Le PS demeure un parti de campagne électorale, coupé de la société



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS).

Paru dans Le Monde daté du 23 janvier 2003
Propos recueillis par Isabelle Mandraud et Daniel Psenny


 

Il y a au moins un point sur lequel les socialistes apparaissent unis, c'est celui de l'opposition à une guerre contre l'Irak. Partagez-vous ce sentiment ?
Tout le Parti socialiste se retrouve effectivement à défendre l'utilisation du droit de veto. Heureusement, cette position va bien au-delà du PS et même des rangs de la gauche. Les conditions l'exigent. Cette guerre servirait les intérêts d'une puissance, les Etats-Unis, dans l'annexion des champs de pétrole du deuxième fournisseur mondial.

Les querelles internes au PS ne sont-elles pas un handicap dans l'opposition au gouvernement Raffarin ?
Le PS demeure un parti de campagne électorale, coupé de la société. Nous arrivons toujours divisés face à la droite parce que le parti n'a pas encore clarifié sa ligne politique, qui sera l'enjeu du prochain congrès. Le groupe parlementaire socialiste subit la même anémie. Nos chefs ne parviennent pas à réconcilier les deux gauches, la gauche de revendication et la gauche de gestion. Si nous n'arrivons pas à trouver le point de réconciliation, nous vivrons d'autres catastrophes politiques électorales.

Selon vous, quelle bataille politique le PS devrait-il mener ?
Le président de la République a été choisi par 10 % des électeurs inscrits et, pourtant, il dispose de tous les pouvoirs. L'abstention très importante aux législatives donne une base très étroite au gouvernement Raffarin. Cet énorme malentendu de mai et juin 2002, cette crise civique qui s'apparente à une crise de régime, la droite n'en a pas pris conscience et la direction du PS encore moins ! Je ne vois pas que le PS agisse là où il faudrait : la France est à la recherche de protection sociale, de confiance politique et pas seulement sur le plan de l'ordre public. A droite, le paradoxe est que Nicolas Sarkozy offre la sécurité publique tandis que son frère, Guillaume, dirigeant du Medef, vante les bienfaits économiques des délocalisations vers les pays à bas salaires...

On ne voit guère de différences entre les textes présentés par les courants, dont le vôtre, Nouveau Parti socialiste (NPS), lors du conseil national du 18 janvier. Comptez-vous rencontrer François Hollande ?
Évidemment, nous avons le même idéal puisque nous sommes tous socialistes ! Mais je ne vois pas dans son texte une analyse sérieuse de l'échec, la création d'outils nouveaux et de réponses concrètes. C'est un catalogue de bonnes intentions. Rustines et rafistoles ! Si la gauche reproduit le même langage rituel, sans se préoccuper de la concrétisation de son action, si le PS n'accomplit pas une rupture avec lui-même, en remettant en cause ses propres conservatismes, les électeurs continueront à lui faire le même procès en trahison. Dois-je rappeler que la direction actuelle du PS s'est coalisée pour empêcher la mise en accusation de Jacques Chirac, que 35 parlementaires avaient demandée, un an avant d'être obligés d'aller voter pour lui ? C'est un traumatisme dont les électeurs de gauche ne se sont pas remis et dans lequel François Hollande et ses alliés ont leur responsabilité.

Mais quelles divergences mettez-vous en avant ?
Le désaccord avec François Hollande est fondamental sur la question démocratique, la mondialisation ou l'Europe. La mondialisation, par exemple : les firmes multinationales sont devenues plus fortes que les États. Nous voulons rétablir la puissance publique en réinstaurant les droits de douane aux frontières européennes contre les produits de ces firmes qui pratiquent le dumping social dans les pays pauvres, et en offrant en France le cadre légal au boycottage par les citoyens. Nous voulons assumer ce protectionnisme-là, déjà pratiqué par les États-Unis et défendu par Bill Clinton dans le cadre de l'OMC.

Vous vous présentez comme de " fervents Européens ", mais vous continuez à vous opposer à l'élargissement de l'Union...
Je ne suis pas certain, en effet, de voter le traité de ratification sur l'élargissement. On nous dit que c'est fait. Mais on ne nous a jamais consultés, ni les citoyens, ni les représentants que nous sommes. Malheureusement, cela a été fait de façon technocratique. Or, les dégâts sur le plan social peuvent être considérables, avec accélération des délocalisations, destruction de ce qui reste de l'agriculture, etc. Les garanties préalables demandées par les socialistes sur la démocratisation de l'Europe sont des vœux pieux que l'on retrouve dans nos motions depuis quinze ans. Nous refusons l'élargissement tant que les citoyens n'auront pas obtenu cette démocratie. Ce n'est pas une mince différence avec François Hollande.

Vous ne mettez plus en avant la réforme de l'élection du président de la République au suffrage universel. Y avez-vous renoncé ?
J'ai fait cette nécessaire concession. Pour le reste, nous n'avons rien changé quant à notre volonté d'une VIe République parlementaire, de nature primo-ministérielle qui installerait les citoyens au cœur du processus décisionnel. Là où François Hollande veut clarifier et moderniser les institutions, nous défendons une vaste redéfinition de tous les pouvoirs.

Quelle est votre réaction face aux licenciements actuels ?
Nous proposons une politique de remboursement des aides publiques, de sanctions douanières pour les entreprises qui délocalisent et la suspension des licenciements en attendant un reclassement effectif des salariés. La réforme des tribunaux de commerce que j'avais défendue aurait pu, aussi, servir, mais elle a été enterrée. Ce genre de conservatisme nous a coûté cher.

Le parti doit-il se conquérir sur une ligne plus à gauche ?
Le moins que puisse la gauche, c'est d'offrir aux salariés, dont beaucoup connaissent la précarité et l'insécurité sociale, une meilleure protection.

Comment NPS va-t-il poursuivre sa campagne ?
Notre prochain rendez-vous national est fixé le 1er février à la Mutualité, jour de la manifestation pour les retraites, à laquelle nous participerons. Nous devons convaincre les militants de la nécessité de changer les pratiques. Nous proposons une VIe République dans le PS. D'ores et déjà, notre contribution est signée par plus d'un millier de cadres et élus.

Allez-vous présenter un candidat contre M. Hollande pour le poste de premier secrétaire ?
Nous ne nous interdisons rien, mais avant de savoir si nous aurons un candidat, nous défendrons jusqu'au bout nos orientations.

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