Développement durable et équitable

Arnaud Montebourg
Arnaud
Montebourg

 Contribution thématique au congrès national de Dijon présentée par Arnaud Montebourg, Christian Paul, Vincent Peillon...
18 janvier 2003

 
Depuis la révolution industrielle du 19ème siècle, les hommes disposent d’outils technologiques qui permettent une exploitation toujours plus intensive des ressources naturelles. L'ampleur de cette exploitation a pris des proportions telles que les équilibres de la planète s'en trouvent à présent menacés. La protection de l'environnement est devenue un impératif politique. Les thèmes développés par l'écologie sont du domaine du débat public et le Parti socialiste les a trop longtemps sous-estimés voire négligés en les " sous-traitant " à leurs partenaires politiques. L'ampleur du décalage entre une opinion publique de plus en plus préoccupée par les problèmes environnementaux et l'offre politique presque indigente du Parti socialiste nous amène à nous interroger sur la pertinence d'une vision socialiste de l'écologie.

Il nous appartient donc d’accorder les principes d’une écologie politique, construite autour du concept d’un développement durable et équitable aux valeurs qui fondent le socialisme : l’amélioration permanente de la condition de vie des hommes.

Cette notion de développement durable est à la fois nouvelle voire abstraite mais aussi très intuitivement usitée. L’écologie et la protection de l’environnement ont trop souvent servi d’objet de séduction pour les politiques. Les intentions ne suffisent plus, ils doivent à présent être assortis de gestes forts et lisibles accompagnant la mise en œuvre d’une véritable politique socio-environnementale.

Le concept de développement durable ne peut se définir hors d’un projet politique :

Un développement durable de gauche affirme la primauté de l’homme et de son environnement sur l’économie
. Selon ce principe, la sphère des activités économiques est incluse dans la sphère des activités humaines, elle-même incluse dans la biosphère. La conséquence de ces interdépendances est que l’on ne peut concevoir une économie prospère voire croissante sans une péréquation avec une préservation de la nature.

Un développement durable de gauche repose sur un principe de solidarité dans le temps (conditions de vie des générations futures) comme dans l’espace (aménagement des territoires et relations Nord-Sud).

Même si la pensée libérale maquille le profit en progrès, faisant ainsi de la modernité une valeur complice, les dégâts humains et les dégâts environnementaux sont essentiellement les conséquences d’une gestion à court terme imposée aux entreprises par l’exigence première des actionnaires : la rentabilité financière immédiate.
Il convient de briser cette logique suicidaire. L’entreprise doit donc être fortement incitée à intégrer les exigences du développement durable. L’aide publique aux entreprises doit être conditionnée au respect de critères sociaux et environnementaux. Le projet politique de développement durable dans son objectif de réorientation des modes de production et de consommation, doit passer par l’éco-conditionnalité des aides publiques, conçue comme une véritable prime à la régulation socio-environnementale.
Les bilans sociétaux édités par les entreprises en vue de capter l’investissement éthique sont une voie à explorer. Mais ils doivent être aujourd’hui soumis à un agrément de la puissance publique et ne plus reposer uniquement sur les déclarations de leurs dirigeants. Sans renoncer à notre niveau de vie, il nous faut désormais adopter une autre façon de consommer.

Les coûts externes et induits doivent être pris en compte dans la politique des entreprises en parallèle de l’incitation à l’éco-conception, favorisant l’utilisation de matériaux non polluants ou recyclables. Par ailleurs, les coûts de production doivent inclure l’élimination ou le retraitement des produits en fin de vie. Ainsi, la prévention des risques industriels et sanitaires comme la modification des indicateurs économiques bénéficieraient à des économies d’échelles.
Ces politiques d’encouragement doivent s’accompagner de mesures d’information et d’éducation et ainsi donner aux populations les moyens de devenir des acteurs responsables de notre société. A titre d’exemple, la gestion des ressources en eau doit être l’un des vecteurs d’une large concertation par l’intermédiaire d’assemblées citoyennes.
La priorité doit être donnée par la hausse du budget de la recherche, aux technologies innovantes notamment pour la lutte contre les pollutions annexes (air, bruits, sources lumineuses…) et pour le développement de sources d’énergies renouvelables.

La pluralité et la diversité du monde agricole nécessitent aujourd’hui une prise en compte des particularismes des agricultures. Les agricultures écologiquement responsables doivent être encouragées, tout comme le commerce équitable, qui permet d’assurer un revenu décent par le biais de productions de qualité, dans le cadre d’un développement solidaire.

La persistance à évaluer le modèle biotechnologique en marge des principes du développement durable et la non maîtrise avérée des flux de gènes, permet de s’interroger sur l’intégrité de l’argumentaire mondialiste concernant les OGM. De plus, les différentes consultations citoyennes ont exprimé un refus catégorique à l’égard des OGM. Nous demandons un moratoire concernant la dissémination OGM et refusons que la décision revienne à quelques « experts ». En effet, l’acceptation ou non des risques sanitaires, environnementaux et socio-économiques doit être l'affaire des citoyens ! Notre politique agricole doit progressivement abandonner son soutien à l’agriculture intensive afin de limiter au plus vite les dégâts sur les équilibres biologiques des milieux naturels, c’est aussi une urgence de santé publique. Cette nouvelle politique agricole devra aussi participer à la re-dynamisation des campagnes. Elle devra s’intégrer à une politique globale d’aménagement qui oeuvrera à la solidarité entre les territoires basée sur la complémentarité entre les espaces ruraux et urbains. Le changement radical de cette politique productiviste est d’autant plus urgent que se profile une réforme de la Politique Agricole Commune.

