La guérilla des chefs est affligeante



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS) paru dans le quotidien Le Parisien daté du 28 mai 2004
Propos recueillis par Frédéric Gerschel


 

Pour le moment, les européennes ne semblent pas passionner grand monde...
Je ne sens pas de désintérêt chez les gens. Peut-être un manque d'explications, de débat. C'est regrettable car aujourd'hui un grand nombre de problèmes qui concernent la vie quotidienne des Français ne se décident plus au niveau national, mais au niveau européen : délocalisations, désindustrialisations, dossiers agricoles, dumping fiscal et social... L'enjeu est simple : ou les citoyens votent et transforment l'Europe en démocratie, ou ils la laissent aux mains des technocrates.

Jean-Pierre Raffarin affirme que la croissance est de retour...
Cette année s'annonce pourtant comme la plus noire depuis des décennies en termes de croissance. Un gouvernement digne de ce nom a le devoir de tout mettre en oeuvre pour favoriser l'activité et pas seulement s'en remettre aux oracles. Avoir redistribué, sous forme de baisses d'impôts, 5 milliards d'euros aux ménages les plus aisés, ménages qui ont une propension forte à l'épargne et non à la consommation, est une des raisons de cette morosité. Beaucoup de pays s'en sortent mieux que nous. La croissance frôle les 4 % aux Etats-Unis, 5 % dans les pays en voie de développement, 3 % en Espagne.

Dans le projet Douste-Blazy de réforme de la Sécu, n'y a-t-il pas des pistes que les socialistes auraient pu proposer ?
Je ne vois pas lesquelles. Il y a deux ans, les médecins ont été augmentés de 1,50 € par acte sans aucune contrepartie. Aujourd'hui, on ponctionne ce 1,50 € dans le portefeuille des assurés sociaux. Où est la justice ? Où est la logique ? Le gouvernement a organisé la déresponsabilisation générale. Au lieu de se lancer dans une réforme de structures, il fait porter la quasi-totalité des efforts sur les patients. C'est incohérent.

Partagez-vous les inquiétudes de ceux des salariés d'EDF-GDF qui ont manifesté hier dans les rues de Paris ?
Oui. Les Français ne voudront jamais que l'on offre cette entreprise à des actionnaires privés. Les citoyens sont aussi des consommateurs. Ils savent bien que la privatisation, partout où elle a été menée, a conduit à des explosions de tarifs : + 20 % en Finlande, + 7 % en Italie, + 113 % dans le Middle West aux Etats-Unis. En Californie, où l'électricité est également privatisée, l'offre n'a plus suivi la demande, et l'on a assisté à des coupures très graves.

Au PS, la compétition présidentielle n'a-t-elle pas d'ores et déjà commencé ?
Oui. Cette guérilla des candidats, des chefs, est affligeante. Elle discrédite à l'avance l'alternative que nous devrons construire collectivement. Ceux qui se battent par journaux interposés feraient mieux de se concentrer sur la rédaction de notre projet pour 2007. Et Dieu sait s'il y a des problèmes à résoudre.

On parle de plus en plus d'un retour de Lionel Jospin...
J'adresse la même remarque à Jospin qu'à Strauss-Kahn, Fabius et aux autres : avant de repartir à la conquête du pouvoir, travaillons sur le projet. Par ailleurs, il faudra bien un jour que Lionel s'explique sur les raisons pour lesquelles il nous a empêchés de mettre en accusation Jacques Chirac devant la Haute Cour de justice. Car, un an après, nous avons été massivement obligés de voter pour ce quasi-délinquant. Et regardez ce qu'il a fait de nos voix.



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