Le PS est au bord de la crise de nerfs. Le bilan est lourd



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS), paru dans le quotidien Le Monde daté du 3 juin 2005
Propos recueillis par Isabelle Mandraud

 

Comment analysez-vous l'ampleur du non ?
Comme une gigantesque prise de pouvoir des citoyens européens de France sur la construction européenne. Ils ont rejeté une Europe qui, au lieu de les protéger, les expose à une forme de compétition sauvage et sans règle entre salariés, entre systèmes de protection sociale et niveaux de service public. Après avoir fait la paix, civile et militaire, l'Europe ne pouvait pas consacrer dans une Constitution l'ouverture d'une guerre économique et sociale. Les électeurs ont confié aux dirigeants européens un mandat de renégociation dans ce sens.

Le non contient-il une part de nationalisme ?
Je ne pense pas qu'il y ait repli sur soi et sur l'espace national dans ce verdict électoral. Il y a au contraire un désir violent d'organiser la coopération entre les Européens aux prises avec la mondialisation libérale. Disqualifier les résultats du vote massif en faveur du non en traitant les électeurs d'ignorants, de trouillards ou, pire, de xénophobes, est extrêmement dangereux. C'est un déni de démocratie qui risque de nous mener droit à un divorce définitif entre les citoyens et leurs dirigeants, qui semblent considérer que le peuple est devenu infréquentable. Ce genre de sentence refuse, une fois de plus, le travail d'écoute indispensable des citoyens.

Votre réaction au remaniement du gouvernement ?
A un cri aussi saisissant que celui du 21 avril 2002, le président de la République répond par le mépris démocratique. M. de Villepin est probablement un être supérieur, mais il ne connaît nullement la France qu'il prétend diriger. Il a le profil du collaborateur gratifié par la faveur du prince. Cette nomination est la signature d'un régime en chute libre. Plus jamais la gauche ne pourra se présenter à des élections en prétendant gouverner dans un système politique aussi profondément contaminé par le discrédit. Elle n'aura pas d'autre choix que de mettre dans le bagage de l'alternance le projet de construire, avec les Français, la VIe République.

Partisan du non, votre courant NPS s'est tenu en réserve pendant la campagne...
C'était une attitude de sagesse dans cette période de déchirement, même si, je le concède, cela n'a pas toujours été facile. Nous avons conservé et expliqué nos convictions tout en respectant celles des autres socialistes.

Vous opposerez-vous à des sanctions contre ceux qui n'ont pas respecté la ligne du parti ?
Au lieu de se fermer comme une huître, la direction du PS ferait mieux d'écouter le bruit de la mer et de la houle qui a déferlé aussi sur elle. Nous nous opposerons à toute forme de sanction ou de règlement de comptes. Les socialistes doivent chercher les voies de la réconciliation en se tendant la main. Rien ne serait pire, après que deux électeurs de gauche sur trois ont rejeté la Constitution, que de sanctionner ceux qui ont eu raison devant le verdict démocratique. Les militants ont la responsabilité de réconcilier les 58 % de oui du parti avec les 55 % de non du pays. Pour combler ce décalage, il faudra un peu de temps et beaucoup de respect mutuel.

Selon vous, la direction du PS s'est donc trompée ?
Depuis l'analyse du 21 avril 2002, qui a donné naissance à NPS, nous avons milité pour la rénovation profonde de notre parti, en l'ancrant à gauche plus sincèrement que dans le passé tout en modernisant sa doctrine, son projet et ses dirigeants.

Le congrès de Dijon, en 2003, fut un congrès de dupes et de conservation du pouvoir. Plutôt que de prendre la tête de cette rénovation, François Hollande l'a diabolisée et interdite. Aucune clarification n'est venue, contrairement aux promesses, aucun infléchissement n'a été enregistré par rapport à ce que le passé aurait dû nous apprendre. Pour couronner le tout, la majorité a volé en éclats à la première divergence. Aujourd'hui, nous n'avons pas de leader, pas de projet, nombre d'adhérents déchirent leur carte et le parti est au bord de la crise de nerfs. Le bilan est lourd.

François Hollande doit-il quitter la direction du PS ?
Les militants seront chargés de le dire quand ils seront interrogés à ce sujet.

Les non peuvent-ils construire une majorité alternative ?
Ils sont minoritaires dans le parti tandis que les électeurs du non sont ultramajoritaires dans le pays. C'est aux militants qu'il reviendra de combler ce fossé.

Avec Laurent Fabius ?
Toute alliance ne peut se traiter qu'à l'aune des orientations politiques qu'elle propose.

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