Par sa cohérence,
NPS est presque la première sensibilité



Principaux extraits du Grand jury RTL - Le Monde - LCI consacré à Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS), le 11 mai 2003

Propos recueillis par Patrick Cohen (RTL), Gérard Courtois (Le Monde) et Pierre-Luc Séguillon (LCI).


 

Qui, selon vous, a gagné le congrès de dijon ?
D'abord je dirais qu'il y a une victoire indéniable de François Hollande. Peut-être pas personnellement parce que ce sont 95 % ou presque 100 % des anciens ministres et de tous les dirigeants du parti qui, coalisés autour de lui, lui ont apporté dans les fédérations des voix en nombre considérable. Est-ce que c'est Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn, Julien Dray, est-ce que c'est Martine Aubry, il reste une ambiguïté qu'il faudra trancher à un moment ou à un autre pour qu'on nous dise ce que cette victoire va servir.

A vos yeux, il n’est pas clair que c’est François Hollande ?
François Hollande, en tant que tel, a montré qu'il avait organisé autour de lui une majorité nette. Mais on ne sait pas à quoi va servir cette majorité. Est-ce que cette majorité va servir à transformer en profondeur le parti ou est-ce que cette majorité va être engluée en quelque sorte dans les conservatismes que nous combattions.

Quels seraient les signes de la rénovation ou du conservatisme, selon vous, à attendre dans les prochaines semaines de la part de la direction sortante ?
François Hollande a dit « je me débrouille tout seul ». Très bien, nous en prenons acte. C’est assez surprenant, nous ne sommes pas habitués à cela dans le Parti socialiste mais si à chaque fois que François Hollande prendra une décision importante qui se détachera des conservateurs attachés à lui, en quelque sorte les éléphants dont parlait Laurent Fabius, au pas desquels il paraît attaché, nous serons sensibles à son discours et à son action, et pourquoi ne pas la soutenir.
En revanche, à chaque fois qu’il retombera dans les erreurs du passé et finalement ce qui nous a conduit au 21 avril, et bien nous serons critiques. Voilà comment nous concevons puisque vous posiez la question de notre place, notre rôle dans le mouvement qui est engagé dans le Parti socialiste de refondation et de reconstruction, car le nouveau parti socialiste, cette sensibilité forte qui existe, qui, j’ai envie de dire, est presque la première sensibilité par sa cohérence, pas numériquement mais par sa cohérence. Parce que 61 % divisé par autant des composants qui aujourd’hui fabriquent la majorité, vous voyez que finalement ces 17 % pèsent énormément et pèseront considérablement.

Par delà ces calculs arithmétiques, comment expliquez-vous que une large majorité des militants est accordée leur confiance à ce que vous appeliez hier le syndicat des sortants, la vieille S.F.I.O., les conservateurs et quand on regarde bien dans le détail que les nouveaux militants, ceux qui ont adhéré récemment ont suivi cette démarche ?
Je ne sais pas si l’on peut considérer que les nouveaux militants ont choisi telle démarche plutôt que telle autre. Une chose est certaine, c’est que la dramatisation...

Prenons l’exemple de Paris, il y a 40 % paraît-il de nouveaux militants, la motion de François Hollande arrive largement en tête.
Oui, certes mais nous réalisons un score considérable, 20 % cela ne s’est jamais vu.
Dans un grand nombre de fédérations, par exemple la 6ème fédération du parti socialiste par son nombre, l’Aude, nous sommes à 33 %... un tiers !
Il y a des endroits où, c’est vrai, nous n’avons pas eu le temps de nous implanter, où peu d’élus nous ont écoutés pour l’instant, mais il y a des endroits où nous réalisons l’attraction à la fois des militants anciens, chevronnés, qui ont un parcours dans l’histoire du parti, ainsi que les nouveaux.

Comment est-ce que vous expliquez ce réflexe des militants, parce que c’est une analyse politique intéressante pour vous, pour l’avenir.
Là je vais répondre à votre très juste question. Elle est importante. Je crois qu’il y a une dramatisation de l’enjeu, on nous a promis la catastrophe. Je crois que finalement elle a fonctionné par un réflexe naturel de crainte. Finalement les militants voulaient deux choses, ils voulaient la stabilité et le renouvellement. Nous offrions le renouvellement, François Hollande n’offrait pas le renouvellement mais la stabilité. Entre les deux ils ont fait ce choix. J’ai envie de dire qu'ils ne nous ont pas exclus parce que notre poids est considérable et qu’il faudra bien qu’on compte avec nous et qu’on nous entende.

