Vœux aux forces vives
de la Nation
mercredi 5 janvier 1994 - Palais de l'Elysée



Discours prononcé par François Mitterrand, Président de la République


 
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous recevoir en ce début d'année pour une raison qui vous paraîtra évidente mais je dois cependant, en votre compagnie, saluer le commencement d'une nouvelle année, 1994.

C'est même une curieuse habitude de nos sociétés modernes que de fêter l'année de plus, celle qui vient, mais aussi celle qui s'en va. Mais enfin, comme l'espoir prend toujours le pas sur l'expérience, vive 1994 ! Et je souhaite que pour vous cette année soit plus favorable que toute autre et qu'elle corresponde autant qu'il est possible à vos vœux personnels, à vos souhaits, à ce qui permettra l'épanouissement de votre propre vie, familiale, amicale, professionnelle.

J'ai pris l'initiative, il y a maintenant une douzaine d'années, de convier un certain nombre de personnes - sous une dénomination un peu bizarre - qui jusqu'alors n'avaient pas accès ou n'étaient pas admises à ces rencontres de début d'année entre le Chef de l'Etat et ce que l'on appelle les corps constitués, les différents représentants des assemblées, de l'armée, enfin les diverses institutions.

Vous n'êtes pas les représentants d'institutions mais vous prenez éminemment part à la vie du pays. Ce serait une vue bien abstraite que de limiter l'image que l'on se fait d'un pays comme la France, à ceux qui certes le méritent, et doivent être à ce titre distingués, mais qui sont l'appareil d'Etat ou l'appareil institutionnel. Il est bien, en tout cas, non pas d'entendre la contrepartie, ou de faire la contre-épreuve - ce ne sont pas des pouvoirs ennemis - mais de compléter l'information que je dois avoir et la possibilité qui est la mienne de rencontrer les représentants, tout simplement, de la France. Vous en êtes. Vous représentez des associations, des syndicats, des organisations de toutes sortes qui vivent la vie du pays et souvent animent le pays, qui serait bien privé de la représentation ou de l'expression dont vous êtes, vous-mêmes, les interprètes.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous donner quelques indications, quelques explications, notamment sur ce que j'ai pu dire, au cours de ces derniers jours, précisément pour fêter l'année nouvelle à l'écoute des Français.

Mais auparavant, car je n'en ai pas parlé jusqu'ici, il faudrait faire le point sur l'état de l'Europe, enfin de l'Europe dans laquelle nous sommes, institutionnellement, non pas de l'Europe dans son ensemble, bien qu'un jour il faudra bien s'en occuper davantage : l'Europe des Douze, l'Union européenne de récente naissance puisqu'elle a vu le jour après l'ultime ratification du Traité de Maastricht, intervenue quelques mois au-delà des prévisions initiales qui se situaient au début de 1993. Cette année a vu l'arrivée sur cette terre de l'Union européenne : 340 millions de personnes, un marché unique, plus de frontières et un destin commun à douze pays en attendant les autres. Le Danemark d'abord, la Grande-Bretagne ensuite et, pour des raisons de pure forme constitutionnelle, qui ne sont pas négligeables mais qui n'avaient pas de signification politique, la République Fédérale d'Allemagne ont pris quelque temps pour mettre en accord leurs engagements européens et l'adoption des textes nouveaux par des procédures de leur choix. Et de ce fait, l'Union européenne n'a été officialisée que très récemment, c'est-à-dire dans le dernier quart de l'année 1993.

Mais les esprits s'inquiétaient. Pour les Français, c'était déjà fait depuis le vote référendaire en faveur de Maastricht et ils s'étonnaient qu'il fallût tant de temps pour que cette union nouvelle commençât de produire ses effets. On peut donc dire qu'il y a eu des mois d'incertitude pendant lesquels s'est aggravée la dépression économique dont les conséquences sociales sont évidentes et que vous connaissez mieux que personne. Il y a donc eu une phase pénible de scepticisme à l'égard de l'Europe. Dira-t-on que c'est terminé ? Non, mais désormais, dès lors que le droit et le fait se confondent et que l'Union européenne est enfin en mesure d'agir, il sera possible de démontrer cette existence par des actes positifs que j'espère bénéfiques à l'ensemble des Européens.

