, au PS, la campagne qui aura lieu dans le cadre du référendum interne ne doit être en aucun cas le troisième tour du congrès de Dijon. D'ailleurs le oui et le non ne correspondront pas aux clivages habituels du PS.

Comment interprétez-vous les réticences exprimées par Laurent Fabius ?
Je suis persuadé que, dans un débat aussi identitaire, chacun est davantage motivé par ses convictions que par des calculs. Les partisans du oui agissent aussi avec sincérité. Mais je vois aussi parmi eux trop de pavloviens du type « comme c'est marqué Europe sur l'étiquette, tout est bon et hue biquette ! » Pour moi, si Laurent Fabius confirme ses réticences, il se placera au centre de la gauche. Il sera en situation de réunir ceux qui sont à la fois pour l'Europe et pour le non. Ils représentent la majorité à gauche aujourd'hui. J'ai à ce sujet peu de doutes : l'écrasante majorité du PS est suffisamment proeuropéenne pour être favorable au non. Pour l'instant, seul Dominique Strauss-Kahn s'est prononcé pour le oui. C'est très loin de faire une majorité. J'ai conscience de nos responsabilités. Il faut être fermes sur ses convictions et soucieux des lendemains, car, j'y reviens, il faudra bien que le oui et le non de gauche se retrouvent sur un candidat à la présidentielle.

Ne craignez-vous pas que le PS se retrouve isolé, y compris au sein du PSE, s'il se prononce pour le non ?
Il y a beaucoup de travail à faire. En fait, nombre de nos partenaires se dégonflent parce qu'ils croient que le voisin en fera autant. Mais, quand les Français ont défendu quelque chose, ils ont souvent été isolés au début mais très entourés à l'arrivée. On est certain de perdre les batailles qu'on ne mène pas.

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