Mais est-ce que vous n’avez pas commis une erreur en étant peut-être un peu présomptueux et voire assez radical dans votre langage vis-à-vis de ceux qui constituaient les sortants.
Je dois vous dire que ces 17 % ont été réalisé sous une pluie torrentielle de choses désagréables. On nous a peints sous les traits les plus désagréables et désobligeants.

Vous n’étiez pas en reste, si je peux me permettre ?
Nous nous adressions aux questions de fond et nous n’avons jamais commis d’attaques ad hominem. Ce qui est intéressant c’est de voir que dans ce pays où on se plaint toujours de la glaciation de la classe politique, lorsque arrive et émerge une force nouvelle c’est haro sur le baudet, le pauvre mulet au milieu de l’arène se fait poignarder par la meute saisissante de ceux qui ne veulent pas entendre de langage nouveau. C’est vrai que c’est nouveau, ça dérange, nous avons été très attaqués et nous réalisons ce qui ne s’est jamais produit dans le parti. D’ailleurs quand on nous dit   mais finalement vous avez perdu », je réponds « pour la direction c’est moins 14 % et pour nous autres c’est plus 17 ».

Pour garder un certain nombre de fédérations ou pour les conquérir, vous allez vous allier avec une autre motion, la motion Emmanuelli, si je ne me trompe ? Est-ce que ce ne sont pas les pratiques précisément que vous dénoncez, de vieilles pratiques politiciennes du parti socialiste ?
Il n’y a pas d’accord national, il y a simplement des choix qui sont faits par les militants eux-mêmes sur le terrain et j’ai envie de vous dire d’ailleurs que l’union, elle s’est faite sur le terrain entre les militants. C’est eux-mêmes qui ont décidé. Il y a des endroits où il y a des divergences, il y a des endroits où il n’y a pas les mêmes accords. Ce sont des choix qui ont été faits par les militants localement en fonction de leur sensibilité et de ce qui s’est passé sur le terrain. On ne peut pas et c’est vrai que la direction, par son agressivité, sa dramatisation, a repoussé tous ceux qui tenaient un autre langage, différent, dans une sorte d’opposition. Et maintenant les opposants ont le réflexe, à la base et sur le terrain, de se serrer les coudes en disant « défendons pour que nous ne soyons pas en position d’être, en quelque sorte, marginalisé ». Car nous avons une voix différente à faire entendre. Donc j’ai envie de vous dire, tous ces assemblages sont spontanés sur le terrain et sont d’ailleurs trempés dans la sincérité de l’engagement de militants qui ont préféré être minoritaires - et j’en suis, Vincent Peillon en ait - nous en sommes tous, qui ont préféré être minoritaires pour défendre leur conviction, c’est suffisamment rare pour que cela soit noté.

Le soutien à Marc Dolez, dans le Nord par exemple, il est sincère et spontané ?
Je vais vous dire que sur le terrain, les militants qui se sont reconnus dans la démarche de Marc Dolez, qui tenait un langage assez proche du notre, différent mais assez proche du notre, et les militants qui se sont reconnus dans la motion du nouveau parti socialiste dans le Nord, et qui ont réalisé un score assez considérable, aussi dans cette fédération, ce sont des militants qui se sont habitués à travailler ensemble pendant cette période. Ils décideront sur le terrain, sans avoir à nous consulté, ce qu’ils auront à faire.

Et au plan national, est-ce que vous vous porterez candidat au poste de premier secrétaire à l’issue du congrès de Dijon avec le soutien des Emmanuellistes, voire de Monsieur Dolez dont on parlait de la spontanéité, dans vos accords locaux ?
C’est une décision qui ne me revient pas, elle sera prise collectivement et par les délégués qui sont désignés en ce moment même, dans l’ensemble des assemblées militantes, sur tout le territoire national, qui se réuniront vendredi, donc vous aurez la réponse vendredi prochain.