Mais cependant, je vous rappellerai qu'à Maastricht il n'avait pas été possible de faire adopter la compétence de la nouvelle Union européenne en matière sociale. Il a fallu signer un traité, un acte diplomatique particulier, à onze mais non pas à douze, la Grande-Bretagne s'y refusant. Et comme en raison du Traité de Rome et des Actes subséquents, on doit être unanime pour adopter une réforme de cette envergure, cela a donné : Maastricht oui, l'Europe sociale non - mais comme nous la voulions, nous avons, les onze autres, décidé de nous engager entre nous sur un autre Traité, qui n'est donc qu'une sorte de vague projection de l'Union européenne, bien réelle cependant.

Il serait très souhaitable que dans les mois qui viennent ou dans les années qui viennent les douze se retrouvent à douze, ou même davantage, puisqu'on peut attendre de nouvelles adhésions : une treizième, une quatorzième, peut-être une quinzième, peut-être une seizième dans les mois qui viennent, c'est-à-dire avant la fin 1994. A ce moment-là, un corps, un espace social européen trouverait des bases solides. Cependant il a été entendu à Maastricht entre les signataires qu'un début d'Europe sociale devait être décidé.

Ce n'est qu'un début. D'abord, il faudrait consulter, rencontrer les intéressés eux-mêmes, du moins leurs représentants qualifiés, leurs mandataires. Ensuite, il faudrait aller plus loin dans l'harmonisation des obligations sociales sans quoi, bien entendu, cette disparité provoquerait quelques dangers économiques, dès lors que l'on ne serait pas tenu aux mêmes règles à l'intérieur du même marché : c'est d'ailleurs ce qui se passe encore aujourd'hui. Des pays très désireux d'aller plus loin avec la France, qui s'est trouvée en tête de ces propositions, et qui, eux-mêmes, ont une disposition d'esprit très favorable mais qui ont un grave retard économique, comme l'Espagne par exemple, se trouvaient dans l'obligation d'être prudents, de peur d'être contraints de se savoir soumis soudainement à des obligations sociales qu'ils n'auraient pas été capables de remplir. Mais nous avons continué, chaque fois que l'occasion nous en a été donnée, - il y en a eu plusieurs - de remettre sur le tapis cette discussion essentielle.

Comment imaginer qu'il pourrait y avoir une Europe politique, économique et militaire qui n'aurait pas un soubassement social cohérent ? On ne fera pas l'Europe économique sans le consentement de ceux qui en sont les artisans et qu'on dénomme ordinairement du terme générique : les travailleurs, en tout cas l'ensemble des salariés.

Je tenais à commencer par cette remarque pour vous dire qu'en fait, si la cohésion de l'Europe est renforcée par les accords que je viens d'évoquer, si l'Europe sociale ou l'espace social européen commence à paraître plus clairement, pour rattraper le retard pris, il n'en reste pas moins aujourd'hui que certaines données concrètes peuvent réveiller l'espérance. Il en va ainsi du Livre blanc qui a été soumis par M. Delors à la dernière réunion de Bruxelles sous présidence belge. Beaucoup de réunions se tiennent à Bruxelles parce que Bruxelles est une des capitales de l'Europe mais la présidence belge n'intervient comme les autres qu'à son tour, qui ne revient pas souvent. Lors de cette réunion sous présidence belge, une présidence qui a été au demeurant efficace, excellente, que nous avons tenu à féliciter pour l'utilité de son travail, on a pu constater un gros effort pour créer l'harmonie, développer en commun et au même moment les capacités des différents pays, je veux dire des Douze. Tout cela a été assez sensible, même si s'est mêlée à la discussion, bien que ce ne fût pas à l'ordre du jour mais la nécessité s'imposait par la concomitance des dates, la négociation commerciale du GATT, qui, exigeait que l'Europe prît une position commune de façon à mandater comme il convenait ses représentants à Genève.

Il a donc été possible de faire des pas en avant sensibles, et la France a joué sa partition dans cet ensemble de la manière que vous savez.

Je noterais, parce que cela doit vous intéresser, qu'a été adopté un plan d'envergure, un plan qui va permettre à l'Europe en question de lancer des équipements, des grands travaux, des travaux d'infrastructure, capables de mettre au travail des dizaines - on peut même peut-être dire des centaines - de milliers de travailleurs dans l'Union européenne et autour de ces grands travaux de réveiller l'économie.

Ce qui a été décidé représente, pour parler de notre monnaie nationale, huit cents milliards de francs et tout chef d'entreprise ou tout responsable de syndicat sait ce qu'une somme initiale peut générer de démarches et entreprises subséquentes, de telle sorte que l'on peut multiplier par trois le mouvement économique et financier que cela représente.

