Je me réjouis que notre dénonciation d'une crise de régime soit entendue



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS), paru dans le quotidien Le Monde daté du 22 août 2004
Propos recueillis par Caroline Cordier

 

Jack Lang, qui lance ces jours-ci dans un livre un appel à la réforme des institutions, est l'invité d'honneur de la Fête de la rose, que vous organisez dimanche à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire). Avez-vous trouvé un nouvel allié dans votre combat contre la Ve République ?
Je suis heureux de permettre à Jack Lang, qui a toujours défendu l'esprit démocratique contre la tentation bonapartiste de la Ve République, d'exprimer ses convictions sur la réforme des institutions. Il y a trois ans, quand nous avons créé la Convention pour la VIe République (C6R), on nous regardait comme si nous parlions le volapük ! Aujourd'hui, je me réjouis que notre dénonciation d'une crise de régime soit entendue et que ce débat prenne de l'ampleur. Si l'on additionne les voix des militants qui ont voté pour les motions des courants NPS, Nouveau Monde et Force militante au dernier congrès du PS, plus de 40 % des socialistes souhaitent le changement de république. Il faut y ajouter François Bayrou, les radicaux de gauche, les Verts. Et certains membres de l'UMP - comme le député Jérôme Chartier - réfléchissent aux possibilités de réformer les institutions.

M. Lang, néanmoins, préfère un régime présidentiel au régime parlementaire que vous prônez...
Il a le mérite de briser l'interdit sur un débat qui n'a pas été possible au congrès de Dijon. Je considère, moi, que le régime présidentiel est un système de cohabitation géante entre deux pouvoirs - le Parlement et le président -, issus d'une même légitimité : celle du suffrage universel. En cas de conflit, ils n'ont d'autre choix que le compromis. C'est un régime à l'américaine, conçu pour paralyser la décision politique, étranger à la tradition française. La seule application de ce système dans notre pays, sous la IIe République, en 1848, a abouti à un coup d'Etat.

N'est-il pas paradoxal de dénoncer le présidentialisme et de célébrer, avec la C6R (le 24 août), François Mitterrand, qui a pris sa part à cette évolution du régime ?
Le mitterrandisme est de plusieurs couleurs... Nous soulignons l'actualité du livre qu'il avait écrit en 1964, Le Coup d'Etat permanent, pour mieux nous détacher des pratiques politiques de ses deux septennats. Nous devons reprendre le flambeau de ce combat amorcé il y a 40 ans par François Mitterrand, mais aussi par Pierre Mendès France dans La République moderne, dès 1962. Leurs réflexions sont aujourd'hui oubliées alors que la compromission, l'irresponsabilité et la confusion des pouvoirs n'ont jamais été si fortes au sommet de l'Etat. Il faut déplorer la reprise en main de la justice, qu'" un brin d'avoine ramène à l'écurie ", selon l'expression mitterrandienne, et la mise à la disposition d'un seul individu d'un grand nombre d'institutions qui servaient de contre-pouvoirs. L'annexion à l'UMP de la Cour des comptes, du Conseil d'Etat, du Conseil constitutionnel, du CSA et de la CNIL en est la plus sévère illustration.

Le livre de François Mitterrand était aussi un pamphlet contre le général de Gaulle. Votre combat ne vise-t-il pas d'abord Jacques Chirac ?
Le message d'une nécessaire réforme des institutions est destiné à tous. J'appelle mon propre parti à se rénover, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres.

François Hollande a promis un référendum sur les institutions en cas de victoire du PS en 2007 et a suggéré plusieurs pistes de réforme, notamment du Sénat. En réclamez-vous davantage ?
La tâche des socialistes n'est pas de multiplier les bouts de programme ni les demi-colloques, mais de bâtir un véritable programme de réforme des institutions pour le candidat du PS en 2007. Le parti a accumulé depuis des années des propositions à ce sujet, mais celles qui ont abouti - le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral - n'ont réussi qu'à accroître la toute-puissance présidentielle. Je n'oublie pas le refus historique des dirigeants socialistes, en 2001, de mettre en accusation le président de la République devant la Haute cour de justice. Cette procédure, qui aurait, je pense, rencontré l'assentiment général de nos concitoyens, aurait été une thérapie de choc pour rompre intellectuellement et politiquement avec les institutions actuelles et bâtir, enfin, la VIe République.

Evoquerez-vous avec M. Lang, dimanche, la Constitution européenne, sur laquelle vous êtes en désaccord ?
Ce débat ne sera pas mené à Frangy-en-Bresse, mais au sein du PS, en temps voulu, selon le calendrier fixé par François Hollande. Je suis opposé à ce texte, mais passé le temps de la campagne interne, si le " oui " l'emporte chez les militants, je défendrai le " oui " au nom de mon parti. J'attends la même discipline collective des partisans du " oui " si les opposants au texte recueillent la majorité.

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