Conseil national du 11 octobre 2003

Arnaud Montebourg
Intervention d'Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS).


 
Mes chers camarades,

la droite montre son visage, et de ce point de vue, la mobilisation sans précédent dans le pays de toutes les forces sociales au service des plus fortunés, n’a pas d’exemple dans les années récentes. Les actes se succèdent les uns après les autres, et nous avons le devoir, je crois qu’il n’est jamais indécent d’appeler un chat un chat, surtout quand le chat est très moustachu, se cache derrière de belles apparences, de le démasquer et de dire que la droite mène une politique de classe.

Nous entendons parler parfois, c’est un exemple, de suppression d’un jour férié. Non. C’est l’obligation de travailler gratuitement un jour supplémentaire sans aucune contrepartie. Est-ce que cela existe dans une société contractuelle ? Fait-on travailler un jour de plus gratuitement sans qu’il n’y ait la moindre contrepartie ? À un moment où précisément la mobilisation solidaire autour d’un certain nombre de d’objectifs nationaux, la solidarité à l’égard des personnes âgées par exemple, se double de diminutions, de baisses de mesures fiscales spectaculaires en direction des plus aisés et fortunés.

Nous avons en fait une droite, et il ne faut pas épargner M. Chirac, car c’est bien lui l’inventeur… Avait-il un mandat le 21 avril et le 5 mai pour proposer aux Français ? Revenons à la violence politique du 21 avril et du 5 mai, revenons à l’idée que seule 19 % des électeurs l’ont réellement choisi. 12 % des inscrits se sont volontairement reconnus dans sa politique. Avait-il un mandat pour mener ce qu’il a mené à travers son chef de cabinet Raffarin ? C’est cette question que nous devons à chaque fois poser et reposer, d’autant que nous avons, par l’effet de l’inversion du calendrier, changé de constitution et que les véritables échéances nationales seront d’abord présidentielles, et que la question se posera sur la politique d’un Président de la République dont nous connaissons le degré de compromission. Nous voyons les déboires de son adjoint de l’époque, M. Juppé, et je voudrais, chers camarades, que de la même manière que nous sommes capables de dire que M. Chirac pompe le compte en banque des salariés les plus modestes, sans d’ailleurs oser redistribuer les pièces jaunes, je voudrais que nous soyons capables de ne pas laisser à la fille Le Pen la possibilité de dire qu’elle voudrait défendre un pacte anti-corruption. Nous allons devoir rappeler ce qui s’est passé à Toulon et à Vitrolles. Allons-nous, sans rien dire, regarder M. Juppé se laisser protéger par la justice de M. Perben ? Les procureurs demandaient en quelquefois sorte une peine symbolique comme s’il s’agissait d’une contravention de sixième classe. Et d’ailleurs, rappelons toujours qu’il en manque un dans le box, chers camarades.

Ces éléments posés, nous avons, je crois, un débat politique national qui est engagé et qui implique l’ensemble des forces de gauche. Bien sûr que nous sommes rassemblés. Nous sommes même rassemblés parfois pour deux, et puis maintenant pour trois, quatre, cinq, dix. Cela nous donne une responsabilité de motoriser l’ensemble de la gauche partout dans toutes nos fédérations. Nous sommes donc au rendez-vous. Mais n’oubliez pas qu’à chaque instant, nos électeurs, les citoyens nous rappellent et nous disent : « Avez-vous changé   Avez-vous réfléchi ? Avez-vous évolué ? » Cette question est fondamentale, parce que dans le débat tout à fait crucial que nous allons connaître sur la question européenne dans les semaines, les mois qui viennent, à travers les prises de positions gouvernementales, la vacuité politique du gouvernement sur le sujet, le sérieux que nous mettons nous-mêmes à débattre en notre sein, et avec les autres forces de gauche, sur cette question importante, il faudra que nous nous posions la question de ce qu’est l’identité socialiste dans une Europe qui connaîtra une évolution fondamentale et sur laquelle il nous est demandé de mettre notre paraphe, et un paraphe historique.

Je vous le dis, l'Europe de Jean Monet, de Jacques Delors, de François Mitterrand, qui était l’alliance entre les socio-démocrates et les Chrétiens libéraux de toute l'Europe, permettait aux forces de gauche, aux socio-démocrates d’y placer la chance d’y exercer leur volonté politique, leur permettait d’exercer leurs convictions, leur permettait y compris d’y conquérir une forme de pouvoir, même si le pouvoir européen n’y était pas encore constitué.

Mais la question que nous nous posons aujourd’hui : dans le texte, qui est le produit d’un compromis politique à un moment donné, avons-nous les éléments qui nous permettent de croire qu’il nous sera possible d’être socialistes et d’y défendre autre chose que le libre-échange, la concurrence, le dogme libéral du marché qui est précisément inscrit dans le marbre constitutionnel d’une constitution à vingt-cinq qu’on ne pourra défaire ou faire évoluer qu’à vingt-cinq, et dans des conditions d’unanimité qui posent le problème du projet que nous constituons avec les dits vingt-cinq ?

Il est un point sur lequel, chers camarades, nous y reviendrons cet après-midi, nous ne pouvons pas nous laisser faire. Le gouvernement nous laisse le choix de voter d’abord l’élargissement en novembre, sans même savoir de quelle manière l'Europe élargie sera gouvernée. Nous ne le savons pas, puisque le texte est en discussion. Bien sûr que nous avons une obligation morale et politique d’élargir, de tendre la main aux opprimés du stalinisme, à ceux qui ont tant souffert, bien sûr. Mais la question est de savoir quel est le projet. Et le projet, nous ne le connaissons pas. Et précisément, on nous dit qu’il s’agit d’une constitution, mais c’est plus qu’une constitution. Il y a des choix politiques qui sont contenus dans celle-ci. Et ces choix politiques, nous prétendons les discuter, parce que cela nous engage pour l’avenir et qu’il est possible que cet avenir soit trempé dans une forme d’irréversibilité

On nous dit : « Ne vous inquiétez pas. Comme à Maastricht, ce sont les petits pas. Après, nous ferons une avant-garde. » Mais il n’y a point d’avant-garde dans un système constitutionnel à vingt-cinq. L’euro sera pour vingt-cinq, les décisions s’imposeront à vingt-cinq, il y aura une subsidiarité de la subsidiarité.

Chers camarades, ce sont ces questions que nous voulons nous poser en Européens fervents, c’est-à-dire en européens qui voulons aimer encore plus l'Europe et faire aimer à nos concitoyens, qui s’en détachent de plus en plus, cette Europe que nous voulons passionnément construire.


Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]