Cela nous intéresse, nous, en France, en particulier, d'un point de vue égoïste, même si ce qui nous animait c'était notre volonté de construire l'Europe, mais la géographie nous a placés de telle sorte qu'un certain nombre de ces grands équipements doivent passer par la France. De ce fait, nous voyons dans cette décision une possibilité de hâter la mise au point d'un certain nombre de grandes infrastructures qui, de toute manière, seraient lancées mais sur les simples financements français, donc plus lentement. Cela a été défendu à Bruxelles par le Premier ministre, par moi-même, par le ministre des affaires étrangères avec le concours d'autres chefs de délégations et celui du président de la Commission européenne.

Le deuxième point que je veux traiter devant vous, c'est celui de l'appel que j'ai lancé aux organisations syndicales et patronales autour de la mise au point d'un contrat social pour l'emploi. C'est un appel à la solidarité, à l'entraide, aux débats, aux projets, à la mise à plat, aussi, des sujets qui nous prennent à la gorge en raison de la montée constante du chômage. C'est une proposition qui a valeur d'idée ou de projet mais qui ne peut être mise à exécution que si l'Etat et les organisations intéressées veulent bien mettre la main à la pâte de cette façon-là.

Naturellement, déjà, l'écho m'est parvenu de l'intérêt qu'elle a suscité chez certains mais aussi, m'a-t-on dit, des réserves évoquées par d'autres : il eût été vraiment surprenant qu'il en fût autrement. Je me serais cru soudain transporté au seuil de la nouvelle année dans un pays inconnu de moi, en tout cas, je me serais senti tout d'un coup très éloigné de mon pays ! Mais j'aime mieux y rester et le retrouver tel qu'il est, avec quelques inconvénients, vous l'admettrez, mais aussi un grand avantage : on discute mais, même quand on ne s'entend pas, on reste les enfants du même pays, qui aimons le rester, s'entendre, discuter, avancer, et on aboutit ainsi, quand même, à des progrès.

Il nous faut créer des emplois et des millions d'emplois. Les efforts déployés depuis des années n'ont pas été sans résultat : pendant que le chômage s'est accru, des emplois ont été créés en grand nombre ; mais les deux chiffres ne se recoupent pas, vous comprenez facilement pourquoi. Il faut tout de même aboutir au reflux du chômage, à la résorption du chômage de longue durée, à la réduction du taux de chômage dans une proportion que je ne saurais quantifier. Pensons tout de même qu'aujourd'hui trois cents milliards de francs sont consacrés à combattre le chômage, à soutenir les personnes qui souffrent du chômage et que cette somme correspond à plus de trois millions d'emplois payés au SMIC.

C'est une charge considérable, juste économiquement et socialement. Que pas un mot ne soit compris par vous comme une réserve quelconque à l'écart de cet effort considérable de la Nation, mais on peut imaginer que de telles sommes pourraient être employées, disons plutôt à combattre ou à faire reculer le mal qu'à l'entretenir. Et je ne pense pas qu'il y ait d'autres moyens que la reprise - elle n'a jamais vraiment cessé mais enfin, tout de même, disons plutôt la "relance", le mot est à la mode - de la politique contractuelle.

Il ne peut pas s'agir d'employer des termes qui ont pris un sens souvent péjoratif : je ne pense donc pas à un "pacte social" ; les mots par eux-mêmes sont parfaitement acceptables mais ils signifient quelque chose d'irritant ou de déplaisant en raison du passé. En revanche, je crois que la politique contractuelle doit continuer d'être le soubassement de toute action sociale en France : ce sont les intéressés eux-mêmes qui discutent et l'Etat, représenté par le gouvernement, est également intéressé. A lui d'intervenir quand il le juge bon, autant que possible avec l'accord des partenaires sociaux.

Je pense qu'on parle beaucoup, depuis quelque temps, du sens de la démocratie en France et je me garderai de revenir sur ce sujet sans quoi les interprétations finiront par fleurir jusqu'à m'étouffer. Mais qu'appelle-t-on la démocratie sociale ? Elle a, dans mon esprit, une priorité. Je connais, comme vous, l'histoire de la République : elle est née sous la grande et première révolution, mais c'était une démocratie politique. Elle a coïncidé par le hasard et le malheur des temps avec l'arrivée de la première révolution industrielle. La démocratie politique s'est trouvée, dans les faits, contredite le plus souvent par les formidables injustices sociales qui ont commencé, à cette époque, de gouverner le XIXème siècle.