Il faut systématiser l’approche environnementale dans tous les secteurs techniques par des projets transversaux d’économies de ressources associés à la gestion du territoire. Cette politique d’aménagement durable du territoire concernera aussi l’équipement et la restructuration des villes fondée sur la maîtrise du développement des agglomérations et des pays. Il conviendra de lutter contre la prolifération périphérique des espaces urbains et d’imposer des normes environnementales (notamment par les normes Haute Qualité Environnementale) à toutes constructions neuves. La mise en oeuvre d’agenda 21 locaux pourrait être incluse dans les compétences officielles des collectivités locales, et ainsi être généralisée, dans le cadre d’une politique cohérente d’aménagement et de décentralisation. Cette mise en place impose de nouvelles pratiques politiques basées sur la concertation, le lien social et la responsabilité sur les choix engagés.

Les modes de transports alternatifs à la voiture individuelle devront être encouragés ainsi que le ferroutage et le transport par voies maritimes et fluviales pour les marchandises ceci dans le but de réduire l’émission des gaz à effet de serre.

Le bilan énergétique européen est à l’image de celui de la France : largement déficitaire. Il conviendrait donc de se doter à l’échelon européen d’une réflexion d’ensemble sur la politique à mener en matière de maîtrise de l’énergie tout en explorant les diverses sources renouvelables afin de compenser au mieux ce déficit et agir durablement sur la réduction des gaz à effet de serre. Constatant la réalité scientifique du processus de réchauffement climatique et son lien de causalité avéré avec les gaz à effet de serre, constatant également la dépréciation de la disponibilité des stocks d’énergie fossile, ainsi que les tensions internationales que la maîtrise de ces stocks induit sur le plan géopolitique, il est urgent de donner les moyens à la recherche pour développer de nouvelles productions d’énergies locales et renouvelables, comme cela a été fait pour le nucléaire par le passé en France.

L’Europe doit prendre toute sa place dans la promotion des valeurs liées au développement durable en accentuant son rôle de coordonnateur auprès des pays membres sur cette thématique.

Dans le cadre d’un pouvoir politique accru, elle a vocation à impulser à l’échelon planétaire la création d’une Agence Mondiale de l’environnement qui s’assurera du respect de normes sociales et environnementales intégrées aux conventions internationales.

Le Parti socialiste doit intégrer ce concept de développement durable dans le cadre de la réforme de nos institutions. Enjeu majeur de démocratie locale, le développement durable doit permettre une socialisation de la connaissance et aux citoyens de participer pleinement aux processus de décision.

De façon général, pour garantir la réorientation nécessaire des modes de consommation et de production que nous prônons, nous proposons une politique d’évaluation des politiques publiques, à la faveur du développement d’indicateurs socio-environnementaux harmonisés, qui puisse mettre en oeuvre une grille d’appréciation de l’éco-conditionnalité des subventions publiques tant des collectivités que d’Etat, à l’agir individuel et collectif. Cette nouvelle culture de l’appréciation de l’usage durable et de l’efficacité socio-environnementale des deniers publics serait aussi de nature à garantir un développement et un aménagement équitable du territoire.

La fiscalité nous semble un instrument privilégié de réorientation, étant précisé que l’aspect incitatif doit être préféré à une conception uniquement coercitive, puisqu’il s’agit de compter sur un effet dynamique et non bloquant des activités. Pour être efficace, le coût sociétal de l’exploitation des ressources naturelles ne doit plus être masqué, nous proposons au contraire d’internaliser les coûts dits extérieurs, afin d’obtenir une prise en compte exacte et même valorisée des impératifs sociaux et environnementaux.

Le concept de développement durable que nous défendons est ouvertement de gauche, il consacre l’importance de l’économie sociale et solidaire et remet en question l’économie purement libérale. A ce titre, nous nous prononçons pour le rétablissement d’un secrétariat à l’Economie Sociale et Solidaire rattaché directement au ministère de l’Economie et des Finances. Les principes fédérateurs de son aboutissement reposent sur la solidarité entre les générations, entre les peuples et les territoires, la transversalité qui implique la prise en compte simultanée des dimensions culturelles, économiques et sociales, la participation de tous les acteurs de la société civile aux processus de décision, et enfin la responsabilité vis à vis des générations futures et des populations défavorisées.


Premiers signataires :

Arnaud Montebourg  Christian Paul  Vincent Peillon  Réjane Di Bianca (14)  Geneviève Perrin-Gaillard (79)  Michèle Rivasi (26)  Roselyne Roussel (91)  Annie Vegeolle-Anazel (14)  Jean Pierre Anazel (14)  Xavier Lecussan (92)  Benjamin Peres (32)  Dominique Quaintenne (75)  Jérôme Samalens (32)  Charlotte Girard (75)

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