La Vème République
est à bout de souffle



 Arnaud Montebourg, Député de Saône et Loire, répond aux questions de vouzemoi.net à propos de l'évolution de nos institutions. Fondateur de la Convention pour une VIème République, il milite activement pour une refonte globale de notre Constitution. M. Montebourg livre ses impressions à ce sujet suite au coup de semonce que représentent pour notre pays, le premier tour de l'élection présidentielle et la réélection de Jacques Chirac, sur le mandat unique de faire vivre notre démocratie.


 

Depuis le 5 mai, la question institutionnelle a fait son retour au cœur du débat politique. La droite plaide pour la cohérence entre le président et la majorité parlementaire, la gauche rappelle les conditions particulières de l'élection de Jacques Chirac et résume le mandat du président à la défense de la démocratie. Est-ce que ce débat ne couvre pas celui plus large de la nécessaire évolution de nos institutions ?
La question institutionnelle se pose depuis bien avant le 5 mai ! L'Assemblée nationale chambre d'enregistrement ; Le Sénat qui bloque toute réforme ; le Conseil Constitutionnel qui refait les lois votées par les députés ; la Justice abandonnée à elle-même ; la fonction Présidentielle engluée dans les affaires et les mises en examen.

La Vème République est à bout de souffle. Les résultats du 1er tour n'en sont que la triste confirmation : 1 français sur 3 ne se déplace plus pour choisir le Président, un 2ème tiers choisit un candidat anti système !
On ne peut plus éviter le débat autour des institutions.

Vous prônez, au sein de la Convention pour une VIème République, la mise en place d'une nouvelle Constitution. Pourquoi une telle réforme globale des institutions ? Est-ce que quelques ajustements constitutionnels ne pourraient avoir le même effet ?
Ajuster quoi ? la Vème meurt de sa logique profonde. Tout y est organisé pour empêcher les citoyens de faire prévaloir leur point de vue : leurs représentants, qui devraient contrôler l'exécutif lui sont soumis. Haute administration et exécutif étouffent tout débat et toute participation véritable des citoyens au processus démocratique. Construite pour " moderniser " le pays malgré la société dans les années 58, ce système d'exécutif sans contre pouvoirs est en contradiction profonde avec la société mobile et innovante d'aujourd'hui. Même les dispositifs d'ordre tournent à vide, plaqués sur des citoyens bien peu disposés à se soumettre docilement. La logique de décision autoritaire de la Vème doit être remplacée par une démocratie représentative et participative d'aujourd'hui.

Si l'on veut vraiment créer du lien entre citoyens et politique, ce changement de République est indispensable. Soit nous prônons nous même cette VIème République, soit nous laissons l'extrême droite prospérer en défendant la sienne, qui sera tout sauf Républicaine !

Dans vos propositions, vous souhaitez bâtir un véritable pouvoir parlementaire disposant de moyens de contrôle et de pouvoirs de sanctions du gouvernement et de l'administration, par quels mécanismes constitutionnels pensez-vous éviter l'écueil des IIIème et IVème Républiques, notamment l'instabilité gouvernementale ?
Plus de pouvoir au Parlement ne veut pas dire paralysé. Ce qui a tué la IVème, c'est la proportionnelle intégrale qui interdit toute majorité durable et favorise des renversements d'alliance au moindre choc. On doit pouvoir facilement éviter cet écueil !

Il est des situations où la stabilité gouvernementale n'empêche pas l'impuissance gouvernementale ! Nous y sommes.
Quand les décisions prises sont vécues par les citoyens comme des décisions bureaucratiques et autoritaires, quand le citoyen ne sait pas clairement à qui s'adresser pour peser sur un processus de décisions, quand les différents corps intermédiaires (syndicats, associations… ) sont court-circuités par des administrations trop sûres d'elles-mêmes, la machine tourne à vide. La stabilité n'est plus un avantage, au contraire même, elle fait de la rue la seule issue possible.

Croyez-vous possible aujourd'hui de revenir sur l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct ?
Pourquoi cela serait-il sujet tabou ? Quel sens à encore l'élection du Président au suffrage universel ? Cette élection, qui pourrait être un moment privilégié du débat politique est devenu un concours de modèle ! Le Président élu à 82 % ne dispose d'aucun mandat véritable si ce n'est de défendre la République ! C'est bien le moins pour un Président… de la République.
Selon le résultat des législatives, il peut être tout puissant ou au contraire roi nu. Est-il encore nécessaire de considérer cette élection simulacre de démocratie comme le moment clé de notre vie politique ?

Vous luttez contre la corruption des hommes politiques. Comment ressentez vous aujourd'hui l'absence de démission de M. Donnedieu de Vabres, Ministre délégué aux affaires européennes ?
A côté de Monsieur Chirac, Monsieur Donnedieu de Vabres joue en championnat régional ! Je suis pour que la même sanction soit appliquée aux lampistes et aux artistes de l'escroquerie. Impunité zéro… ce n'est pas moi qui l'ai dit.

propos recueillis le 4 juin 2002



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