Alors, on s'est trouvé en contradiction avec les principes écrits sur le fronton de nos bâtiments publics "Liberté, égalité, fraternité". Fraternité c'est venu un peu plus tard. Liberté politique et égalité, espérons-le, il faut y travailler. Fraternité, faisons des vœux, c'est l'occasion, pour que la nature humaine change un peu mais c'est hors de mon pouvoir. Donc, "Liberté, égalité, fraternité" : pas commode à mettre en œuvre, et très rapidement ! Les fondateurs des nouveaux groupements sociaux pour la défense du prolétariat pensaient qu'il serait utile que la démocratie politique fût doublée et triplée par une République qui serait démocratique, économique et sociale. Tout cela a été l'œuvre d'un siècle et demi ou même, on peut le dire, de presque deux siècles. Deux siècles après, on peut faire un bilan, il est loin d'être négatif. Action et réaction, force et force, antagonismes, souvent règlement amiable qui n'est jamais venu de rien, je dois dire qu'aucun progrès social n'est tombé du ciel. Mesdames et Messieurs, je voudrais vous en informer si jamais vous l'aviez pensé, et si certains - Aragon l'a dit mieux que moi auparavant - croient au ciel, ils ne croyaient quand même pas que les progrès sociaux tombaient de là. D'où sont-ils tombés ? De nulle part, ils sont toujours venus des justes conflits démocratiques, c'est-à-dire de l'opposition des thèses et des forces. Finalement, cela a marché. Pas assez, pas toujours, mais assez marché pour qu'en 1994 on puisse regarder derrière soi avec le sentiment d'un pays fortement évolué. Il peut servir, dans beaucoup de domaines, d'exemple aux autres tout en mesurant avec modestie l'immense chemin qui reste à faire. Il faut donner un contenu à la démocratie sociale, c'est le point sur lequel il convient de faire le plus de pas en avant, cela ne sera possible que s'il y a une démocratie économique car on ne séparera pas l'un de l'autre.

Donc, je n'ai pas d'autre idée en tête que de contribuer à réveiller une politique contractuelle trop longtemps tombée en sommeil. Je ne dirai pas en désuétude mais cela c'est dans notre tempérament et surtout dans notre tempérament à nous, politiques, comme si tous les bienfaits, tous les changements, toutes les abolitions pouvaient venir de la loi. C'est une façon de penser propre aux latins en général, aux Français en particulier, au point que, je le disais à M. le Premier Ministre et au Président des Assemblées dans les jours récents, on croule sous le poids des lois. Eh bien ! reposons davantage sur les contrats que vous passerez ensemble. Cela sera meilleur. Croyez-moi, il y aura moins de paperasse, moins de débats remplissant les journaux officiels et moins de juridisme et plus de sens de la réalité. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille nier le rôle des élus. Les élus sont finalement là pour légiférer. Il le faut mais, quelquefois aussi, la loi doit servir à sanctionner, à mettre en forme ce qui a été décidé par le consentement mutuel de tous les responsables de la production, de la distribution, de tous les responsables à chaque moment où intervient l'économie.

Je voudrais dire que, sur un autre point, j'aimerais que fût reprise l'idée émise par certains responsables. Je n'en suis pas l'auteur. Mon rôle consiste d'ailleurs à ramasser ce qui me parait être le meilleur de ce que j'entends, de ce qui m'est dit, je ne me suis pas mis en position d'inventeur chaque matin en me réveillant. D'abord je finirais par m'en lasser. Ensuite aurais-je assez d'imagination créatrice ? Pourquoi le bonheur des peuples dépendrait-il seulement de la décision du Chef. de l'Etat qui - la Constitution m'oblige à me le rappeler de temps à autre - compte aussi sur d'autres pouvoirs ? Et d'ailleurs c'est très bien comme cela car, mais ce sont des apartés que je fais pour moi-même, si je suis assez sûr de moi, je ne suis pas assez sûr des autres. Alors les choses sont ainsi faites que je pense que beaucoup d'idées doivent être recueillies à travers la presse, les débats parlementaires, les débats théoriques, les revues syndicales, c'est ce que je fais. Il me semble qu'il faudrait créer, développer des associations afin de satisfaire les besoins sociaux, en général des emplois de proximité. Mais qui peut en prendre l'initiative ? Il faut des négociations entre les organisations syndicales et les représentants des collectivités locales. Croyez-moi, les communes pourraient aider à la création sur leur territoire d'associations pour répondre aux besoins sociaux identifiés. J'ai été maire de commune et président de conseil général pendant de longues années, je sais de quoi je parle ! Que ce soit de la garde ou de l'aide aux enfants en difficulté, de l'assistance aux personnes âgées, de l'environnement, des emplois familiaux, la liste serait longue...

