Traité constitutionnel :
Le PS a fait fausse route

Arnaud Montebourg


Entretien avec Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire, paru dans l'hebdomadaire L'Express daté du 30 mai 2005
Propos recueillis par Christophe Barbier


 

D'où vient ce non victorieux ?
C'est le non de la prise de pouvoir des citoyens sur la construction européenne. Si une passion dévorante a saisi les gens dans les cafés, les usines ou les familles, à propos de la Constitution, c'est parce que ceux qui l'ont lue ont voulu obliger le pouvoir à la modifier. Et la déferlante du non constitue une gigantesque motion de censure populaire. L'idée que les Français puissent donner un chèque en blanc à 448 articles était sortie de la tête mal faite des conventionnels. Le vote pour le non relevait du principe de précaution. Qui a manqué à l'appel pour faire passer le traité ? Ceux qui, comme moi, avaient approuvé Maastricht, c'est-à-dire les Européens de gauche, la légion des pro-Européens mécontents de cette Europe qui laisse s'installer la mondialisation ultralibérale en son sein. Nous avons décidé de ne pas nous laisser enfermer dans ce texte et de travailler à un autre, meilleur, contrairement aux souverainistes, qui voteront non à tous les projets européens.

N'avez-vous pas figé l'Europe actuelle, que vous critiquez ?
En 1787, lorsque les représentants des 13 Etats qui allaient former les Etats-Unis d'Amérique se sont réunis en convention à Philadelphie, ils ont rédigé une Constitution de sept articles. Il leur a fallu 107 votes avant qu'ils ne tombent d'accord. On ne peut adopter une Constitution en faisant fi de l'adhésion populaire.

Est-ce aussi un non à Jacques Chirac ?
Il a été le négociateur de ce traité, puis son promoteur, en compagnie de nombre de ses adversaires politiques. Je pense donc que la question Chirac n'était pas posée dans ce référendum. La tension autour de la Pentecôte travaillée fut révélatrice des sacrifices que la mise en concurrence des économies et des protections sociales au sein de l'Union nous impose déjà et que le texte aurait renforcée. Ce vote n'est donc pas politicien, mais constructif. Un référendum ne constitue pas une lutte pour le pouvoir, il tranche une question de fond. Jacques Chirac est néanmoins désavoué dans la signature qu'il a apposée, au nom de la France, au bas de ce traité. Il lui faut désormais exiger des dirigeants européens d'écouter la France qui souffre, celle qu'il n'a lui-même pas entendue depuis dix ans. Ce non est aussi l'échec de Lionel Jospin, de François Hollande et de tous ceux qui, dans leur sillage, n'ont pas voulu tirer ou nous ont empêchés de tirer les leçons du 21 avril 2002. Voici désormais avéré l'effondrement du système politique, incapable d'écouter la société française.

PS compris ?
Nous, socialistes, avons fait fausse route depuis 2002. Le parti a esquivé la confrontation avec ses responsabilités profondes. Cette fois encore, comme on avait dit, en avril 2002 : « C'est la faute à Chevènement ou à Taubira », ce sera « la faute à Laurent Fabius ou à Henri Emmanuelli », signe d'un enfermement sur soi, d'une autosatisfaction mortifère. Il faut réconcilier les 59 % de oui du parti avec la majorité de non dans le pays. On ne s'en sortira pas avec de vilains jeux d'appareil ou en pourchassant les hérétiques. Il faut tenir compte de la puissance du non de gauche, à partir duquel le parti doit proposer au pays un projet alternatif, qui devra notamment contenir un nouveau mandat de négociation, sur le plan européen, pour le président élu en 2007.

Souhaitez-vous un congrès ?
Les statuts prévoient les procédures pour réunir les militants autour de ce que nous appelons de nos vœux depuis trois ans : un nouveau Parti socialiste. Dijon fut en 2003 le congrès du statu quo, de la conservation du pouvoir après le séisme du 21 avril. Le prochain devra être celui de la rénovation de ce que nous sommes et de ce que nous proposerons aux Français.

Le NPS va-t-il s'allier avec François Hollande ou avec Laurent Fabius ?
Nous sommes la force motrice de la rénovation du parti. Notre comportement a été pour le moins responsable pendant ces déchirements intenses et publics des socialistes. Nous défendons nos idées, afin qu'elles deviennent majoritaires, par la conviction et la sincérité, pas à les dissoudre dans le trou noir des appareils.

Votre stratégie est-elle d'incarner le centre de gravité du PS ?
Sur les idées, nous le sommes déjà. Arithmétiquement, il est difficile de faire sans nous. Comme tant d'autres, je désire que le PS se modernise, au service des combats d'une grande social-démocratie européenne et populaire.

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