Chirac ?
Un roi fainéant



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS).

Paru dans Le Parisien daté du 25 septembre 2003
Propos recueillis par Frédéric Gerschel


 

Êtes-vous surpris par l'effondrement de Jean-Pierre Raffarin dans les sondages ?
Non. Il ne faut pas s'étonner si l'opinion se détourne aussi violemment de lui. Depuis qu'il est à Matignon, le Premier ministre mène une politique de classe, au sens brutal du terme. Les plus pauvres sont désormais mobilisés pour porter secours aux plus riches !

Que lui reprochez-vous ?
Des mesures injustes et antisociales. Pour satisfaire quelques privilégiés, Raffarin a baissé l'impôt sur la fortune puis l'impôt sur le revenu des classes supérieures. Dans le même temps, il a augmenté le ticket modérateur pour les personnes âgées dépendantes les plus modestes, le forfait hospitalier, les taxes sur le gazole et le tabac. Il dérembourse un millier de médicaments, laisse exploser les impôts locaux, diminue l'allocation pour les chômeurs en fin de droits... et oblige à travailler gratuitement un jour férié. Les victimes de sa politique sont des millions, les bénéficiaires quelques milliers seulement. M. Raffarin finira sous les quolibets de la classe ouvrière.

Le gouvernement peut-il tabler sur le retour de la croissance ?
Encore faudrait-il avoir pris des mesures qui favorisent une éventuelle reprise. En 2002, Lionel Jospin avait laissé le déficit public à 1,2 % du produit intérieur brut (PIB). Il est actuellement à près de 4 %. Comment le gouvernement compte-t-il combler le trou ? Je ne vois pas d'autre solution que d'augmenter à nouveau les prélèvements. Donc, freiner un peu plus l'activité économique.

Sur la scène intérieure, Jacques Chirac paraît relativement absent...
C'est le roi fainéant de la Vème République. Il incarne un système à bout de souffle, antidémocratique, que notre génération devra reconstruire entièrement, du rez-de-chaussée jusqu'aux combles. L'affaire de la canicule a démontré à quel point toute notre organisation politique est fondée sur l'irresponsabilité. Je résume la bonne parole gouvernementale : c'est de la faute aux victimes si elles n'ont pas su se prémunir des conséquences de l'hyperthermie. Dans n'importe quelle autre démocratie, après une catastrophe pareille, le ministre de la Santé aurait présenté sa démission, le Parlement se serait réuni d'urgence pendant l'été et une enquête sérieuse et contradictoire aurait été diligentée aussitôt ! En France, on préfère accuser des lampistes et susciter des rapports favorables...

Qu'attendez-vous de la commission d'enquête parlementaire qui sera mise en place début octobre ?
Rien, c'est trop tard. Les informations sensibles sur la canicule ont disparu. Il fallait agir dès le mois d'août.

Le PS est-il désormais en ordre de bataille ?
Pas vraiment. Sur tous les sujets d'actualité, comme les retraites ou la mondialisation, nous sommes en retard et divisés. Le congrès de Dijon n'aura finalement accouché que d'une direction sans tête. Tout reste donc à faire.

Vous avez récemment révélé que vous faisiez l'objet de menaces de mort depuis deux ans...
Oui. Il est très difficile d'exercer un mandat lorsqu'on est pris à partie de cette façon. Mais je ne céderai à aucun chantage. Il y a dans notre pays un fossé entre la population et ses représentants. Un manque de confiance total. Pour la rétablir, on ne peut se contenter d'un replâtrage. Il faudra inévitablement bâtir un nouveau contrat social, une nouvelle République. La VIème du nom.



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