Eh bien ! j'ai noté que cette année 80 milliards de francs avaient été transférés aux entreprises sans aucun effet sur l'emploi. C'est vrai, Messieurs les chefs d'entreprises, j'ai beaucoup vécu dans l'idée que ce qui m'était dit se réaliserait, que si on remplissait telle condition, alors 100.000 emplois seraient créés, avec cette merveilleuse expression, emprunté au vocabulaire de la mine, des "gisements" d'emplois. On trouvait des "gisements" d'emplois tous les six mois, il y avait toujours quelqu'un qui avait des gisements d'emplois en réserve, à condition bien entendu qu'on finance ceci, qu'on finance cela, qu'on supprime l'autorisation de licenciement. Naturellement, c'était toujours cher payé, mais je n'ai jamais vu d'emplois ! Comme je ne veux pas être plus cruel que nature, je réserverai à qui me le demandera les explications suffisantes pour vous démontrer que ce que je dis est exact. Alors qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que vous pensez que ces 80 milliards, qui auraient permis de créer 800.000 emplois payés au SMIC dans un secteur social, n'auraient pas pu être en tout cas utilisés autrement ? Je me pose la question et je vous la pose, la réponse sera donnée.

Je pense qu'on pourrait enfin - et vous remarquerez, Monsieur le Premier Ministre, que, jusqu'ici, je n'ai fait appel à aucun moment aux ressources du budget ce qui a dû, quand même, vous soulager - encourager davantage l'initiative, les débats contractuels, la politique contractuelle ; cela ne coûte qu'un peu d'imagination, de peine et de temps. L'Etat n'est pas encore en cause. De même, lorsque je parlais des 300 milliards de francs que l'indemnisation et la lutte contre le chômage représentent aujourd'hui à des titres divers, je ne demandais pas l'accroissement de l'intervention de l'Etat. De même, lorsque je parle de la rencontre entre les organisations syndicales et les collectivités territoriales et que je parle de ces 80 milliards, il s'agit simplement d'utiliser autrement, de transférer ces sommes pour les rendre utiles.

Une petite remarque sur un sujet qui paraîtra mineur : je trouve que l'ensemble de ces dévouements sociaux ou de ces intelligences sociales, ces gens - cadres, ouvriers, chômeurs qui ont créé des entreprises, ils sont nombreux et certains avec réussite, ceux qui ont inventé des nouveaux produits, des services, ceux qui ont innové dans le domaine des relations sociales - devraient être davantage à l'honneur. J'y veille de mon côté, je suis sûr que les membres du gouvernement qui proposent souvent des distinctions agiront de même, quand ils ne l'ont pas fait déjà : il faut qu'y soient davantage compris tous ceux que l'on pourrait appeler "les ingénieurs sociaux", il faut qu'ils soient reconnus comme des créateurs et des éléments vivifiants de la société française, tout autant que beaucoup de représentants d'associations ici représentés ou que de fonctionnaires, parfaitement méritants, mais qui ne devraient pas avoir le monopole de la représentation.

Eh bien ! discutez ! Voyez ce que vous avez à faire ! Débattez ! D'abord entre vous. Le rôle d'un gouvernement républicain c'est de prêter la main, d'encourager - et Dieu sait s'il l'a fait souvent ! Quel que soit le gouvernement en place, je n'exclus personne de ce compliment - au fond lorsqu'il a fallu donner ce qui manquait, cela a été fait et c'était souvent difficile quand on sait les charges qui sont aujourd'hui assurées par la puissance publique.

J'en ai terminé bien que j'aie beaucoup d'autres choses à vous dire. Elles seront pour l'année prochaine. Il faut que nous ayons aussi la sagesse de distribuer le temps. Nous sommes ici pour des vœux, ces vœux sont naturellement personnels et vont vers vous. Chacun d'entre vous a sa vie, a les siens, c'est-à-dire ceux et celles qu'il aime, son environnement naturel. Vous avez aussi la passion du service que vous remplissez comme représentant de l'organisation que vous avez choisie. Je fais des vœux pour vous à tous ces titres et je vous dirai pour simplifier, parce que c'est plus commode et compris de tout le monde, bonne et heureuse année 1994 !

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