Renouer avec l'exigence sociale

Arnaud Montebourg
par Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire
Entretien accordé au quotidien La Depêche du Midi daté du 14 février 2003
propos recueillis par Marc Dejean


 

En quoi les propositions du NPS se différencient-elles des autres contributions socialistes ?
Nous proposons tout d'abord aux socialistes une véritable stratégie de résistance à la mondialisation alors que la direction du PS se contente de mesures d'accompagnement juste destinées à réparer les dégâts de la mondialisation libérale. Nous développons aussi des idées concernant l'Europe démocratique, et ce préalablement à l'élargissement. Et c'est là la clef du conflit avec l'actuelle direction. Nous refusons l'Euronaïveté, l'écart entre l'idéal européen et la réalité européenne et nous voulons construire une union à partir des valeurs que nous défendons. Nous sommes, en fait, des Eurofervents et l'un de nos objectifs est de sauver l'Europe de la montée des populismes. Parmi nos principales idées, il y a ensuite la création d'une VIème République car nous vivons une crise civique sans précédent avec, au printemps dernier, quatorze millions d'abstentionnistes et huit millions d'électeurs pour les extrêmes. Ce régime tient aujourd'hui sur une petite base fragile et minoritaire et le temps est venu de refonder la République. Enfin, nous désirons renouer avec l'exigence sociale car l'insécurité sociale est la première préoccupation des Français.

Ce projet de VIème République est donc l'un des fondements du NPS ?
Evidemment, c'est même consubstantiel à notre démarche. Il suffit de se souvenir que, coalisés, les éléphants du PS ont empêché les parlementaires de placer Jacques Chirac devant ses responsabilités judiciaires. En protégeant Chirac, ils voulaient surtout protéger la cohabitation et c'est là un des pièges de la Vème République. Tout ça n'aurait pas été si grave si nous n'avions pas été obligés de voter Chirac en mai dernier. La responsabilité de la direction du PS est très lourde face à tout cela...

Pensez-vous que le NPS puisse être majoritaire lors du congrès de Dijon ?
Seul, non. Avec d'autres, certainement. Pour l'heure, nous défendons nos idées et la première des choses est de convaincre les militants de la justesse de nos propositions. Mais qu'on se méfie, il y aura des surprises à Dijon car les militants ne veulent plus s'en laisser conter. Il est toutefois encore trop tôt pour évoquer les possibles ralliements de tel ou tel au NPS. Moi, je poursuis le tour des fédérations, j'en ai déjà visité une trentaine et je serai très heureux d'être, ce vendredi, à Rodez. L'Aveyron est une magnifique région que je connais assez bien. Je viens souvent l'été, à titre privé, passer quelques jours à Sylvanès car je suis un ami d'André Gouze.

A propos d'Aveyronnais, que pensez-vous de la situation judiciaire de José Bové qui se rapproche chaque jour davantage de la prison ?
Je pense que la justice perd de sa crédibilité. Elle libère Papon, elle relaxe Dumas... Il y a là tous les ingrédients explosifs du discrédit de l'autorité judiciaire. La nouvelle République permettrait justement de reconstruire nos institutions sur des bases saines.

Comment analysez-vous par ailleurs l'aura grandissante de Bertrand Delanoë ?
Bertrand effectue un travail exemplaire et très important à la mairie de Paris. Il y met en pratique tout ce que nous n'avons pas mis en oeuvre auparavant, c'est-à-dire le mandat unique, le compte rendu régulier de mandat... Autant de choses que j'applique moi-même comme député d'une circonscription rurale de la Bourgogne. D'une manière générale, j'apprécie ce genre de pratiques qui ne se contentent pas des discours et qui se traduisent dans les actes.

On parle déjà d'une possible candidature de Jacques Chirac en 2007. Dans ce cas, et puisque même certains élus de droite vous trouvent des qualités, envisagez-vous de vous présenter à la présidence de la République ?
Pour l'instant, mon souci est de convaincre les militants socialistes de la justesse de nos propositions. Pour la suite, je ne suis candidat à rien et si certains à droite reconnaissent mes mérites, c'est plutôt une nouveauté. Habituellement, je les inquiète...

Pendant la législature précédente, vous faisiez figure de « M. Propre ». Mais ces derniers mois, la réforme des tribunaux de commerce a été abandonnée, Dumas a été relaxé... Et Jacques Chirac a été réélu avec plus de 80 %. Voilà beaucoup de déconvenues pour vous et vos partisans...
Tout se paye tôt ou tard et notamment en terme électoral. Cette accumulation de désespoirs supplémentaires est l'une des conséquences néfastes de cette République. Il faut donc continuer le combat.

A l'image de ce qui vient de se passer pour la réforme du scrutin des régionales ?
Là, en vérité, il s'agit d'un scandale. On assiste à un cadenassage politique à l'intérieur d'un verrouillage institutionnel déjà existant. Je constate d'ailleurs la montée à droite d'un autoritarisme bonapartiste et on doit s'attaquer à tout ça plus durement encore. Par ailleurs, avec le 49-3, le gouvernement utilise de la violence pour réprimer une révolte politique et il ne faudra pas qu'il s'étonne de la jacquerie électorale qui s'ensuivra.

Comment jugez-vous, enfin, la réforme de la décentralisation voulue par Jean-Pierre Raffarin ?
Je crois que le gouvernement Raffarin a mis en marche une mécanique qui détruit, en fait, la solidarité entre les territoires. Il y aura à l'avenir les territoires riches qui pourront s'acheter des compétences et les pauvres qui demeureront dans le dénuement. On vit aussi la mise à bas de la politique des pays lancée par la loi Pasqua et poursuivie avec le texte de Dominique Voynet. Ce qui se passe dans ce domaine est une honte, une atteinte à tout ce que nous avons déjà bâti les uns et les autres sur nos territoires respectifs. C'est triste le sort que réserve la majorité actuelle aux pays. Beaucoup de choses sont supprimées et le texte final risque de laisser des structures vides dont il ne restera vite plus rien.

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