On peut revenir un instant quand même, parce que vous criez victoire, c’est normal, en même temps à l’origine, au mois d’octobre, votre ambition était quand même, de manière au moins implicite, d’être majoritaire à ce congrès.
Je crois que l’état minoritaire est toujours un état provisoire, vous savez. C’est comme l’état gazeux avant d’atteindre l’état solide ou liquide, ce sont des transitions.
Nous considérons qu’il y a un message qui a été entendu par les militants qui a percé, qui s’est installé, qui est dans le paysage, qui est installé pour longtemps partout, dans les fédérations, les sections, une rénovation à la fois des pratiques, des orientations politiques sur le fond, des exigences nouvelles se sont installées dans le parti et je dois vous dire que tout cela a beaucoup de sens pour les milliers d’adhérents, de militants, et aussi pour l’extérieur du parti. Parce que si nous n’avions pas été là, s’il n’y avait pas eu ce débat que nous avons occupé sur la mondialisation, sur la question européenne qui est une question essentielle pour les socialistes, sur la question sociale, sur la question démocratique et institutionnelle, si nous n’avions pas été là, finalement est-ce que on aurait parlé de tout cela.

Je relisais que au congrès de Metz, Pierre Mauroy avait réalisé 13 %, Jean-Pierre Chevènement 14 %. A Epinay, François Mitterrand 16 %, Jean-Pierre Chevènement 8 %, Jean Poperen 12 %, donc nous sommes quand même dans des fourchettes illustres.

Jusqu’à quel point est-ce que vous vous identifiez à Mitterrand ?
Ecoutez, jusqu’au point où cela voudra bien cesser que l’on pense que, parce que je suis né dans la Nièvre et c’est vrai dans sa circonscription, en 1962 il pourrait y avoir quelques rapports mais il n’y en a aucun...

Parce que vous vous en êtes pris au chef de l’état, parce que vous avez fondé une convention, parce que vous avez créé un pamphlet comme le coup d’état permanent qui s’appelle La machine à trahir... On a l’impression que vous observez très attentivement son parcours pour inspirer le vôtre...
Je vais vous dire que la gauche s’est reconstruite dans les années 60 et 70 dans la critique radicale du système politique que le Général de Gaulle avait inventé. Et la gauche s’est rassemblée sur cette critique radicale et il est vrai que c’est une leçon pour nous, que l’étendard de la reconstruction de la gauche et de cette longue marche qu’il va falloir reprendre pour rassembler toutes ses forces doit être relevé et c’est vrai que nous faisons la même analyse que Pierre Mendes-France, François Mitterrand dans les années 60-70 en relisant ce qu’ils écrivaient et c’est ainsi que, je crois, nous pourrons avoir une chance de rassembler ces gauches qui ne se parlent plus aujourd’hui et puis de reconquérir ceux qui nous ont quitté parce que, aujourd’hui même en rassemblant les gauches, tout cela ne fait plus vraiment une majorité.

L’ennui si l’on prolonge le raisonnement c’est qu’effectivement quand François Mitterrand est arrivé au pouvoir il n’a pas changé l’architecture de cette république...
C’est la raison pour laquelle vous comprenez que je ne m’en réclame guère.

Est-il totalement exclu que vous parveniez à une synthèse avec François Hollande ?
J'écoute attentivement François Hollande. Il a une motion qui a rassemblé 61 % des votes, il explique qu'il ne fera pas de synthèse politique et ne veut pas bouger de sa ligne politique. Nous, nous défendons nos idées. Nos positions sont des positions fortes, nous n'allons pas les diluer dans je ne sais quel assemblage curieux, nous avons des choses à dire et nous avons pris date Les questions sont toujours intactes : le Front national est toujours là, la question de l’Europe va se poser dans peu de temps sur l’affaire des résultats de la convention du président Giscard d’Estaing, nous avons à parler des délocalisations qui s’accélèrent dans notre pays et de la désindustrialisation. Que dit la gauche ? Nous avons avancé des positions fortes dans ce congrès qui s’adressait à la fois aux militants mais également à l’ensemble de ceux qui nous écoutent à l’extérieur. Donc là-dessus les questions restent entières, tout le reste c’est un peu accessoire, non, vous ne trouvez pas.

Une dernière question personnelle et peut-être anecdotique, votre tandem avec Vincent Peillon il est solide ?
Il est en pleine forme, et nous n’avons pas besoin de faire de la musculation.

Qui était le porte-parole du syndicat des sortants avant, Vincent Peillon ?
Vincent Peillon a démissionné pour s’engager dans ce travail considérable. Il faut reconnaître cela. Il y a des actes dans la vie, dans un parcours politique, qui pose des marques. Vincent Peillon, je le rappelle, a démissionné de son poste. C’est suffisamment rare pour que il puisse bénéficier de tous les hommages à ce sujet.

Avouez que c’était la moindre des choses quand même ? C’était difficile d’être le porte-parole...
Mais c’était peut-être la moindre des choses mais s’il y avait beaucoup de Vincent Peillon, nous serions heureux dans ce parti socialiste.

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